De la discussion devant les chambres, il ressort qu'il n'y a entente que quand la résolution d'agir est arrêtée entre deux ou plusieurs personnes. Ici donc il suffit d'un pur accord définitivement conclu, d'un contrat bien formé, c'est-à-dire d'opérations purement intellectuelles. 2o L'association est criminelle, lorsqu'elle a pour but de préparer ou de commettre des crimes indéterminés contre les personnes ou les propriétés (qu'elles soient publiques ou privées). La disjonctive « ou », indique qu'il y a là deux objectifs distincts et parfaitement séparés. Remarquons qu'il faut « préparer ou commettre des crimes » et non pas des délits; on a redouté de frapper l'association ou l'entente pour des délits, de peines plus sévères que les délits eux-mêmes (1). 3o L'inculpé doit avoir agi sciemment. <«< Il faut, a dit M. de Ramel, répondant à M. Jourde, pour qu'on puisse poursuivre un individu entré naïvement et innocemment dans une association qui, sous une apparence bénigne, contiendrait des malfaiteurs se concertant pour commettre un crime, qu'il soit établi que c'est sciemment qu'il a participé ou s'y est affilié, sachant bien que le but pour vernement, que c'était bien le complot en vue de l'action qu'on veut atteindre ». M. Clausel de Coussergues, président de la commission, répondant à M. Jourde, a dit dans la séance du 15 décembre 1893 : « Dans le complot on veut atteindre ceux qui se sont réunis en vue de perpétrer un ou plusieurs actes criminels déterminės, limités. Ici, que voulons-nous ? Atteindre ceux qui se réunissent pour préparer d'une manière générale et non pas seulement d'une manière spéciale, une série d'actes indéterminés et les moyens de commettre ces actes. Nous sommes d'accord avec M. Jourde lorsqu'il dit: ce que vous voulez atteindre c'est le complot. Oui, c'est un complot, que ce soit bien entendu; mais ce n'est pas le complot ayant pour but de commettre un ou plusieurs attentats déterminés, c'est le complot qui a pour but de commettre une série indéterminée d'attentats ». Voilà donc les motifs qui ont fait maintenir le terme « entente ». La Cour de cassation a dès lors jugé que la rédaction générale de l'article 265 ne permet pas d'en limiter l'application au cas où l'entente ne serait établie qu'en vue de crimes dès à présent déterminés d'une manière précise. C., 12 mai 1894. Par suite il suffit pour l'article 265, que le concert établi, ait en vue des crimes à entreprendre contre des personnes ou des propriétés sans qu'il soit indispensable que des faits spéciaux c'est-à-dire tels ou tels actes précis soient d'ores et déjà envisagés. (1) Le projet du Gouvernement avait employé les mots d'« attentats contre les personnes ou les propriétés »; mais la commission les remplaça par celui de <«< crimes », entendant par là, disait le rapporteur M. Flandin, « exclure les associations formées pour commettre des délits et non pas des crimes, et affirmer en même temps sa ferme intention de ne viser jamais que les crimes de droit commun ». Une observation essentielle c'est que la loi du 18 décembre 1893 ne vise selon le mot de M. Flandin, rapporteur, que « des actes hideux ». suivi était d'attenter à la vie des personnes et à la propriété (1). J'ajoute que la preuve de l'intention de nuire, résultant de la connaissance du but criminel poursuivi par l'association, est à la charge du ministère public; si elle n'était pas faite, il ne pourrait pas y avoir condamnation. Donc, la rédaction de l'article, qui peut paraître à première vue insuffisante, se précise à la lumière des principes généraux du Code pénal ». 