haiter qu'elles eussent quelque chose de plus engageant qu'elles n'ont pour l'ordinaire; car il semble que ceux qui dans ces derniers temps ont composé des catéchismes, n'ont pas eu cette vue, ou n'ont pas cru qu'il fût possible d'y réussir. Ils ont seulement cherché à renfermer en peu de paroles le plus essentiel de la doctrine chrétienne; à le distribuer suivant un certain ordre, et à le fairo apprendre aux enfans par des questions et des réponses qui s'imprimassent fortement dans leur mémoire, et c'est en effet le plus nécessaire, Aussi ces catéchismes ont-ils fait de très-grands fruits, et quelque ignorance qui reste parmi les chrétiens, elle n'est pas comparable à celle qui régnait, il y a deux cents ans, avant que saint Iguace et ses disciples eussent rappelé la coutume de catéchiser les enfans. Mais enfin on ne peut nier que le style des catéchismes ne soit communément fort sec, et que les enfans n'aient beaucoup de peine à les retenir, et encore plus à les entendre. Cependant les premières impressions sont les plus fortes et plusieurs conservent toute leur vie une aversion secrète de ces instructions qui les ont lant fatigués dans leur enfance. Tous les discours de religion leur paraissent tristes et ennuyeux. S'ils écoutent des sermons, s'ils lisent des livres de piété, c'est avec dégoût et à contre-coeur, comme on prend des médecines salutaires, mais désagréables. La religion leur semble une loi dure; ils ne la suivent que par crainte, sans goût et sans affection, la mettant où elle n'est pas, et ne s'attachant qu'aux formalités, D'autres plus emportés s'écartent tout-à-fait, prévenus des fausses idées que leur ont donné la dureté des catéchismes, et la simplicité des femmes qui ont été les premières à leur parler de religion. Ils ne veulent rien écouter, et supposent, sans s'éclaircir, que tous ces discours ne méritent pas seulement d'être examinés. C'est ce qui fait les libertins, principalement quand leurs passions et leurs mauvaises habitudes leur rendent odienses les vérités de la religion; quand ils ont intérêt de les détruire, au moins dans leur esprit, pour apaiser les remords qui les tourmentent; et voilà jusqu'où peuvent aller les mauvais effets des instructions désagréables (1). Cherchons donc, avec l'aide de Dieu, qui veut le salut de tous les hommes, s'il y a quelque moyen de remédier ou de suppléer à la sécheresse des catéchismes, et premièrement tâchons d'en découvrir la cause. Elle vient, si je ne me trompe, de ce que les premiers qui les ont composés, étaient des théologiens nourris dans l'école, qui n'ont fait qu'extraire de chaque traité de théologie les définitions et les divisions qu'ils ont jugées les plus nécessaires, et les traduire en langue vulgaire sans en changer le style. Ils ont suivi la méthode scholastique, et ont voulu faire apprendre aux enfaus les raisons de la suite des traités; c'est pourquoi l'on parle des vertus et des sacremens après avoir traité des mystères, et ainsi du reste. Mais je crains qu'ils n'aient pas assez fait réflexion sur l'état de ceux qu'ils ertreprennent d'instruire; en effet, il est difficile que des -hommes qui ont étudié long-temps, et qui sont fort exercés dans toutes les subtilités d'une science, puissent bien se représenter jusqu'où va l'ignorance de ceux qui n'en ont aucune teinture. La méthode et le style de la théologie scholastique est fort propre à ceux qui ont étudié la logique et les autres parties de la philosophie, tels que sont ordinairement les théologiens (2). Quand on leur propose d'abord que Dieu peut être considéré en soi, ou par rapport aux créatures; en soi, ou quant à l'essence, ou quant à la distinction des personnes; à l'égard des créatures, ou comme leur principe, ou comme leur fin; que les moyens par lesquels la créature raisonnable peut arriver à cette fin, sont les vertus et la grace que JésusChrist nous a méritée, et qui nous est communiquée par Les sacremens. Quand, dis je, vous proposerez tout cela (1) I. Timothée, x, 11. (2) S. Thom. 1. p. q. 2. à un homme instruit de la philosophie, il vous entendra fort bien, et ce plan général lui fera prévoir agréablement tout ce qu'il doit apprendre ensuite. Mais si vous dites la même chose à uu marchand ou à un homme d'affaires, qui n'a point été au collège, il ne vous entendra point, et il ne se formera qu'une idée confuse d'un discours qui regarde Dieu et la religion. Il n est point accoutumé à ces divisions méthodiques, il n'entend point ces termes d'essence, de principe, de fin, de moyens il faudrait bien des paroles et bien du temps pour lui expliquer tout cela. Če sera bien pis, si vous parlez à un paysan, à une femme de ménage, à un enfant qui ne sait pas encore toute la langue, et qui n'a pas encore toutes les idées des choses communes de la vie. La meilleure méthode d'enseigner n'est donc pas