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» mises en déroute. J'ai détruit par les armes les hommes du » pays d'Aribi qui étaient venus avec lui, et lui-même s'enfuit » devant les armes invincibles d'Assur et gagna les pays loin»tains. J'ai livré aux flammes ses tentes, ses demeures, ses » habitations1. »

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On voit, par ces derniers mots, que le traitement infligė aux Bédouins est exprimé en termes presque identiques dans le texte grec de Judith et dans l'inscription des cylindres de Koyoundjik. Assurbanipal «< ne parle pas, il est vrai, dit » M. Robiou, des frontières de Cilicie, que l'armée, d'après le récit de Judith, longea probablement après avoir repassé l'Euphrate à l'un des passages ordinaires de Thaprac ou de Carchémis l'ordre ethnographique le conduisait à supD primer cette circonstance, mais le nom de Japhet, très-inat» tendu dans le récit (de Judith), s'explique assez naturelle» ment, comme terme géographique, par l'extrême affinité » des muettes labiales et du m: c'est la ville de Hamarth en » Syrie, que l'on trouve, en effet, en marchant au sud, après » avoir quitté les frontières de la Cilicie ou du territoire de > Kiliza, peu éloigné de Carchémis 2. »

On rencontre des Bédouins sur toute la ligne suivie par l'armée d'Holopherne et décrite en détail par Assurbanipal. » Cette marche d'Holopherne n'est énoncée dans le livre de » Judith que par son point de départ et par son terme. »

Quant à la ville de Damas, dont la dévastation par Holopherne est racontée dans le livre de Judith, nous la voyons quelque temps après soumise à Assurbanipal, qui, suivant la même route qu'Holopherne, au retour d'une expédition contre les Arabes, dit du butin : « Je lui ai fait prendre la route » de Dimaska (Damas). Dans le mois abu (août), le mois de » l'étoile de l'arc, la fille de Sin, le mois des archers, le troi» sième jour, le jour de la fête de Merodach, le roi des dieux, > j'ai quitté la ville de Dimaska . »

Cette 3 campagne d'Holopherne remplit de terreur tous les

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habitants du pays des Khatti, comme les appelaient les Assyriens, c'est-à-dire de la Phénicie et de la Palestine: Sidon, Tyr, Ocina (Acco, Ptolémaïs), Jemnaa, Azot, Ascalon, dit le texte grec de Judith; la Syrie, la Mésopotamie, Soba, la Lydie, la Cilicie, dit la Vulgate. Nous avons vu plus haut que la Phénicie et le pays des Philistins, dont nous parle le texte grec, étaient soumis à Assurbanipal au commencement de son règne, et qu'ils avaient dû se révolter contre lui à l'instigation de Psammétique, roi d'Egypte. Nous avons aussi déjà parlé de la révolte, suivie plus tard de la soumission de la Mésopotamie et de la Lydie 1.

Les annales assyriennes mentionnent la Syrie, Martu, parmi les pays qui firent cause commune avec Saulmugina dans la guerre de la Babylonie contre Assurbanipal. Nous retrouvons donc tous les peuples, dont parle ici le livre de Judith, dans les documents indigènes.

Malgré leur soumission, Holopherne voulut punir leur révolte il prit les hommes les plus forts pour les incorporer à ses troupes; il détruisit tout sur leur territoire, arracha les bois sacrés et s'empara de leurs idoles. Les monuments nous attestent que c'était la manière de faire la guerre des Assyriens et, en particulier, d'Assurbanipal. Ce dernier, racontant son expédition contre le roi des Arabes, dit en termes analogues à ceux de Judith: « Je me suis emparé de ses dieux....., des gens de son pays, des bêtes de somme, chameaux et moutons; je les ai consacrés au service d'Assur et d'Istar, mes seigneurs. » Un peu plus loin, nous lisons encore:

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» J'ai tué les habitants de la ville d'Usu qui n'obéissaient » pas à leur gouverneur et qui ne payaient pas leur tribut, la » redevance de leur contrée. J'ai infligé un châtiment sévère à > ce peuple insoumis. J'ai emporté leurs dieux....., j'ai em» mené le reste des habitants au pays d'Assur, je les ai dis» tribués au milieu de mon armée nombreuse, dont Assur fait >> la force.

Peut-on désirer une concordance plus parfaite entre le récit du livre de Judith et le récit analogue d'Assurbanipal?

'La Vulgate porte Lybie au lieu de Lydie, mais les critiques lisent

VI.