399 bis. La loi prévoit la complicité. Elle la fait résulter de trois moyens : 1. Fourniture des instruments de crimes; 2. Moyens de correspondance; 3. Logement ou lieu de réunion (2). Cette loi du 18 décembre 1893 permet de prononcer la rélégation en sus de la réclusion, alors même qu'aucune condamnation antérieure n'aurait été prononcée. Le § 3 de l'article 266 exempte de toute peine les coupables qui, avant toute poursuite, ont révélé aux autorités constituées l'entente établie ou fait connaître l'existence de l'association (3). (1) La connaissance du but de l'association et la volonté d'y concourir sont des éléments nécessaires. (2) V. article 99 du Code pénal infrà, no 416. La connaissance du but de l'association ou de l'entente et la volonté d'y concourir sont, nous le répétons, deux éléments constitutifs du crime. Aussi le cafetier qui reçoit dans son établissement comme consommateurs des anarchistes qu'il sait anarchistes ne peut-il être sérieusement inquiété, à moins que les circonstances démontrent péremptoirement qu'il s'agit d'un lieu de réunion et qu'il opère en connaissance de cause et comme auxiliaire. Il en est de même du logeur. Quant aux moyens de correspondance et à la fourniture des instruments d'un crime, ce sera une question d'appréciation. Il n'est pas besoin de plusieurs faits, un seul suffira. De même, il suffira qu'on ait été en rapport avec un seul membre de l'association ou un seul des adhérents, si l'on connaissait l'association ou l'entente. (3) Cette disposition est empruntée à l'article 108 du Code pénal : Article 108. «Seront exemptés des peines prononcées contre les auteurs de complots ou d'autres crimes attenttatoires à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat, ceux des coupables qui, avant toute exécution ou tentative de ces complots ou de ces crimes, et avant toutes poursuites commencées, auront les premiers donné au Gouvernement ou aux autorités administratives ou de police judiciaire, connaissance de ces complots ou crimes et de leurs auteurs ou complices, ou qui même depuis le commencement des poursuites, auront procuré l'arrestation desdits auteurs ou complices. « Les coupables qui auront donné ces connaissances ou procuré ces arrestations. pourront néanmoins être frappés de l'interdiction de séjour ». Cette disposition se justifie par l'intérêt de l'ordre public et de la sécurité sociale. « La morale humaine dit Diderot dont les lois humaines sont la base C'est la Cour d'assises qui est compétente. A la Chambre des Députés, en février 1901, le député Rouanet a la nouvelle loi sur les associations allait abroger la loi paru croire que de 1893. Nous espérons que c'est là une erreur. $4. 400. Des associations internationales (Loi du 14 mars 1872). Cette loi est encore en vigueur; l'article 68 de la loi du 29 juillet 1881 n'a abrogé que les Lois de presse. Elle paraît, à certains points de vue, en désaccord avec les principes nouveaux, puisque les attaques contre le principe de la propriété et les droits de la famille (décret du 11 août 1848, art. 3), les infractions au respect dû aux lois (loi du 27 juillet 1849, art. 3), l'outrage aux religions, etc. (loi du 25 mars 1822, art. 1er), etc., etc., ont été supprimés par la législation de 1881. Cette antinomie n'est qu'apparente. Le fait seul, de s'associer (en vue par exemple de la destruction de la patrie), de se grouper, constitue non un délit d'opinion, mais un acte punissable, de même que le rassemblement d'insurgés, l'attroupement, etc., etc. La loi ne porte pas atteinte au droit d'association. Elle vise un fait qui, commis par des individus isolés, appellerait déjà une répression, et qui prend des proportions tout à fait graves quand il émane d'une association. Ce n'est pas l'association qu'on poursuit ; c'est le délit commis par elle. a pour objet l'ordre public et ne peut admettre au rang de ses vertus la fidélité des scélérats entre eux, pour troubler l'ordre et violer les lois avec plus de sécurité ». Cpr., cependant Beccaria, des Délits, ch. 14. L'article 108 prévoit deux cas distincts « dans lesquels il y a également impunité ». 