celle qui nous paraît la plus naturelle, quand nous considérons les vérités abstraites et en elles-mêmes; mais celle que l'expérience fait connaître pour la plus propre à faire entrer ces vérités dans les esprits de ceux à qui nous parlons. Or, il me semble que nous devons faire grand cas de l'expérience de tous les siècles. En remontant jusqu'à sept ou huit cents ans, qui est à peu près le temps où la plus grande ignorance s'est répandue dans le christianisme; audessus de ces temps misérables, jusqu'au commencement du monde, je trouve qu'on a toujours suivi à peu près la même méthode pour enseigner la religion, et que l'on s'est servi principalement de la narration et de la simple déduction des faits, sur laquelle on fondait les dogmes et les préceptes de morale. En effet, pendant les premiers denx mille ans, la vraie religiou se conserva sans écriture, par la seule tradition, et cette tradition n'était autre chose que le soin religieux qu'avaient les pères de raconter à leurs enfans les merveilles de Dieu, qu'ils avaient vues de leurs yeux, on apprises par le récit de leurs pères, et que ces enfans également pieux et fidèles avaient soin à leur tour de raconter à leurs enfans. Ainsi, Adam avait instruit ce grand nombre d'enfans dont il commença à peupler la terre. Il leur avait dit souvent, l'ayant appris de Dieu même comment le monde fut créé, comment lui et sa femme furent formés: il leur avait raconté le bonheur de leur, premier état, leur péché, leur peine. Ainsi Noé avait enseigné à ses enfans tout ce qui s'était passé de mémorable avant le déluge, el ses trois fils répandirent par toute la terre la mémoire de ce fameux événement. Qui peut douter qu'Abraham n'ait pris grand soin de raconter à Isaac tout ce que Dieu avait fait avant lui pour le genre humain, et les graces particulières que lui-même en avait reçues; puisque l'écriture marque expressément son zèle pour l'instruction de sa famille (i)? Et qui peut douter que les autres patriarches ne l'aient imité? Moyse, inspiré de Dieu, recueillit et écrivit toutes ces anciennes traditions dans le livre de la Genèse; et dans les livres suivans, après avoir raconté fort au long les grands miracles que Dieu avait faits pour tirer son peuple de la servitude d'Egypte (2), il recommande à tous les israélites, qui les avaient vus comme lui, de les raconter à leurs enfans, et répète souveut de la part de Dieu ce commandement (3), comme celui de lire, relire et méditer continuellement sa loi, c'est-à-dire, tout ce qu'il leur donnait par écrit. Josué, Samuel et les autres prophètes écrivirent de temps en temps les miracles, les prédictions et tontes les autres choses qui servaient à la religion; cơ qui fut continué sans interruption jusqu'à la captivité de Babylone. Au retour, Dien suscita le savant Esdras pour recueillir avec soin tous les livres pré (1) Genèse, xviij, 28. (2) Exod. xij, 26. (3) Deut. iv, 10, xj, 19. cedens, et y ajouter l'histoire du rétablissement. Enfin, après un assez long intervalle, où il ne s'était rien passé de mémorable pour la religion, on écrivit l'histoire de Judas Machabée et de ses frères, qui l'avaient défendue si vaillamment contre les infidèles acharnés à la détruire et à faire périr les livres sacrés, et cette histoire nous mène fort proche du temps du Messie. Cependant l'écriture ne nuisait pas à la tradition, elle ne servait qu'à la rendre plus certaine; et les fidèles n'avaient pas moins de soin que dans les premiers temps, de raconter à leurs enfans et à leurs petits enfans ce qu'ils avaient appris de leurs pères et de leurs aïeux, et de leur recommander de le faire passer à leur postérité. Ce devoir est marqué dans tous les livres de morale, et particulièrement dans les psaumes (1) Il est donc vrai que pendant tout l'ancien testament, la religion s'est conservée par les narrations et par les histoires. La publication de la nouvelle alliance n'a rien changé à cette méthode on a seulement ajouté à l'histoire des anciennes merveilles celle des nouvelles encore. plus grandes, la naissance et la vie de Jésus-Christ, ses discours, ses miracles, sa résurrection, l'établis sement de son église; et Dieu a fait écrire ces prodiges nouveaux, comme les anciens, par ceux qui en étaient témoins oculaires, Le sermon de Saint Etienne, et la plupart de ceux des apôtres (2), que l'écriture nous rapporte font voir que leurs disputes contre les Juifs, et les instructions qu'ils donnaient aux païens, étaient toujours fondées sur la déduction des faits. Il fallait faire souvenir les Juifs de ce que Dieu avait fail pour leurs pères, et de ce qu'il leur avait promis, pour leur en montrer l'accomplissement; et il fallait enseigner aux infidèles, que Dieu avait créé le (1) Psal. xlij, 17, lxxvij, 3, etc. Prov. ij, 8, vij. 1. Ecet. Š i.j, ', etc. (2) Act. vij, 30, 37, xvij, 22. |