La première Tentation de Saint Antoine (1849-1856): Oeuvre inédite

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Fasquelle, 1908 - 303 pages
 

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Page 204 - ... coude épanchant leurs urnes, Vulcain battant ses métaux, Gérés sciant ses blés, et Poséidon tumultueux, qui de son manteau bleu bordé d'argent entourait la Terre retentissante. Du fond des vallons, les nuages s'élevant apportaient jusqu'à moi le parfum gras des sacrifices; avec le chant des hymnes, la fumée montait dans le feuillage du laurier, et la poitrine du prêtre, se dilatant au rythme, exhalait grande ouverte la placide harmonie du peuple des Hellènes. Un soleil chaud brillait...
Page 161 - J'ai envie de voler, de nager, d'aboyer, de beugler, de hurler. Je voudrais avoir des ailes, une carapace, une écorce, souffler de la fumée, porter une trompe, tordre mon corps, me diviser partout, être en tout, m'émaner avec les odeurs, me développer comme les plantes, couler comme l'eau, vibrer...
Page 162 - J'ai besoin d'aboyer, de beugler, de hurler ! je voudrais vivre dans un antre, souffler de la fumée, porter une trompe, tordre mon corps, — et me diviser partout, être en tout, m'émaner avec les odeurs, me développer comme les plantes, vibrer comme le son, briller comme la lumière, me blottir sous les formes, pénétrer chaque atome, circuler dans la matière, être matière moi-même pour savoir ce qu'elle pense...
Page 140 - Assise dans une coquille et traînée par des dauphins, je me promène dans les grottes, écoutant tomber l'eau des stalactites. Je vais au pays des diamants , où les magiciens , mes amis , me laissent choisir les plus beaux ; puis je remonte sur la terre et je rentre chez moi. Elle allonge les lèvres, pousse un sifflement aigu, et un grand oiseau qui descend du ciel vient s'abattre sur le sommet de sa chevelure dont il fait tomber la poudre bleue.
Page 133 - ... puis, redescendant, lui effleure les épaules et vient s'attacher sur sa poitrine à un scorpion de diamant, qui allonge la langue entre ses seins. Deux grosses perles blondes tirent ses oreilles. Le bord de ses paupières est peint en noir. Elle a sur la pommette gauche une tache brune naturelle; et elle respire en ouvrant la bouche, comme si son corset la gênait. Elle secoue, tout en marchant, un parasol vert à manche d'ivoire, entouré de sonnettes vermeilles; — et douze négrillons crépus...
Page 42 - J'ai souvenir d'un pays lointain, d'un pays oublié; la queue du paon, immense et déployée en ferme l'horizon, et, par l'intervalle des plumes , on voit un ciel vert comme du saphir. Dans les cèdres, avec des huppes de diamant et des ailes couleur d'or, les oiseaux poussent leurs cris pareils à des harpes qui se brisent; sur la prairie d'azur les étoiles dansent en rond. J'étais le clair de lune , je perçais les feuillages , je me roulais sur les fleurs , j'illuminais de mon visage l'éther...
Page 158 - Une fois, je me suis dévoré les pattes sans m'en apercevoir. Personne, Antoine, n'a jamais vu mes yeux, ou ceux qui les ont vus sont morts. Si je relevais mes paupières — mes paupières rosés et gonflées — tout de suite, tu mourrais.
Page 206 - Charmidès, l'humanité, n'est-ce pas, ne pouvait monter plus haut ? Dans la barrière bleue de Panoenus tu as enfermé pour toujours son plus sublime effort, et c'est aux dieux maintenant à descendre vers elle. J'en vois venir d'autres qui sont pâles pour satisfaire la douleur de ces peuples ennuyés; ils arrivent des pays malsains, couverts de haillons et poussant des sanglots; moi, je ne suis pas comme eux, né pour vivre sous des ciels froids, avec des langues barbares, en des temples sans...
Page 130 - ... immense, éclairée par des candélabres d'or. Des socles de porphyre, supportant des colonnes à demi perdues dans l'ombre, tant elles sont hautes, vont s'alignant à la file, en dehors des tables, qui se prolongent jusqu'à l'horizon, où apparaissent, dans une vapeur lumineuse, des architeetures énormes: pyramides, coupoles, escaliers, perrons, des arcades avec des colonnades et des obélisques sur des dômes.
Page 211 - Pandala âgée de sept ans, afin de coucher avec elle pour qu'elle me mît au monde un invincible fils, qui fût le père de tous les monarques d'au delà du Gange. Mais plus s'accumulaient les ans, plus s'augmentait ma force; je tuais mes amis en jouant avec eux, je rompais les sièges en m'asseyant dessus, je démolissais les temples en passant sous leurs portiques, et ma chair se durcissait, mon poil...

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