Page images
PDF
EPUB

XIII SIÈCLE.

hérétiques. Un article de ses instructions secrètes portait aussi que, que, dans toutes ses opérations, il se conformerait entièrement aux avis de l'abbé de Citeaux. Celui-ci s'empressa de se trouver à Auxerre, sur son passage; et là ils convinrent d'un plan de conduite. Dixerat pontifex Miloni, dit BaroBaron., Annal. nius: abbas Cistertii totum faciet, et tu organum ejus eris. Ainsi le pape, loin de remplacer par Milon l'abbé de Citeaux, lui envoyait dans Milon un adjoint, un aide qui devait obéir à toutes ses volontés.

ann. 1208.

Rigord., ann. 1208, p. 49.

Fleury, Hist. Eccles., liv. 76,

P. 225.

D'abord les deux légats se rendirent ensemble près de Philippe Auguste, qui tenait un parlement à Villeneuve, dans le diocèse de Sens, et remirent au roi les lettres du pape qui le pressait d'aller en personne secourir l'église dans la province de Narbonne, ou du moins d'y envoyer son fils Louis. Philippe s'excusa sur les inquiétudes et les embarras que lui causaient deux ennemis qui cherchaient à troubler la France, le prétendu empereur Otton, et Jean roi d'Angleterre; mais il autorisa ses barons à prendre part à l'entreprise. La bulle d'excommunication et la lettre d'Innocent III à Philippe Auguste se trouvent dans l'Histoire des Albigeois, par Pierre, moine de Vaux-Cernay, qui lui-même joua un rôle important dans cette grande affaire, et dont tout l'ouvrage est plein de déclamations injurieuses, ou plutôt d'imprécations contre le comte de Toulouse. Jamais prince n'a été peint sous de si Petr.Vall. Cern. noires couleurs par les écrivains ecclésiastiques. Ils dressent, avec complaisance, une longue liste de ses prétendus crimes, dont un des moindres est un inceste avec sa sœur. D'autres historiens, au contraire, le représentent comme un homme d'un caractère doux et timide, qui aurait bien désiré conserver la paix avec le chef de l'église; mais à qui, pour l'obtenir, il répugnait de verser lui-même le sang de plusieurs milliers de ses sujets.

Hist. Albig.

Baron., Annal.

[ocr errors]

La publication de la croisade contre les Albigeois eut un inconcevable succès. De toutes parts, aux ordres du pape, les seigneurs accoururent avec leurs troupes. Les croisés n'étaient obligés de servir que quarante jours, et les plus grandes indulgences devaient être le prix de leur zèle. Non-seulement ils expiaient ainsi tous les crimes dont ils avaient pu se souiller pendant leur vie entière, mais, placés sous la protection du Saint-Siège, ils se trouvaient soustraits à tous les tribunaux, et dispensés de payer des intérêts de leurs dettes. Aussi l'année 1208 n'était pas encore écoulée que

que l'on

comp

tait, suivant Du Tillet, cinq cent mille croisés sous les armes. Il est permis de croire qu'il y a quelque exagération dans ce nombre.

XIII SIÈCLE.

Sommaire de la guerre faite contre les Albi

Mais avant de rien entreprendre, le légat Milon convoqua, geois. d'après le conseil de l'abbé de Citeaux, une grande assemblée de prélats à Montélimart. L'avis unanime de ce concile, qui est des premiers jours de juin 1209, fut que le comte de Toulouse devait être cité à comparaître à jour fixe dans la ville de Valence, devant le légat, pour y entendre les conditions auxquelles il pourrait obtenir son absolution.

Le comte de Toulouse, effrayé sans doute de ces énormes préparatifs de guerre, n'hésita point à se rendre à Valence pour y faire toutes les soumissions que l'on exigeait de lui. Milon ne se contenta point des promesses du comte; il lui ordonna de livrer, pour sûretés, sept des meilleurs châteaux qu'il possédait en Provence; de tenir quittes de leur serment de fidélité les consuls d'Avignon, de Nîmes et de SaintGeorges, si lui-même manquait à la foi donnée; et, dans ce cas encore, le comté de Melgueuil devait être confisqué au profit de l'église romaine. Le comte promit tout; et cependant il ne reçut point d'absolution: il fallut qu'il se rendît à SaintGilles en Provence, où devait se faire la cérémonie.

