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Le cardinal de Granvelle écrivit encore une troifiéme lettre que nous n'avons point. Sur ces lettres, le grand vicaire de Malines manda à Michel Baïus de le venir trouver à Bruxelles le vingt-deux de Décembre, afin de conferer avec lui fur des dépêches, qu'il avoit reçues de Rome. Ce docteur lui répondit le vingt du même mois, qu'il ne manqueroit pas de se trouver au jour affigné. Et il se servit de cette occafion pour faire fçavoir au curé de faint Jean de Malines, qu'il étoit foumis aux décrets du faint fiege, & qu'il efperoit que l'on feroit content de fa docilité. Mais avant qu'il pût partir, Morillon qui s'étoit formé un plan de conduite fur cette affaire, felon les intentions du pape, & fur les inftructions qu'il avoit requës, en donna avis au cardinal en ces

termes.

Monseigneur, j'ai reçu avec la dépêche, qui arriva hier, les trois lettres de votre illuftriffime feigneurie, fur ce qui concerne l'affaire de notre maître le Bay, avec la bulle de notre faint pere, qui a justement condamné les propofitions, qui y font contenuës, & qui ne fervent qu'à caufer du trouble. J'ai exactement lu tout ce que vous m'avez écrit pour mon instruction, que je fuivrai à la lettre, esperant avec l'aide de Dieu vous en rendre bon compte. J'en ai parlé à monfieur de faint Bavon, afin qu'il foit prévenu, fi par hazard on a besoin du bras séculier, n'étant befoin d'aucun Placet dans les chofes qui font de la juftice. J'ai mandé ledit Bay, que j'at tends demain, & je verrai ce que je pourrai faire avec lui feul, en ufant de douceur & de remontrances, que fi je le trouve inflexible, je prendrai avec moi Tome XXXIV. Kkk

A N. 1567.

* Fanfenius qui

fut enfuite évêque

de Gand.

* Le curé de fain

te Gudule de Bruxelles.

monfieur notre doïen * & le curé, * afin d'avoir A N. 1567. des témoins de ce que je ferai; mais je me perfuade, que par vos paternels & charitables avis, il se laissera fléchir. Et certes votre illuftriffime feigneurie n'a pas peu fait pour lui, en empêchant qu'il ne fût nommé dans la bulle, Le principal objet est son livre, qu'il faut fupprimer; quoi qu'il en soit, & comme j'ai toujours connu ce docteur pour une bonne perfonne, & un homme rond & droit, j’espere en venir plus aifément à bout, que je n'aurois fait de Jean Heffels qui maître Jean de Lovanio, * qui étoit fçavant, mais opiniâtrement attaché à fes opinions, & à ses paradoxes. Dieu le lui pardonne.

*

étoit mort,

J'ai écris à votre illuftriffime feigneurie, ce que m'a dit notre Lupi, lorsque j'étois à Malines; & depuis me trouvant à Louvain, j'en ai conferé avec ledit Bay, qui confentoit à fe foumettre en ceci; de quoi même il a écrit au curé de faint Jean de Malines, qui lui a fait la réponse, que vous trouverez cijointe avec la lettre, que m'écrivit hier ledit Bay, laquelle eft enfuite de la converfation que nous eumes à Louvain là-dessus, lorsque je lui reprefentai que toutes nouveautez étoient dangereuses. Il fe plaint * fosse Ravestein fort de monfieur Tileto, * qui s'eft vanté, à ce qu'il

de Tileto

dit, qu'on verroit bien-tôt une bulle avec des cenfures. J'examinerai s'il y a quelque moïen de les réconcilier, fans préjudice toutefois de la religion, & de l'autorité dudit Tileto; avec lequel tient la plus faine partie de la faculté. Je ne manquerai pas de com*Ce confeffeur muniquer ladite bulle au confeffeur de monfieur le duc d'Albe, pour avoir fon avis, comme je ferai avec ceux de son ordre. Car pour bien faire, il fau

étoit Cordelier.

droit à mon avis, mander le provincial Pepin, & les gardiens de Namur, d'Ath en Hainaut, & de faint Omer, qui ont adheré aufdites nouveautez, pour leur intimer ladite bulle & cenfure, afin qu'ils ne puiffent en prétendre caufe d'ignorance, & qu'ils changent de conduite à l'avenir. A Bruxelles ce vingt-un Decembre.

A N. 1567.

XLVI. Morillon fait af fembler la faculté pour lui fignifier

Baiana tom. 2. operum Baii. pag.

