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XIII SIÈCLE.

Manuscr. feuill.

421°.

Manuscr. feuill.

40 1.

longue diatribe dont nous n'avons cité qu'un petit nombre de passages.

Après avoir fait dans presque tout le reste du cinquième livre, la revue critique de son poëme entier, il demande à Louis de prendre l'auteur sous sa protection.

At tu me collige tecum

Nostraque Parisius tituli ferat hujus honorem
Quod tibi vel modicum jactet fecisse poetam.

Au reste, il répond fort bien au reproche qu'on pourrait lui faire, de n'avoir point répété dans son poëme toutes les fables populaires qui couraient sur Charlemagne, en disant au jeune Louis:

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La partie la plus curieuse de ce livre est celle qu'il a intitulée: Captatio benevolentice in scriptorem et commendatio Parisiensium. C'est une addition qui ne tient nullement au poëme, et dans laquelle Gilles a pour objet de venger la ville de Paris, de l'injuste reproche que lui avaient fait des calomniateurs, comme il les appelle, de n'avoir à citer aucun savant. Il leur répond en passant en revue les littérateurs les plus illustres qui florissaient de son temps, en indiquant en peu de vers les travaux de chacun d'eux, et leur distribuant avec assez de justice et d'impartialité des éloges. Voici comme il explique, en s'adressant toujours à Louis, les motifs qui le forcent à reprendre la plume.

Ægidiana novos per te prorupit, ad ausus,
Primitiasque sui mittit tibi musa laboris ;
Sed secura minus cum dira infamia nostros
Jamdudum laceret cives, orisque maligni
Audeat immeritos commune incessere probrum
Quod nullos habeat urbs parisiana scientes.

Les littérateurs célèbres, qu'il désigne comme existants à
Paris, sont au nombre de quinze, et il place à leur tête un
Tiboldus ou Thibaud dont quelques poésies nous sont par-
venues et ont été publiées avec celles d'Hildebert. Nos pré-

XIII SIÈCLE.

Histoire litt.,

décesseurs ont fait connaître cet écrivain dans le tome xi de l'Histoire littéraire. Il mentionne ensuite Léon ou plutôt Léonius in sacris ludentem historiis, et en troisième lieut. XI, p. 374. Pierre de Riga, in divinis verbo tenùs alta sequentem. On voit par là que ces deux derniers poètes avaient traité àpeu-près le même sujet ; car l'un et l'autre ont versifié et paraphrasé la bible. Mais le poète dont il fait le plus brillant éloge est un Gilles qui n'a de commun avec lui lui que le nom, dit-il, modestement (solo mihi junctus in usu nominis); et comme il ajoute que ce Gilles était très-célèbre dans l'art de guérir, on ne peut méconnaître en lui le Gilles de Corbeil, de la personne et des ouvrages duquel nous nous sommes occupé dans notre précédent volume. Le style de Gilles de Paris étant, en cet endroit comme en beaucoup d'autres, t. XVI, très-embrouillé, et coupé par une multitude de phrases incidentes, on avait cru d'abord qu'il indiquait deux poètes de son nom; et c'est sans doute ce qui a fait dire à Fabricius

Histoire litt.,
P. 506.

Fadr., Hist.

et à beaucoup d'autres biographes, que lui-même avait re- med. et inf. lat. connu l'existence du prétendu Gilles de Delphes; mais, d'a- v. Egidius. près les observations que nous avons faites dans notre article sur Gilles de Corbeil, article auquel nous renvoyons le lec

Histoire litt.,

teur, il n'est plus possible de douter que ce ne soit de ce poète . XVI, p. 506. seul qu'il entendait parler.

Nous ne suivrons pas plus loin Gilles de Paris dans la revue qu'il fait de onze autres hommes de lettres de son temps, célèbres en divers genres. Tous, ou du moins tous ceux dont les ouvrages nous sont parvenus, ont eu, ou auront des articles particuliers dans cette Histoire littéraire. D'ailleurs le savant académicien chargé de la continuation du recueil des historiens de la France (M. Brial), en publiant le France, t. XVI. cinquième livre du Carolinus, a joint à chaque nom des auteurs que cite le poète, des notes qui les font connaître, autant qu'il est possible de les connaître après plus de cinq siècles. Nous renvoyons nos lecteurs à ces notes.