On ne lit point sans étonnement, dans les auteurs, le récit des humiliations qu'il eut à supporter. Le 18 juin 1209, il fut amené nu en chemise, devant la porte de l'église, en présence du légat, des archevêques et évêques assemblés au nombre de vingt. Là il reconnut qu'il n'avait point tenu ses serments sur l'expulsion des hérétiques; qu'il avait donné à des Juifs des charges publiques; qu'il avait levé des péages et guidages indus; qu'il était soupçonné du meurtre de Pierre de Castelnau, ete., etc. Et il jura ensuite d'observer en tout point les ordres du pape et ceux du légat, se soumettant, s'il violait ce serment, à la perte des sept châteaux que nous avons désignés, et à une nouvelle excommunication. La formule de cette espèce de confession publique et de ce serment

Hist. Albig.,

cap. 12.

Conc., p. 36.
Catel., Hist.

descomtes de To-
loze, liv. 2, pag.

245.

D. Vaissette,

se trouve dans le recueil des Actes et Lettres d'Innocent III, Acta interEpist. et dans plusieurs autres auteurs. Ce qu'il y a de singulier dans Innoc. III, t. II, la confession du comte, c'est qu'il ne s'accuse pas d'avoir comd'avoir com- P. 348 et suiv. mis tels et tels délits; il convient seulement que l'on a dit Hist. génér. du qu'il s'en était rendu coupable. Ainsi, par exemple, il se con- Langued., t. III, fesse de ce que l'on a dit qu'il avait toujours favorisé les hé- P. 162, etc. rétiques; de ce que l'on a dit qu'il avait violé les jours de

XIII SIÈCLE.

carême, des fêtes et des quatre-temps; de ce qu'on le soupçonne d'avoir trempé dans le meurtre de Pierre de Castelnau de sainte mémoire; de ce qu'on dit qu'il a vexé les personnes religieuses et commis divers brigandages, etc., etc.

Après la confession et le serment du comte, il restait à lui infliger la pénitence. Le légat Milon lui passa une étolle au col, et, le frappant de verges, le fit entrer dans l'église. Ce spectacle avait attiré une si grande foule qu'on ne put faire sortir le comte par la principale porte de l'église; il fallut qu'il descendît dans une des chapelles souterraines où

repo

sait le corps de Pierre de Castelnau, qu'il était accusé d'avoir fait assassiner. O justum Dei judicium, s'écrie, à ce sujet, Hist. Albig., Pierre de Vaux-Cernay, quem enim contempserat vivum, ei reverentiam compulsus est exhibere et defuncto!

cap. XII.

D. Vaissette,

Hist. génér. du p. 165.

Langued., t. III,

Cette multitude effroyable de croisés qui se préparaient à fondre sur son pays, inspiraient une telle terreur au comte de Toulouse, qu'il crut ne pouvoir mieux s'en garantir qu'en se faisant donner la croix à lui-même, et en entrant ainsi dans les rangs de ses ennemis. Mais la suite prouva bien que sa démarche avait été forcée; car, bientôt après, il encourut de nouveau les foudres de l'église.

Cependant Milon et son collègue Théodise vinrent audevant de l'armée des croisés, qui s'était réunie à Lyon, de toutes les parties de la France. Des évêques, des archevêques marchaient à la tête; et ce fut pour ainsi dire sous le commandement du légat Milon que l'armée s'avança sur Béziers, ville qui passait pour être un repaire d'hérétiques. Cette ville fut prise et brûlée; tous les habitants furent tués, on n'épargna ni le sexe, ni l'âge, pas même sept mille personnes qui s'étaient réfugiées dans une église.

Peu s'en fallut que Carcassone n'éprouvât le même sort. Les croisés portaient partout la désolation et le carnage.

Les barons croisés sentirent le besoin de nommer un général, qui serait en même temps seigneur des pays conquis. Plusieurs refusèrent généreusement de s'emparer des dépouilles du malheureux comte de Toulouse, et de son neveu le vicomte de Béziers, qui, dans cette guerre, s'il n'avait pas été plus heureux que son oncle, avait du moins montré plus de courage. Mais Simon de Montfort fut élu général de la croisade, par une commission que les légats avaient nommée, et il accepta avec ce titre les terres, villes, comtés et châteaux conquis jusqu'alors par les croisés.

Ici finit, ou à peu près, la carrière politique de Milon. On ne le voit plus figurer que dans un concile qui se tint à Avignon, le 6 septembre 1209. Dans ce concile, on excommunia les bourgeois de Toulouse, parce qu'ils n'avaient point exécuté la promesse qu'ils avaient faite de chasser les hérétiques. On excommunia aussi le comte de Toulouse, mais sous condition, et dans le cas seulement où il oserait reprendre les péages auxquels il avait renoncé.