Baïus fe rendit aux ordres de Morillon, qui lui fit part de fa commiffion, de la bulle du faint pere, & des intentions tant de ce pape, que du cardinal a bulle. de Granvelle. Morillon le trouva fi foumis & fi docile, que dans le moment même il fut arrêté, que 197. le vingt-neuf du même mois de Decembre, le grand vicaire fe rendroit à Louvain, & qu'on assembleroit le doïen & les profeffeurs en théologie de la faculté, qu'on appelle étroite; qu'on y feroit lecture de la bulle, qu'elle feroit communiquée à tous les membres de l'assemblée, afin qu'ils en euffent connoiffance; que tous en commun & en particulier, soufcriroient à la décision du pape, & qu'enfin on prendroit toutes les mefures convenables, pour bannir de l'univerfité les opinions que le faint fiege profcrivoit; afin que le tout fe passât en fécret, & fans éclat, pour ne point mettre l'honneur de Michel Baïus en compromis. Par-là, le grand vicaire executoit fa commiffion fans bruit, felon les vuës du pape, & les inftructions du cardinal de Granvelle. Il fe rendit donc à Louvain au jour marqué : Voici l'atteftation qu'en donna le jour même Janfenius, alors doïen de la faculté, qui fut ensuite évêque de Gand, lorsque la bulle lui fut intimée, & aux autres théologiens au nombre de fept; fçavoir, Baïus,

Joffe Raveftein, Lindanus, Hunnæus, Gozæus, A N. 1567. Lunerus Petri, Cornelius Reyneri, qui avec le doïen compofoient la faculté étroite.

XLVII. Ateftation du

A tous ceux, qui ces prefentes lettres verront: doien, fur l'inti- Salut, dans le Seigneur. Nous faifons fçavoir que mation de cette dans une assemblée de la faculté, spécialement indiBaïuna ut fup. p. quée à ce jour, a comparu devant nous Maximilien

bulle.

66. & feq.

Morillon, prévôt de l'églife d'Aire, & vicaire general du cardinal de Granvelle, archevêque de Malines, qui nous a expofé en peu de mots, qu'il avoit reçu une bulle de notre faint pere Pie V. expediée à Rome le jour des calendes du mois d'Octobre dernier, portant condamnation d'un certain nombre de propofitions, refpectivement comme erronées, héretiques, fcandaleuses, & offenfant les oreilles pieuses; quoique quelques-unes d'entr'elles puissent

quelque maniere être foutenues dans la rigueur, & dans le propre fens des termes, que leur ont donné ceux qui les ont avancées; dont quelques-uns des docteurs fe font fervis jufqu'à prefent dans notre. école d'une maniere nouvelle. Or fa fainteté a ordonné l'execution de fa bulle à mondit seigneur illuftriffime, qui par fes lettres de Rome du treize Novembre dernier, fignées de fa main, a commis ledit prévôt fon vicaire general pour tenir fa place en cette partie. Et pour remplir fa commission, il nous a produit la bulle & les lettres dudit feigneur, avec le refpect qui leur eft dû. Il nous les a luës mot à mot, clairement & diftinctement, & après cette lecture, il les publia & nous les intima en la maniere, & en la forme qu'il le dut faire; afin que nous en euffions connoiffance.

Enfuite il nous exhorta à la paix, & à la concorde, nous conjurant par les entrailles de la miferi- A N. 1567. corde de notre Seigneur Jesus-Chrift, à nous dépoüiller de tous préjugez, & de tous fentimens humains, à penser tous de même, à parler le même langage, & à faire profeffion de la pure doctrine, enfeignée par nos prédeceffeurs, gens très-habiles dans cette célebre école, qui a été fi souvent honorée des éloges du saint siege, & qui a été en si grande fi réputation dans toutes les églifes du monde chrétien. Il nous exhorta à nous occuper du falut éternel, & à terminer en paix les conteftations qui pourroient naître parmi nous, pour éviter les reproches qu'on objecte aux fectaires, & aux héretiques de notre temps; qu'ils ne conviennent point entr'eux, que differentes paffions les emportent, & qu'ils donnent dans des opinions contraires; que nous nous fouvinffions qu'il n'y a qu'un Dieu, qu'une foi qu'un baptême, qu'une églife, dans laquelle il faut nous renfermer. Qu'il ne refte donc qu'à prendre les moïens convenables pour remedier au mal prefent, & fatisfaire aux ordres de fa fainteté ; & qu'il nous laissoit à tous la liberté d'opiner. Ainfi chacun de nous aïant ouvert l'avis, qui paroffoit le plus convenable dans les conjonctures prefentes, le grand vicaire dit: Qu'il ne jugeoit pas feulement néceffaire qu'on s'abstînt déformais de foutenir dans les difputes, ou par écrit, les articles exprimez dans la bulle; mais qu'il falloit encore interdire les livres, dont presque tous ces articles étoient tirez. Et pour executer les ordres du pape dont il étoit chargé, il conclut qu'en qualité de commiffaire, quoiqu'indiKk k iij

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