Tel est dans toute son étendue le poëme de Gilles de Paris, poëme que nous n'appellerons pas épique, mais, à juste titre, historique; et, d'après cela, nous sommes surpris qu'il n'ait pas obtenu place dans le recueil de D. Bouquet, où l'on a admis un poëme sur Charlemagne, faussement attribué à Alcuin, qui présente beaucoup moins d'in⚫térêt sous tous les rapports, et lui est très-inférieur, même

Historiens de

Ibid., t. V.

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pour le style. Ce n'est guère qu'un éloge emphatique de ce prince et de ses fils. Le seul fait historique important qu'on y trouve et qui remplit le poëme presque entier est l'émeute populaire qui renversa Léon du siége pontifical; et encore le poete admet-il l'opinion erronée, que dans cette émeute, le peuple de Rome arracha au pape les yeux et la langue, et qu'un miracle lui rendit, dès la nuit suivante, ces organes. Gilles de Paris rapporte aussi, comme on l'a vu, cet événement; mais il se montre plus raisonnable, moins crédule. L'écrivain saxon dont on trouve des annales en vers dans ce même recueil, sous ce titre : Poeta Saxonici de gestis Caroli magni, est encore plus sec, et contient peut-être moins de faits que le Carolinus de Gilles. Il est vrai que les événeHistoriens de ments y sont rangés dans leur ordre chronologique.

France, t. V.

Il est à regretter que Gilles, en choisissant Charlemagne pour le héros de son poëme, se soit proposé d'en faire un livre instructif et moral pour l'héritier présomptif de Philippe-Auguste. Il s'est vu obligé dès-lors de passer sous silence des événements sur lesquels il ne pouvait fixer l'attention du jeune prince, mais qui eussent été d'un grand intérêt pour tout autre lecteur, et pour la postérité. Par exemple, il ne nous dit rien des cruautés multipliées qu'exerça long-temps Charlemagne, excité et dominé par son implacable femme Falstrade. Il passe de même sous silence, bien qu'Eginhard lui-même, dont il suit presque pas à pas l'histoire, ne les ait pas dissimulés, les déréglements des six filles de Charlemagne, et se contente de vanter l'éducation si simple et si modeste que leur avait donnée l'empereur. Peut-être aussi que, sans les entraves qu'il s'était imposées, il eût raconté l'anecdote si poétique d'Emma et d'Eginhard. Mais il peut bien l'avoir ignorée, car elle ne se trouve consignée que dans une chronique qui paraît avoir été écrite vers la fin du XIIe siècle, c'est-à-dire dans les temps mêmes où florissait notre Gilles de Paris. Remarquons Voy. Hist. litt. à ce sujet, que nos prédécesseurs dans la rédaction de cette article Éginhard, Histoire littéraire, pour prouver qu'Eginhard avait eu pour femme Emma, ont prétendu que dans quelques anciens manuscrits, il est qualifié de gendre de Charlemagne, et citent M.Guizot, no- pour preuve la trente-deuxième lettre d'Éginhard. Cette IV, p. 550 de lettre ne contient rien de cela, comme un auteur l'a déja rela collection des marqué. C'est une rectification à faire qu'il nous a paru néMém. relatifs à cessaire d'indiquer ici.

1. IV, p. 550.

t.

l'Hist.de France.

XIII SIÈCLE.

Hist. poelar.

750.

Tout imparfait qu'il est, le Carolinus nous a paru mériter une analyse assez étendue, à laquelle nous ne nous serions peut-être pas livrés, s'il eût été ou plus ou mieux connu. Le P. Labbe, si l'on en croit Leyser, avait promis de publier ce poëme entier. Nous avons vainement cherché dans medii ævi., pas. l'ouvrage du P. Labbe, cité par Leyser, quelque passage relatif au Carolinus et à son auteur. Il faut croire que Leyser a commis ici une erreur. Quoi qu'il en soit, toujours est-il vrai que le cinquième livre du poëme de Gilles est le seul qui, jusqu'à ce jour, ait été publié; et c'était un devoir pour nous de nous arrêter au moins sur les quatre autres livres précédents.