Le légat Milon ne put être témoin des suites affreuses qu'eut la guerre commencée par lui avec un si déplorable succès. Il tomba malade, et mourut à Montpellier dans les derniers mois de 1209.

SES ÉCRITS.

Il ne nous reste guères de lui que des actes relatifs à sa mission, tels que la formule des ordres qu'il donna à Raymond, comte de Toulouse, après son absolution. Cet acte a été conservé par Catel. En voici quelques passages:

XIII SIÈCLE.

Hist. Albig.,

c. 33.

Ibid., c. 3

Ibid., c. 39

Hist. des com

In nomine Domini, ego Milo papa notarius, apostolicæ tes de Toloze, sedis legatus, præcipio domino Raimundo Tolosano comiti, P. 240. sub debito præstito juramento, etc., ut dominum episcopum Carpentoracensem, tam in civitate quam extra in pleno jure restituas, etc.

Item præcipio sub eâdem pœna ut Aragonenses, Ruptarios, Cotarellos, Bazalones, Mainadas, vel quoque alio nomine censeantur, de tota terra et posse tuo prorsus expellas, etc.

Anecd., t. I,

Ce dernier article prouve combien de diverses sortes d'hérétiques on comprenait dans la dénomination d'Albigeois. Martenne a aussi recueilli une ordonnance de même espèce, adressée par Milon à plusieurs barons et autres seigneurs P. 815 et seq. auxquels il enjoint de conserver en pleine liberté les églises et les maisons religieuses, de n'exiger d'elles aucunes redevances; d'éloigner les Juifs de toute administration publique et privée, de regarder comme hérétiques tous ceux que désigneraient sous ce nom les évêques, etc.

Epist. Innoc.

On lit de plus, dans la collection des lettres d'Innocent III, deux lettres à ce pape, dans lesquelles Milon rend compte III, t. II, p. 365.. des succès de sa mission. Baluze y a joint les formules des serments qu'il faisait prêter aux barons, aux comtes, aux

Tome XVII.

D

XIII SIÈCLE.

villes, etc., des pays où l'on avait porté la guerre, aux Ibid., p. 373. comtes d'Arles, par exemple, de Forcalquier, etc., etc. Dans une troisième et très-longue lettre à Innocent III, qui paraît avoir été écrite par l'abbé de Citeaux et par Milon, les deux prélats rendent compte de la grande victoire remportée contre les habitants de Béziers. Nous en avons parlé dans cette notice.

[blocks in formation]
[ocr errors]

Enfin, le P. Benoist, dans son Histoire des Albigeois, aux Preuves, rapporte une espèce de prière à la Sainte Vierge, qu'il intitule: Dernières paroles du légat Milon. Il ne dit point d'où il a tiré cette pièce. Il paraît qu'à son dernier moment, Milon sentait vivement la vanité des honneurs des biens qu'il avait poursuivis pendant sa vie orageuse. O summe bonum, dit-il à la vierge, quàm remota est mortalium opinio a veritate vitæ illius quæ sequitur post præsentem ærumnosam, lacrymosam, et omnis periculi plenam!... Hactenùs militans nunc sub corona quiescam, si mei misertus pœ nitentem animam exceperis, etc. A. D.

Le Long, Bibl. Sac., t. II, p. 929, 1.

PENDANT

PIERRE DE RIGA,

CHANOINE DE REIMS.

ENDANT tout le XIIIe siècle, et même après, Pierre de Riga a passé pour un excellent poète latin; et cependant ses contemporains ne nous ont laissé presque aucun détail sur sa

vie.

On ignore la date précise de sa naissance; mais il est certain qu'il florissait vers la fin du XIIe siècle.

Suivant quelques auteurs, il était né à Vendôme et avait fait ses études à Paris. Il fut d'abord chanoine et chantre de Le même, Bi- Sainte-Marie de Reims, et ensuite chanoine régulier de l'ordre de Saint-Augustin, dans l'abbaye de Saint-Denis de la même ville: il y mourut en 1209. C'est sous cette date qu'Albéric Casimir Ou- annonce sa mort dans les termes suivants : Remis moritur

blioth. Chartr.,

t. I, p. 94.

Ibid.

1551.

din, t. II, pag. quidam sanctus canonicus regularis Sancti-Dionisii, magister Alber., Chron., Petrus Riga, cognominatus BIBLIOTHECA.

pars 11, p. 450.

Il dut la grande réputation, dont il a joui pendant long

« PreviousContinue »