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donnèrent leurs noms à deux pays de l'Arabie: l'un en Idumée, l'autre dans l'Arabie déserte; le troisième, si l'on s'en rapporte à vos traditions, père d'Ad, habita l'Arabie Heureuse.

Tout concourt donc à établir que Job était Arabe.

D'ailleurs, dans les descriptions et les portraits qu'il nous a laissés dans son livre sublime, le choix des sujets, comme le coloris des expressions, révèle le ciel et le désert de l'Arabie.

AUTRUCHE.

D'un agile coursier, l'autruche en son essor
Égale la vitesse et la surpasse encor.

L'autruche à l'épervier par sa plume est semblable,
Elle laisse en fuyant tous ses œufs sur le sable.
J'aveuglai son instinct, j'étouffai dans son cœur
De la maternité le sentiment vainqueur.

Elle ne songe pas,

dans son indifférence,

Que ses œufs, de sa race incertaine espérance,
Aux brutes, aux passants, à toute heure exposés,
Sous leurs dents, sous leurs pas, peuvent être écrasés.

AIGLE.

Roi des monts sourcilleux, l'aigle habite leurs cimes;
Il y suspend son aire au-dessus des abîmes,
Et d'une chair sanglante il repaît ses aiglons.
Vis-tu jamais son vol ramper dans les vallons?
Superbe, indépendant de la nature entière,
Il fend les flots de l'air, dresse une tête altière;
Il oppose, planant dans l'azur radieux,
Aux éclairs du soleil les éclairs de ses yeux;
Des vents tumultueux il affronte la rage;
Son cri joyeux se mêle au fracas de l'orage;
Et des hauteurs du ciel son regard a cherché
L'imperceptible ver qu'un brin d'herbe a caché!

CHEVAL.

Vois le cheval guerrier! te doit-il sa valeur,
Son instinct du péril, la bouillante chaleur
Qui l'enflamme et l'entraîne au milieu des alarmes?
Son oreille se plaît au son bruyant des armes.
De ses larges naseaux il aspire, il boit l'air;
Ses pieds retentissants font petiller l'éclair;
Il ronge, plein d'ardeur, son mors blanchi d'écume :
Tant du prochain combat le besoin le consume!
Sitôt que la trompette et ses rauques accents
Ont au loin réveillé les échos frémissants,
Il dit: Allons!!! et part, et vole, et dans la plaine
En tourbillons fumants disperse son haleine!...
Comme la sauterelle, il s'élance, il bondit.
Ainsi la flèche siffle, et l'acier resplendit.
Qu'importent les hasards dont sa course est semée?
Il reconnaît des chefs la voix accoutumée;
Il se jette à travers les poudreux escadrons,
Au bruit de la mêlée, aux accords des clairons,
Haletant, furieux, les crins épars !... Il nage
Dans l'immense vapeur qu'exhale le carnage.
D'une grêle de traits sans relâche investi,
Son cœur un seul instant ne s'est pas démenti.
De son généreux sang déjà les flots ruissellent;
Il garde sa fierté, mais ses forces chancellent.
Il cède, il tombe enfin sur l'arène qu'il mord,
Où son premier soupir est un soupir de mort.
(Ibid., ch. xxxix.)

Ce portrait du cheval, Messieurs, n'est parfait, n'est même exact, que parce que le cheval arabe en est le héros.

SECRÉTAIRE. Nous voilà en belle compagnie : l'aigle, le cheval et l'autruche; mais, pas même une parole de Dieu!

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Si nous étions des païens, le babas n'aurait pu mieux choisir pour nous faire glorifier de compter Job parmi nos aïeux. Aux enfants du Coran, il faut un autre langage. Mais, heureusement, notre livre y supplée : j'ai déjà cité un verset à la louange de Job; je pourrais en citer d'autres.

PRÊTRE. Patience!

DZIRI. Patience, patience! C'est qu'il faudrait la patience de Job. Ça ne comprend rien, je l'ai bien dit.

PRÊTRE. De la patience! à l'exemple de Jésus, qui l'a portée plus loin que Job. Je dirai donc au secrétaire, quelles que soient les dispositions de son âme qui l'ont porté à me faire des observations peu académiques et un peu étranges, je lui dirai Les portraits que j'ai cités ne sont que des extraits d'un discours que Dieu est supposé adresser à Job pour faire ressortir sa puissance et sa sagesse par l'énumération des merveilles de la création.

