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au milieu des populations manufacturières ou de celles qui ont souffert dans leur industrie agricole. Ainsi, par exemple, le rapport du nombre des indigens à la population totale, qui serait de 1 sur 6 pour le département du Nord, de 1 sur & pour le département du Pas-de-Calais, de 1 sur 15 dans le Rhône, de 1 sur 14 dans les départemens de l'Aisne, de la Seine et de la Somme, n'est plus que du trentième dans les départemens de la Meuse, de la Meurthe et de la Moselle, du quarantième dans la Lozère, le Bas-Rhin, etc., arrive à son dernier terme (158) dans la Creuse (1).

On peut donc, sous ce rapport, diviser la France en trois régions ou zônes du paupérisme.

1o La zone souffrante: elle renferme vingt départemens, 10,062,769 habitans et 770,626 indigens, ou 1|15 de la population indigente totale.

2o La zône moyenne : trente-huit départemens s'y trouvent compris ; leur population réunie s'élève à 13,043,514 habitans, sur lesquels on compte 550,255 indigens, ou 123 1855 de la population totale.

3o Enfin, la zône favorisée: elle présente vingt-huit départemens, dont la population s'élève à 8,774,391 individus on y trouve 265,480 indigens formant le 155 de la population générale.

L'échelle du paupérisme se trouve graduée du sixième au cinquante-huitième de la population: les départemens du Nord et de la Creuse sont placés aux deux extrémités.

La carte que nous plaçons ci-contre indique, par les diverses dégradations des teintes, les départemens où l'indigence est le plus ou moins répandue.

(1) Il est remarquable que le département de la Creuse, le dernier dans l'échelle de l'industrie, soit celui où l'on compte à la fois le moins de pauvres et le moins de délits.

La proportion du nombre des pauvres à la population varie très sensiblement entre les villes et les campagnes. En général, le rapport peut s'établir, pour les villes, de 1 à 10, et d'environ 1 à 30 pour les campagnes. Or, la population totale des villes et des communes ayant une population agglomérée de 1,500 habitans et au-dessus, étant de 7,672,450 habitans (1), et celles des communes rurales de 24,205,718, il en résulterait que la population des villes offrirait 767,245 indigens, et celle des campagnes 819,195.

Il existe encore une différence des plus sensibles entre la situation des classes indigentes, dans les provinces du nord et de l'ouest de la France, et dans les contrées du centre, de l'est et du sud.

Les provinces méridionales sont favorisées d'un climat doux et tempéré qui exige peu de besoins. Outre les ressources que fournit la pêche aux habitans du littoral maritime, la terre offre en abondance les céréales, les fruits et les autres productions qui forment la principale nourriture d'une population en général sobre et frugale, autant que saine et vigoureuse. Les principes religieux y ont été plus généralement conservés (2). Le luxe exagéré y est à peine connu. Des cultures successives et variées pour toutes les saisons, celle de la vigne surtout, donnent du travail à tous les bras valides pendant presque toute l'année. Le système d'industrie prédominant dérive de l'agriculture.

(1) Les villes de 5,000 habitans et au-dessus donnent une population 5,041,302 habitans. 2.634,154

dc.

Les communes de 1,500 à 5,000

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(2) La statistique morale de la France a prouvé que les départemens où se trouvent le plus grand nombre de prêtres catholiques, sont ceux où l'on compte à la fois le moins de pauvres, le moins de crimes et de délits contre la propriété, et le moins de suicides.

Le commerce intérieur s'alimente de produits nationaux ; les propriétés sont très divisées, la population peu agglomérée; le prix des loyers est modique; les grands froids ne durent guère au-delà de six semaines, de sorte que le combustible et les vêtemens chauds ne sont pas un objet de première nécessité. Les machines qui économisent les bras de l'homme sont encore peu répandues dans les établissemens industriels; le travail ne manque à personne, et, en général, les salaires sont suffisamment élevés.

Dans les départemens méridionaux, les bureaux de bienfaisance ne sont que peu ou point dotés, mais la plupart des communes possèdent des terrains vagues où les pauvres peuvent mener paître des chèvres ou des brebis. Celles dont le territoire s'étend aux montagnes des Pyrénées ont même, en propriété, de très grands espaces de terre couverts de prairies ou de forêts qui recèlent des marbres et des mines de différente nature. Il est vrai que dans ces communes les propriétaires fonciers se sont arrogés le droit d'être seuls admis au partage des pâturages, parce qu'ils possèdent des masses de bestiaux capables de consommer les herbes produites par ces montagnes pastorales dont ils usurpent ainsi le monopole. Quant aux forêts, les coupes sont vendues au profit des caisses communales; les habitans non propriétaires, et par conséquent les pauvres, sont exclus des bénéfices et demeurent donc frustrés des avantages de la communauté. Ces contrées présentent un plus grand nombre d'indigens, et, pendant l'hiver, si la température est rigoureuse, la misère est excessive et douloureuse dans les classes indigentes.

A cette exception près, on peut affirmer que la condition physique des pauvres, dans la région du midi, n'est pas de nature à alarmer trop vivement l'humanité. D'une part, peu de besoins de chauffage, de vêtemens, de nourriture (car les méridionaux consomment moins d'alimens que les autres peuples); de l'autre, plus de travail, et comparati

vement de meilleurs salaires et plus d'abondance des choses nécessaires à la vie. L'activité et le goût du travail ne manquent pas non plus aux populations du midi de la France. Elles n'appartiennent point à cette zone méridionale de l'Europe où l'excessive chaleur du climat porte à la mollesse, au repos et à l'oisiveté. Le peuple de Marseille, par exemple, n'a aucun point de ressemblance à cet égard avec celui de Naples ou de Lisbonne.

Dans les départemens de l'est, placés sous l'influence d'un climat généralement tempéré et qui présente, comme le midi, la culture de la vigne réunie à la plupart des autres productions de la France, la situation des indigens est également loin d'être défavorable. Une agriculture très avancée et une industrie qui s'exerce plus spécialement sur les produits du sol et en partie dans les campagnes, occupent à l'envi les bras valides. L'instruction est très répandue et le nombre des écoles tenues par des sœurs hospitalières fort considérable. Les communes sont propriétaires de terrains plus ou moins étendus dont les pauvres profitent. Les habitans ont, en général, des droits d'affouage dans les vastes forêts royales et communales. Dans un grand nombre de localités, la majeure partie des propriétés communes est distribuée en petits lots concédés temporairement aux habitans domiciliés suivant leur rang d'ancienneté dans l'habitation. Tous ont un droit égal au parcours et à la vaine pâture dans les terres non closes, lorsque les terres communales ne sont pas divisées en portions dites ménagères. Les produits de leur location, excédant les besoins municipaux, tournent au profit des habitans. Ainsi le pauvre participe autant que le riche aux bénéfices de la propriété commune, surtout par la faculté d'élever sans frais quelques bestiaux dont le lait forme sa principale nourriture. Le nombre des indigens admis à la charge de la charité publique se trouve ainsi fort diminué sous l'influence de ce régime communal généralement

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