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UN AUTRE CHEVALIER.

N'oublions pas les meilleurs noms! buvez avec moi : Vive le noble couple de fiancés ! (I boit.)

TOUS.

Vivent doña Clara et Enrique!

Cliquetis de coupes et fanfares. Zuleima et Enrique s'inclinent.

Je vous remercie.

DON ENRIQUE.

SECOND CHEVALIER

Mais votre fiancée est muette.

DON ENRIQUE.

La gracieuse Clara, il est vrai, parle peu aujourd'hui; mais aujourd'hui, je ne demande qu'un seul mot de sa bouche, un oui devant l'autel, et je serai heureux.

ZULEIMA.

Mon cœur est si troublé, señor.

TROISIÈME CHEVALIER.

Un mauvais signe, don Enrique, vous venez de

· renverser la salière.

QUATRIÈME CHEVALIER.

Ce serait un bien plus mauvais signe encore, si vous aviez renversé la coupe remplie de vin.

TROISIÈME CHEVALIER.

Don Carlos est un ivrogne.

QUATRIÈME CHEVALIER.

Oui, certes, grâce à Dieu! et non pas comme vous un esprit sombre, un homme né le dimanche, et pour qui le meilleur festin est gâté si quelqu'un, par mégarde, a renversé une salière. Oui, oui, le vin, c'est là mon élément! dans ses flots d'amour clairs et dorés, je veux, pour la guérir, baigner mon âme malade; et je ne puis m'empêcher de rire aux éclats quand je pense que le sobre prophète de la Mecque... Oui, señor, le vin, le vin, oui, oui, je voulais dire que le vin est bon...

ALY.

Pedrillo! écoute, Pedrillo!

PEDRILLO.

Gracieux maître?

ALY.

Fais entrer tous les bouffons, tous les bateleurs, tous les danseurs, et aussi le joueur de harpe, toute cette canaille de Barcelone.

PEDRILLO.

Je comprends, gracieux maître. (Il sort.)

CINQUIÈME CHEVALIER, causant avec une dame.

Je ne me marierai jamais, señora.

LA DAME.

Quelle raillerie! vous êtes aujourd'hui d'humeur joyeuse, don Antonio. Vous! un ami des dames, un ami de l'amour!

CINQUIÈME CHEVALIER.

J'aime le myrte aussi, je régale mes yeux de la fraîche verdure de ses feuilles, et son parfum me réjouit le cœur; mais je me garderais bien de le faire cuire et de le manger comme légume... amer légume, señora, terriblement amer!

L'ABBÉ, causant avec son voisin.

C'était un magnifique auto-da-fé! Ces choses-là réjouissent le cœur du bon chrétien et jettent l'épouvante parmi les pécheurs endurcis de la montagne. (A Aly.) Avez-vous appris la victoire des nôtres et la sanglante défaite des païens? ils sont dispersés. Une partie de leurs bandes erre dans la campagne aux environs d'ici.

ALY, regardant du côté de la porte.

Dieu soit loué! Je savais déjà ces nouvelles, vénérable seigneur... mais il est temps que les divertissements commencent.

Bouffons, bateleurs, danseurs de corde entrent en scène et avec
Ballet burlesque.

eux un joueur de harpe.

LE JOUEUR DE HARPE, chantant.

« Dans la cour de l'Alhambra se dressent douze lions en marbre; sur les lions est un bassin de l'albâtre le plus pur.

» Dans le bassin nagent des roses, des roses de la plus belle couleur; c'est le sang des meilleurs chevaliers qui aient brillé à Grenade. »

ALY.

Un triste chant, et trop mélancolique. Donneznous une joyeuse chanson de noces, une vive et joyeuse chanson.

LE JOUEUR DE HARPE, chantant.

<< Il y avait une fois un chevalier sombre et sjlencieux, aux joues creuses, au visage pâle comme la neige. Il allait deçà delà, vacillant et bronchant, en proie à des rêves mornes. Il était si roide, si lourd, si gauche, que fleurs et jeunes filles riaient sous cape alentour, quand il passait en trébu-chant.

» Souvent il restait assis dans le cofn le plus obscur de sa maison, caché aux yeux des hommes. Là, il étendait les bras comme dans le transport d'un délire, mais sans prononcer un seul mot. Au coup

de minuit, un chant, un murmure mystérieux se fait entendre et une main frappe à la porte.

» C'est sa bien-aimée qui se glisse tout doucement avec une robe d'écume de mer bruissante comme les flots. Son visage est frais et brillant comme la rose, son voile est tout parsemé de diamants; des tresses d'or se jouent autour de sa taille élancée; ses yeux ont un charme puissant et doux... ils tombent dans les bras l'un de l'autre.

» Le chevalier la tient embrassée avec transport; l'homme de bois est tout feu, l'homme pâle est tout rouge; le rêveur s'éveille; si timide ce matin, comme il s'émancipe tout à coup ! Mais elle, espiègle et taquine, lui couvre adroitement la tête de son blanc voile parsemé de diamants.

» Dans un palais de cristal, au fond des eaux, voilà le chevalier captif par enchantement. Étonné, il regarde, et ses yeux sont presque aveuglés par l'éclat de mille facettes scintillantes. Cependant l'ondine l'enveloppe toujours de ses bras avec tendresse; le chevalier est le fiancé, l'ondine est la fiancée; autour d'eux, les vierges des eaux jouent de la guitare.

» Elles jouent, elles chantent, et une foule de petits

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