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principes solides, et sur une pleine conviction de l'excellence de la loi de Dicu, et un théologien qui ne s'attache qu'aux questions particulières que l'on agite dans les écoles, et au détail de la pratique présente, ne sera jamais capable de bien instruire les enfans de l'église, uni de bien combattre ses cunemis.

Le libertinage même et le mépris de la religion ne vient que d'ignorance; car il est impossible de connaître la doctrine chrétienne telle qu'elle est, sans l'admirer et l'aimer, La plupart des libertins le sont sans connaissance de cause, par emportement, ou par préoccupation et si quelques-uns ont de l'étude, ce sera de la philosophie purement humaine, ou la lecture de quelque auteur extravagant, qui combatte toutes les maximes établies; mais il n'y en a point qui ait examiné les preuves avant les objections, et qui se soit donné la patience de sonder les fondemens de la religion, et d'en considérer attentivemen! toute la suite.

Il ne faut pas chercher bien-loin la cause de celle ignorance. L'ignorance naît avec nous, et c'est une des suites de la corruption de la nature. Ce n'est pas de cesmaux auxqnels on puisse remédier une fois pour une longue suite d'années, puisque tous les jours des enfans viennent au monde, et y viennent entièrement ignorans. Il leur sert peu de naître dans le sein de l'église, et de parens éclairés, si l'on ne prend grand soin de les instruire chacun en particulier, et si de leur côté ils ne s'affectionnent aux instructions: mais la corruption du coeur humain résiste à l'un et à l'autre. A moins que la grace n'opère puissamment, nous ne sommes point touchés des choses de l'autre vie, parce qu'elles ne frappent point nos sens, toute notre application se porte aux choses temporelles. Avec combien de soin, de travail et de patience, les hommes les plus grossiers s'appliquent-ils à apprendre des métiers pour subsister! Combien donne-t-on à l'étude de la jurisprudence, de la médecine, des mathématiques, et des autres connais

sances utiles au commerce de la vie ! Il n'y a point de financier, de marchand, de riche bourgeois, qui n'étudie soigneusement ses comptes et ses papiers, qui n'ait de la pénétration dans ses affaires, et n'y raisonne juste. Il n'y a paysan si grossier, qui, sans savoir lire ni écrire, ne suppute exactement ce qui lui est dû, ce qui lui doit revenir d'un tel travail, ce qu'il doit gagner sur une telle marchandise. Chacun a de la curiosité, de l'ouverture d'esprit, de la mémoire pour l'objet de ses passions, soit le plaisir, soit l'intérêt. Il n'y a que la morale et la religion que tout le monde trouve difficile à comprendre et à retenir. On n'aime pas à en parler, on prend tout autre sujet de conversation.

La plupart même ne croient pas avoir besoin de s'en instruire. Je sais plus de bien que je n'en veux faire, dira l'un: je me contente de mon catéchisme, dira l'autre (1) je veux croire, dira celui-ci, sans approfondir (2): les vérités de la religión doivent être respectées (3). Il est dangereux de raisonner en ces matières (4). Vous diriez qu'ils craignent de trouver le faible de leur religion, s'ils s'en instruisaient plus à fond (5). Mais tous ces discours ne sont que de vains prétextes dont se couvrent l'ignorance et la paresse (6). La vraie religion ne craint point d'être connue; elle n'enseigne rien qui ne se soutienne au plus grand jour (7). La même écriture qui nous ordonne de recevoir avec soumission les vérités révélées de Dieu, de captiver notre entendement, d'obéir à la foi, nous commande expressément de mé

(1) 2 Clem. ix, 6.

(2) Aston, 6, 65.

(3) Deut. iv, 2, etc. 2 Petr. j 21. 1. Thess. ij, 13.

(4) Rom. xvj, 26. 2. Cor. x, 5.

(5) Deut. vj, 6, 18. Psalm. 1. 2. Ex. vij, etc.

(6) Prov. j. et ij, etc.

(7) Ram. xij, 2. Ephes. x, 17. Coloss. ix, 10.

diter sa loi jour et nuit, de nous appliquer de toutes nos forces à l'étude de la science et de la sagesse, et de travailler toute notre vie à connaître la volonté de Dieu, le plus distinctement qu'il est possible.

En effet, quoique le catéchisme contienne ce qui est le plus nécessaire à savoir, il en est comme de tous les autres abrégés, que l'on ne sait jamais bien, si l'on n'étudie rien au delà. Pour entendre et retenir ce peu que contient le catéchisme, il faut en peser toutes les paroles, et pénétrer, chacun selon sa portée, la profondeur de la doctrine qu'elles renferment. Quant aux vérités de morale, il est vrai que la meilleure manière de les étudier est la pratique, et que nous ne savons comme il faut que celles que nous observons; mais il ne s'ensuit pas que nous ne devions les apprendre qu'à Inesure que nous les mellons en œuvre. Les occasions d'agir ne se présentent pas par ordre; et si j'attends que j'aie exécuté tous les commandemens de Dieu pour connaître les conseils, je ne les connaîtrai peut-être de ma vie, quoiqu'ils soient donnés pour faciliter l'observation des commandemens. La négligence à garder les préceptes que nous savons déjà, ne nous donne donc pas droit d'ignorer les autres; nous sommes obligés à les garder tous, et par conséquent à les savoir tous.