A cause de l'incident survenu, il est de mon devoir de rapporter le commencement de ce discours. Je le dois à la gloire de Dieu, à la louange de Job; je le dois au secrétaire : le Chrétien est débiteur de la charité envers tout le monde.

Job au comble de l'épreuve était descendu avec quelque complaisance dans le moi, ombrette favorite des patients et des humbles.

Pour le confondre,

Du sein d'un tourbillon la voix du Tout-Puissant
Sort, et fait retentir tout le ciel frémissant.

Quel est cet insensé dont le hardi langage
Mėle le faux au vrai, le respect à l'outrage?
D'un tel excès d'orgueil connais-tu le danger?
Prête l'oreille, Job! Dieu va t'interroger.

Est-ce toi dont la main, en merveilles féconde,
Sur sa pierre angulaire édifia le monde,
Jeta les fondements et régla son niveau,

Lorsque ensemble, admirant ce prodige nouveau,
Tous les astres en chœur, au doux concert des anges,
Pour célébrer mon œuvre unirent leurs louanges?
Prévoyais-tu l'instant où la clarté des cieux
Pour la première fois viendrait ouvrir les yeux ?
Quand mon souffle éternel daigna te donner l'être,
Le nombre de tes ans, pouvais-tu le connaître?

Quels sublimes travaux, en six jours terminés,
Parleront de ta gloire aux siècles étonnés?
Du matin renaissant l'étoile avant-courrière
Te doit-elle l'éclat dont brille sa lumière ?
Et quand s'éteint le jour, à l'étoile du soir
Dans son char scintillant as-tu dit de s'asseoir ?
Mais peut-être est-ce toi dont l'immortel génie
De ces mondes sans nombre entretient l'harmonie?
Jusqu'au fond de l'abîme as-tu plongé tes pas?
De l'antre ténébreux qu'habite le trépas,
Les portes devant toi se sont-elles ouvertes?

Change en séjour riant les campagnes désertes,
Où, parmi les rochers, les halliers épineux,
Le seul reptile roule et déroule ses nœuds.
Dans les sauvages lieux où la nature expire,
Fais éclore des fleurs; qu'un vent frais y respire;
Que le cèdre orgueilleux, de ses feuillages verts,
Y lève un front géant, respecté des hivers.

Si, de tous mes secrets heureux dépositaire,
Pour toi dans l'univers il n'est point de mystère,

Tu ne peux ignorer quelle route conduit

Au berceau de l'aurore, au palais de la nuit.
D'où provient la chaleur? Sais-tu par quelle voie
Arrive le soleil qu'à la terre j'envoie,

Et quels globes lointains, de glaces entourés,
De ses rayons mourants sont à peine éclairés?
Eh bien! si tu le peux, que ta main faible et grêle
Forge l'ardent éclair et la bruyante grêle.
Répares-tu pour moi, dans mes jours de combats,
Les armes de la neige et celles des frimas?
Que le temps, à ta voix, dans sa marche s'arrête !
Ordonne aux aquilons de souffler la tempête!
Déchaîne sur les monts leur vol impétueux!
Fais descendre la pluie à flots tumultueux;
Et qu'au lever du jour, sur la plaine arrosée,
En diamant liquide éclate la rosée.

Des fleuves, enchaînés dans leur berceau natal,
As-tu durci les flots en solide cristal?
Pourras-tu cependant commander au tonnerre
De partir à la voix pour effrayer la terre?
Et, roulant sous un ciel de ténèbres noirci,
Viendra-t-il au retour te dire Me voici?

C'est ainsi que de Dieu la voix éclate et tonne.
Plein d'une sainte horreur, Job l'entend et frissonne,
Et le Seigneur à Job de nouveau s'adressant :

L'insensé qui dispute avec le Tout-Puissant,
Et se pare à ses yeux d'une vaine insolence,
Sera frappé de crainte et réduit au silence;
Car je suis le Seigneur!...

SECRÉTAIRE. Pauvre Job! Que dut-il répondre?

PRÊTRE.

Et Job a répondu :

Qui parle follement, doit être confondu;

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