Dans les dernières feuilles du manuscrit de la bibliothèque du Roi, qui contient le Carolinus, on trouve trois tableaux ou cartes chronologiques, accompagnées de quelques pages de texte et d'un assez grand nombre de notes, concernant 1° les papes, à commencer par saint Pierre; 2° les juges en Israël, les rois de Perse, les empereurs romains, etc.; 3o les chefs et rois des Francs, à commencer par Francion et Torgoth chefs de la cité de Sicambrie fondée, comme on le croyait alors, par des Troyens fugitifs, dans la Pannonie. Peut-être ce dernier tableau au moins mériterait-il d'être publié.

Nous ignorons si ces tableaux, qui paraissent être du même temps que le poëme et exécutés par la même main qui l'a écrit, sont l'ouvrage de Gilles de Paris. Il serait possible qu'il eût voulu joindre au poëme qu'il offrait à un jeune prince, quelques tableaux propres à en rendre la lecture plus intéressante et plus instructive.

II. Corrections et additions faites, par Gilles de Paris, au poëme de l'AURORA.

Gilles de Paris entreprit probablement de corriger et d'achever le poëme de Pierre de Riga quelque temps après s'être fait connaître par son Carolinus. Nous avons vu qu'il y avait regretté que l'auteur eût laissé imparfait ce grand ouvrage : Petrum intepuisse dolemus, dit-il, in divinis alta sequentem. Carolinus, lib. Il serait superflu de traiter ici cette question que nous avons déja discutée: Est-ce bien Gilles de Paris, ou le prétendu Gilles de Delphes, ou tout autre Gilles, qui a corrigé et complété la bible en vers de Pierre de Riga? Ce que nous

Tome XVII.

I

V.

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XIII SIÈCLE.

la bibl. du Roi, n° 8098.

allons ajouter nous paraît décider péremptoirement que c'est bien à l'auteur du Carolinus qu'il faut attribuer ces corrections et additions.

Il paraît que Gilles de Paris eut la délicatesse ou peut-être la prudence de ne pas s'avouer, tant que Pierre de Riga vécut, l'auteur des changements très-considérables qu'avait subis entre ses mains le poëme de l'Aurora; car nous voyons dans un des prologues très-nombreux que nous offrent les manuscrits de cet ouvrage, que le correcteur et interpolateur se propose de cacher son nom et s'en fait un mérite. Dans une épître adressée à Pierre de Riga lui-même, on lit :

Me simul miseriæ qui libri abrupta redegi

Nec comes, immo cliens hic tibi, Petre, fui.
Sed quis sim taceo. Volo namque latere, minusque
Mundi, plus oculis cognitus esse dei.

Et, en effet, dans un des quinze manuscrits de l'Aurora qui sont à la bibliothèque du Roi [et il faut sans doute regarder Manuscrits de celui-ci comme le plus ancien], on lit, sur la première page. en lettres onciales et dorées: incipit prologus magistri illius qui librum hunc correxit et suppletiones de suo anteposuit. On voit avec quel soin Gilles cache ici son nom. Quelques pages plus loin, lorsqu'il fallait que l'interpolateur indiquât ses additions, on lit: incipiunt versus cujusdam CANONICI. Nulle part il ne se désigne autrement. Or, quel serait ce chanoine, si ce n'est notre Gilles de Paris, chanoine de Saint-Marcel (1)? Dans une autre épître préliminaire qui fut sans doute composée ou du moins publiée après la mort de Pierre de Riga et adressée à Eudes, évêque de Paris, Gilles n'hésite plus à se dévoiler. Recevez, dit-il, ô grand prélat, le présent que Gilles

vous envoye.

Munus ab Ægidio missum tibi suscipe, quæso,
Magne pater, præsul Parisiensis Odo.

Sæpè aliquo volui vobis servisse videri,
Nec satis adverti quomodo posset agi;

Donec eo libro, qui Bibliotheca vocatur,

Causa ad rem faciens, et satis apta datur.

Vulnificabat enim defectio magna libellum; etc.

Et aussitôt Gilles énumère toutes les améliorations qu'il a

(1) Il faut dire pourtant que Gilles de Corbeil était aussi chanoine; mais, comme nous l'avons précédemment observé, il n'a jamais écrit que sur des matières relatives à la science qu'il professait, la médecine.

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