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m'envoyant son parfum, une brise chérie me l'avait murmuré à l'oreille, et chaque nuit je le voyais lisiblement dans le livre bleu aux lettres d'or.

ZULEIMA.

Non, non le saint homme n'a pas menti; qu'il est beau, le beau royaume des cieux! entoure-moi de tes bras chéris, berce-moi sur tes genoux où je repose si doucement, et pendant des milliers d'années puissé-je ainsi rester, ivre de bonheur, dans le ciel du ciel !

ALMANSOR.

Oui, nous sommes dans le ciel, les anges font retentir les airs de leurs chants et du frémissement de leurs ailes de soie... C'est ici que Dieu habite dans les fossettes de ces joues... (Bruit d'armes dans le lointain. Effroi d'Almansor.) Mais là-bas demeure Eblis, sa voix formidable pénètre jusqu'aux cieux, et il étend vers moi sa main de fer.

ZULEIMA, effrayée.

D'où vient que tu as tressailli tout à coup? Pourquoi trembles-tu?

ALMANSOR.

Nomme-la Eblis, nomme-la Satan, nomme-la homme, cette puissance traîtresse et perfide qui

s'élance violemment jusque dans mon ciel même...

ZULEIMA.

Fuyons-donc, fuyons là-bas, dans la vallée des fleurs où les fleurs jouent, où les papillons voltigent, où la source murmure, où les libellules bourdonnent, où les rossignols font des roulades, où passent les calmes figures diaphanes des bienheureux. (Elle s'attache au bras d'Almansor.)

ALMANSOR, se levant tout à coup et tenant Zuleima dans ses bras.

Là-bas! là-bas! les fleurs me font des signes douloureux, le rossignol m'appelle d'un air inquiet, les ombres des bienheureux tendent vers moi leurs bras diaphanes, leurs longs bras de géants qui m'attirent là-bas, là-bas! (Des Maures en fuite passent en courant.) Les chasseurs s'approchent pour égorger mon chevreau ! ici la mort pousse ses cris aigus; là-bas, au fond, la vie fleurit, la vie m'appelle, et je tiens mon ciel dans mes bras. (Il se précipite avec Zuleima du haut des rochers.)

Des chevaliers espagnols qui pousuivent les Maures les voient tomber tous les deux et reculent d'horreur. On entend la voix d'Aly: << Cherche-le! cherche-le! il doit être près de nous! » Aly arrive.

Horrible!

PLUSIEURS CHEVALIERS.

ALY.

Les avez-vous trouvés l'un et l'autre?

UN CHEVALIER, montrant le gouffre derrière le rocher. Oui, trouvés, hélas ! le furieux s'est précipité dans l'abîme avec son cher fardeau. (Une pause.)

ALY.

Maintenant, ô Jésus-Christ, j'ai besoin de ta parole, j'ai besoin des consolations de ta grâce et de ton exemple. Je ne puis comprendre la volonté du Tout-Puissant, mais un pressentiment me dit le lis et le myrte doivent être effeuillés sur le chemin où le char éblouissant, le char triomphal de Dieu doit s'avancer bientôt en sa majesté simple.

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