Enfin, la vraie religion n'est pas comme les fausses, qui ne consistent qu'en un culte extérieur, et en de vaines cérémonies (1) C'est une doctrine, une étude, une science (2). Les fidèles étaient nommés disciples avant qu'ils eussent reçu à Antioche le nom de chrétiens (3). Les évêques sont nommés docteurs chez tous les anciens ; et Jésus-Christ fondant son église, s; dit aux apôtres allez, iustruisez toutes les nations. Il est donc impossible d'être chrétien et d'être entièrement ignorant; et celui-là est le meilleur cbrétien, qui connaît

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le mieux et pratique le mieux la loi de Dieu. Or quoique l'on puisse la connaître sans la pratiquer, il est impossible d'en pratiquer que ce que l'on en connaît.

Mais il faut avouer que les particuliers ne sont pas seuls coupables de l'ignorance qui règne depuis longtemps dans l'église : il y bien de notre faute, je dis de nous autres prêties, et de tous ceux qui sont établis pour instruire. Quoique l'on prêche très-souvent, et qu'il y ait une infinité de livres qui traitent de toutes les parties de la religion, on peut dire qu'il n'y a pas assez d'instruction pour les chrétiens, même pour les mieux intentionnés, Les livres sont de plusieurs sortes: des traités de théologie, pleins de questions curieuses, dont le commun des fidèles n'a pas besoin, écrits en latin, et d'un style qui n'est. intelligible qu'à ceux qui ont fréquenté les écoles; des commentaires sur l'écriture, la plupart fort longs et presque tous en latin; des vies des saints, qui ne vont qu'à montrer des exemples particuliers de vertu; des livres spirituels, qui donnent de bonnes pratiques pour sortir du péché, et pour avancer dans la vertu et dans la perfection, mais qui supposent des chrétiens suffisamment instruits de l'essentiel de la religion, et qui par la longueur du style et la grosseur des volumes, ne sont pas à l'usage des geus occupés ou peu attentifs. Il en est de même des sermons On n'y traite que des sujets particuliers, détachés le plus souvent les uns des autres, selon la

fète, l'évangile ou le dessein du, prédicateur: on y explique rarement les premiers principes et les faits, qui sont les fondemens de tous les dogmes: on y parle des histones contenues dans l'écriture-sainte, comme des choses connues de tout le monde,

De là vient que les lectures publiques de l'écriture, qui font partie de l'office de l'église servent si peu pour l'instruction des fidèles, pour laquelle on les a insti tuées. Tout le monde n'entend pas le latin: peu de gens se servent de traductions, et elles ne suffisent pas,

si l'ou ne connaît les livres saints, d'où les leçons sont tirées, et si on ne les y lit dans leur suite. On devrait suppléer à ce défaut par les sermons; mais ce n'est pas expliquer un evangile que d'en prendre un mot pour texte, el y faire venir à propos tout ce que l'on veut. Ainsi on trouve par-tout de bonnes gens, qui fréquentant les églises, depuis quarante ou cinquante ans, et étant fort assidus aux offices et aux sermons, ignorent encore les premiers élémens du christianisme.

Il n'y a que les catéchismes qui descendent jusqu'à ccs premières instructions, si nécessaires à tout le monde; mais il semble qu'ils ne sont pas assez estimés. La plupart croient savoir le catéchisme, parce qu'ils l'ont appris en leur enfance, et ne s'aperçoivent pas qu'ils l'ont oublié, ou qu'ils ne l'ont jamais bien entendu; d'autres ont honte d'avouer leur ignorance et leur mauvaise éducation, et ne peuvent s'abaisser jusqu'à ces instructions qui les remettraient, ce leur semble, aux petites écoles. Les ecclésiastiques ( je dis ceux qui cherchent leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus-Christ) méprisent cet emploi, parce qu'il est pénible, obscur et infructueux. S'ils croient avoir de grands talens, ils cherchent de la réputation par l'élo-· quence de la chaire s'ils en ont moins, ils s'appliquent au confessionnal et à la direction. Mais une des plus grandes difficultés de la confession, est l'ignorance des chrétiens; et qui les instruirait bien, trancherait beaucoup de péchés par la racine.

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Il est vrai que la forme et le style des catéchismes a Feu d'attraits pour ceux qui l'apprennent; car pour ceux qui l'enseignent, il ne faut pas espérer qu'ils prennent jamais grand plaisir à répéter souvent des vérités qui leur sont familières, trouvant toujours de nouvelles difficultés de la part des auditeurs; il n'y a que la charité qui puisse en faire l'agrément. Mais pour les disciples, comme la plupart sont des enfans qui ne peuvent voir l'utilité des instructions, il serait fort à sou

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