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donnée. Les membres des congrégations enseignantes, dépouillés de leurs revenus, de leur costume, privés de toute protection, ne pouvaient continuer leurs fonctions, même à titre individuel. L'autorisation qui leur en était donnée était une dérision et un attentat de plus.

La convention, héritière des travaux des deux assemblées constituante et législative, ordonna par un décret du 30 mai 1793 qu'il devait y avoir une école primaire dans tous les lieux qui comptaient depuis 400 jusqu'à 1,500 individus, et dans chaque école primaire un instituteur laïque chargé d'enseigner aux élèves : « Les connaissances élémentaires nécessaires aux citoyens pour exercer leurs droits, remplir leurs devoirs et administrer leurs affaires domestiques. >>

Le 13 juillet 1793, elle entendit, par l'organe de Robespierre, un plan d'éducation nationale rédigé par Michel Lepelletier peu de temps avant sa mort. Au mois d'octobre suivant, elle adopta l'organisation, dans toutes les communes, d'écoles primaires, où tous les enfans devaient recevoir gratuitement la première éducation physique, morale et intellectuelle, la plus propre à développer en eux les mœurs républicaines, l'amour de la patrie et le goût du travail.

Les instituteurs nationaux devaient être désignés parmi les candidats les plus recommandables par leur aptitude, leurs mœurs, et surtout par leur patriotisme : leur traitement devait, ainsi que l'établissement des écoles, être prélevé sur les revenus communaux ou par des contributions extraordinaires. La dépense des traitemens des maîtres et maîtresses d'école s'élevait, seule, à environ soixante millions.

Deux mois ne s'étaient pas écoulés, que le décret du 19 décembre 1793 proclama, pour tous les citoyens et citoyennes qui voudraient enseigner, l'entière liberté de l'enseignement public, sauf la surveillance des municipa

lités, des père et mère, tuteurs ou curateurs, enfin de tous les citoyens. Les père et mère, tuteurs ou curateurs qui ne voudraient pas envoyer leurs enfans ou pupilles à ces quarante ou cinquante mille écoles librement établies sur tous les points de la république, et où, désormais, ne pouvait plus exister de garantie, non seulement de religion, mais de mœurs et de décence, étaient condamnés à de fortes amendes, privés de leurs droits de citoyens et regardés comme ennemis de l'égalité.

Cette époque fut celle de la plus complète anarchie (1).

Un an après, le décret du 17 novembre 1794 rapportant toute loi qui serait contraire, ordonna de nouveaux établissemens d'écoles primaires, sur tout le territoire de la république, dans la proportion d'une école pour mille habitans. Les instituteurs et les institutrices devaient être examinés, élus et surveillés par un jury d'instruction. Les garçons et les filles étaient séparés dès l'âge de six ans accomplis. Tous les citoyens avaient le droit d'ouvrir des écoles particulières et libres sous la surveillance des autorités constituées.

Cette législation régit l'enseignement primaire jusqu'en 1802. Un an auparavant, le vénérable et éloquent Portalis, chargé de présenter la loi qui rétablissait le culte public de la religion nationale, saisit cette occasion de parler dignement de l'instruction publique. D'après l'exposé présenté par M. de Fourcroy, conseiller d'état, la loi du 1er mai 1802 ordonna, 10 que les instituteurs seraient choisis par les maires et les conseils municipaux ; 2o que les conseils municipaux exempteraient de la rétribution à fournir aux maîtres par les élèves ceux des parens

(1) M. le baron Dupin fait remarquer que, pendant le cours de la révolution, les écoles n'ont pas été fréquentées par plus du cinquantième de la population elles étaient toutes fermées durant les massacres de la

terreur.

qui seraient hors d'état de la payer, sans toutefois que cette exemption pût excéder le cinquième des enfans reçus dans les écoles primaires.

On remarqua, dans la discussion qui s'éleva au tribunat sur ce projet de loi, l'opinion éloquente de M. Daru sur la nécessité d'admettre la religion dans l'instruction publique.

L'enseignement public, tel qu'il avait été organisé jusqu'alors, ne pouvait satisfaire les vues de politique et d'ordre public du nouveau souverain de la France. Le 6 mai 1806, M. de Fourcroy exposa au corps législatif un projet de loi, portant qu'il serait formé un corps enseignant sous le nom d'université impériale. Ce projet fut adopté le 10 mai suivant.

Cette loi ouvrait une ère nouvelle à l'instruction publique.