1er cas: Lorsque avant tout commencement d'exécution du crime et avant toute poursuite, le révélateur, non encore arrêté, a, le premier, donné connaissance du projet d'attentat; Carnot sur l'art. 108. Garraud, id. 2o cas: Lorsque après l'exécution et depuis le commencement des poursuites, il a procuré l'arrestation des auteurs ou complices, de quelques-uns ou même d'un seul d'entr'eux. Pourvu qu'il ne soit pas acquis au procès que, pouvant procurer l'arrestation de quelques autres, il s'y soit refusé. Carnot, id. Les dispositions de l'article 108 constituent une excuse légale, dès lors le jury doit être questionné spécialement à ce sujet. Cpr., article 339, Code d'instruction criminelle, 29 avril 1819. Le bénéfice de l'article 108 ne s'applique qu'à la révélation des seuls crimes et attentats contre la sûreté extérieure de l'Etat. Les autres crimes restent sous l'empire du droit commun. Diverses lois ont, comme l'art. 266, étendu, à des cas divers, le principe de l'article 108. La loi du 14 mars 1872, dans son article 3, atteint non seulement ceux qui se servent de la parole, mais encore les journalistes. Il n'y a aucune distinction à faire entre les divers procédés de propagation ou provocation, ni entre la propagation clandestine et la propagation avec publicité (1). En cette matière, comme en toute autre, le délit ne peut résulter que de l'intention (2). Si la loi du 14 mars 1872 est abrogée, on aura à la regretter. (1) L'insertion, purement matérielle, dans un journal, sans réflexion ou commentaire, d'un document relatif à l'association internationale, tel que rapport de ses séances, convocation de congrès, statuts, etc., tombe sous le coup de la loi. C., 23 août 1872, 6 décembre 1872. Bien entendu, il est nécessaire que l'insertion ait été faite avec l'intention de concourir au développement de l'association internationale ou de propager ses doctrines. Le fait d'avoir inséré dans un journal un avis de convocation ou un procèsverbal de l'assemblée générale de l'association internationale des travailleurs, ne constitue pas un délit de presse mais une infraction sui generis, punie de peine correctionnelle, et, par suite, de la compétence des tribunaux correctionnels, conformément à l'article 179 du Code d'instruction criminelle. C., 23 août 1872, 6 décembre 1872. Le Sellyer, Traité de la compétence, t, I, no 67. Au reste en cette matière, comme en toute autre il pourra y avoir lieu si les conditions exigées par ces textes se trouvent réunies, à l'application des articles 60 du Code pénal et 23 de la loi du 29 juillet 1884. (2) Le fait d'avoir concouru sciemment au développement de l'Internationale en propageant ses doctrines, ses statuts ou ses circulaires, constitue, non une infraction purement matérielle, mais un délit qui ne peut exister si l'intention criminelle de l'agent n'est pas constatée par le juge; la condamnation n'est pas justifiée quand l'arrêt constate que la publication n'a pas été faite par malveillance et dans un but hostile à l'ordre public. C., 16 mai 1873, 21 juin 1873. Mais le délit de l'article 3 existe s'il est reconnu en fait, qu'à l'acte matériel se joignait l'intention coupable de contribuer au développement de l'association. C., 21 juin 1873. Après avoir traité des associations, lesquelles impliquent le concert, l'entente, il est naturel d'étudier les complots et les attentats contre la sûreté intérieure de l'État, les mouvements insurrectionnels, etc. Il importe de remarquer que quelquefois, ces attentats, pourront déterminer la proclamation de l'état de siège (1). Voici, d'abord, les textes des articles 86 à 102 du Code pénal. Des crimes contre la sûreté intérieure de l'État et des crimes tendant à troubler l'État par la guerre civile, l'illégal emploi de la force armée, la dévastation et le pillage publics.... ARTICLE 86 DU CODE PÉNAL (ABROGÉ) (2). (1) Sur l'état de siège et ses conséquences. V. no 90. Cpr., nos 393 texte et note 68 et ss. Les droits des citoyens sont singulièrement restreints par l'état de siège V. n 90. (2) Cet article qui punit les attentats à la vie de l'Empereur ou des membres de sa famille et les offenses à sa personne ou à celles des membres de sa famille a été abrogé. Garraud, t. III, nos 875, 879. Boitard, no 177. Blanche, t. II, p. 351. |