D'après l'art. 107, l'université devait prendre des mesures pour que l'art d'enseigner à lire et à écrire, et les premières notions du calcul dans les écoles primaires, ne fût exercé désormais que par des maîtres assez éclairés pour communiquer facilement et sûrement ces premières connaissances nécessaires à tous les hommes. L'art. 109 ordonnait que les frères des écoles chrétiennes seraient brévetés et encouragés par le grand-maître qui devait viser leurs statuts intérieurs, les admettre au serment, leur prescrire un habit particulier et faire surveiller leurs écoles. Les supérieurs de ces congrégations pouvaient être nommés membres de l'université. Des écoles normales devaient former des maîtres primaires.

Un décret, rendu le 17 mars 1808, détermina qu'aucune école, aucun établissement quelconque d'instruction ne pourrait être formé hors de l'université et sans l'autorisation de son chef. Il était la conséquence du principe d'après lequel l'enseignement public dans toute la France était confié exclusivement à l'université. Pour les

petites écoles, comme pour tous les autres établissemens d'instruction, le législateur avait posé pour base de l'enseignement les préceptes de la religion catholique, la fidélité au souverain, l'attachement à la monarchie dépositaire du bonheur des peuples et à la dynastie conservatrice de l'unité de la France et de toutes les idées libérales, l'obéissance aux statuts du corps enseignant, qui tendent à former pour l'état des citoyens attachés à leur religion, à leur prince, à leur patrie, à leur famille.

L'homme d'état, célèbre par son éloquence, qui fut placé à la tête de l'instruction publique, était digne de comprendre l'influence nécessaire que les ministres de la religion devaient exercer sur le choix des instituteurs auxquels serait confié l'enseignement des enfans pauvres. Aussi, son premier soin, en prenant les rênes de l'administration de l'université, fut-il de solliciter la coopération des évêques du royaume, pour être éclairé sur la conduite, les mœurs et la capacité des maîtres d'école. « Les instituteurs primaires plus éclairés et mieux choisis, disait-il, ne peuvent être indifférens aux destinées de l'église; ils disposent l'enfance à l'instruction plus solide qu'elle doit recevoir des ministres des autels; ils seconderont leurs efforts pour rendre aux campagnes la connaissance de l'amour de Dieu et l'amour des vertus, qui assurent le repos des familles. C'est surtout dans la classe indigente qu'ils prépareront l'espérance d'une génération meilleure, et je ne crois pas avoir besoin d'exciter votre zèle pour la portion la plus nombreuse de votre troupeau. »

C'est dans cet esprit que M. de Fontanes avait conçu sa haute mission, et qu'il chercha à l'accomplir malgré le système de despotisme et de fiscalité qui dominait dans l'institution de l'université impériale.

Le droit de surveillance officielle des écoles primaires

était accordé aux préfets, sous-préfets et maires. Quant aux évêques et aux curés, «ils en étaient les surveillans naturels en ce qui concerne la religion et les mœurs, non pas avec un caractère d'autorité, mais avec celui que leur donne la confiance du souverain et que leur devaient, pour se conformer à ses intentions, tous les dépositaires de son pouvoir. »>>

Rien ne fut changé à ces dispositions jusqu'à la deuxième année de la restauration.

Le 15 août 1815, une ordonnance royale maintint l'organisation des académies, et tout le système universitaire, jusqu'à ce qu'une loi définitive complète statue sur l'instruction publique. Seulement une commission de cinq membres, nommés par le roi, fut chargée d'exercer, sous l'autorité du ministre de l'intérieur, les pouvoirs attribués au grand-maître et au conseil de l'université (1). Cette commission fut remplacée ensuite par un conseil royal d'instruction publique. Plus tard, la dignité de grandmaître fut rétablie et réunie au ministère de l'instruction publique ou des cultes.

Au commencement de 1816, le roi Louis XVIII, monarque ami des lettres et des lumières, voulant marquer son règne par l'amélioration de l'enseignement des classes inférieures, rendit, le 29 février, une ordonnance dont voici le préambule :

« Nous étant fait rendre compte de l'état actuel du peuple des villes et des campagnes dans notre royaume, nous avons reconnu qu'il manque, dans les unes et dans les autres, un très grand nombre d'écoles; que les écoles existantes

(1) M. le cardinal de Bausset, MM. Royer-Collard et Corbière ont été successivement présidens de la commission royale d'instruction publique ; M. l'évêque d'Hermopolis, MM. de Vatisménil et de Montbel ont exercé les fonctions de ministres de l'instruction publique et de grands-maîtres de l'université.

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