La 4 et dernière campagne d'Holopherne fut-elle contre Béthulie? On sait comment elle échoua par le dévouement de Judith, qui coupa la tête au général ennemi. Les annales d'Assurbanipal ne racontent pas, cela va sans dire, cet échec des armées assyriennes ; elles ne font jamais connaître que les victoires. Nous pouvons affirmer cependant qu'elles confirment indirectement le récit sacré, parce que leur silence sur l'Egypte, après la révolte de Psammétique, prouve que la révolte du monarque égyptien ne fut pas châtiée. Nous avons vu, par les premiers chapitres du livre de Judith, que la soumission de l'Egypte devait être le terme final de l'expédition d'Holopherne. Béthulie, qui l'arrêta, était sur la route de Syrie en Egypte. Il serait inconcevable, en effet, que le roi d'Assyrie n'eût pas fait quelque tentative pour conserver en son pouvoir ce riche pays, dont il nous apprend l'insubordination à propos de Gygès. Le texte sacré nous indique que cette tentative eut lieu, mais qu'elle échoua par suite de la mort du général en chef, devant les murs de Béthulie.

Il nous semble que ce qu'on vient de lire est bien propre à établir que les faits historiques racontés dans le livre de Judith sont les mêmes que ceux que nous raconte Assurbanipal dans ses annales: ce sont les mêmes événements, les mêmes peuples, des détails analogues. Il ne manque aux documents assyriens que le nom d'Holopherne. Si les rapprochements que nous avons faits ne sont pas tous d'une certitude absolue, n'en approchent-ils pas de bien près, au moins pour l'ensemble, sinon pour tous les détails ?

Il est très-regrettable que les inscriptions d'Assurbanipal soient incomplètes et qu'elles ne nous racontent pas les événements de son règne dans l'ordre chronologique, mais dans une sorte d'ordre ethnographique. Nous sommes ainsi privés d'un fil conducteur qui aurait été précieux. Néanmoins, malgré leur caractère vague et leurs lacunes, elles nous paraissent suffisantes pour fermer désormais la bouche à ceux qui seraient tentés de nier le caractère historique du livre de Judith, à plus forte raison à ceux qui voudraient y voir un épisode allégorique de l'histoire juive du temps des Romains. L'abbé DANIEL.

Astronomie

M. LE VERRIER

Sa vie et ses découvertes astronomiques.

Quand une science quelconque a fait un véritable progrès, les Annales ont toujours tenu à le faire connaître à leurs lecteurs; c'est pour cela qu'elles doivent consigner dans leurs pages la notice qu'un savant distingué, M. de Parville, a consacrée à la mémoire et aux découvertes de M. Le Verrier, notre grand astronome.

A. B.

<«< Comment pourrions-nous terminer cette chronique d'astronomie sans rendre un dernier hommage au savant illustre, au grand astronome que la France vient de perdre? Son nom appartient aujourd'hui à la postérité comme celui des Newton, des Clairaut, Euler, d'Alembert, Lagrange, Laplace, Poisson! Ses immenses travaux ont jeté un tel éclat sur notre pays, que nous devons le saluer comme une de nos plus grandes gloires nationales. Le Verrier est mort le 23 septembre 1877, à l'âge de 66 ans, des suites d'une maladie de foie qui le minait depuis de longues années. Depuis six mois, il était déjà gravement atteint et ne résistait que par un effort inconcevable d'énergie; il voulait mettre la main à son œuvre gigantesque, et la veille de sa mort il corrigeait encore des épreuves. Que de fois nous l'avons vu à l'Académie des sciences, momentanément vaincu par la souffrance, se coucher, abattu, livide sur les banquettes; puis se relever pour se recoucher encore, luttant sans cesse et profitant de ses moments de lucidité pour continuer le travail commencé. Il aurait certes pu dire avec le poëte: exegi monumentum ære perennius. « La mort, murmurait-il, » n'interrompra pas mon œuvre. Je l'ai achevée, elle est là » tout entière devant moi. » Et il s'est éteint satisfait d'avoir accompli sa tâche, confiant dans la vie future. C'est un grand

exemple à offrir en nos temps si troublés que le portrait de ce savant illustre entre tous. L'étude du ciel et la foi scientifique n'avaient fait que consolider en lui la foi vive du chrétien.

Le doyen des astronomes de notre siècle, M. Airy, directeur de l'observatoire de Greenwich, celui devant lequel s'inclinent tous les autres, a tenu à partager notre deuil. L'astronome royal écrivait le jour des obsèques : « Je suis probablement le

plus vieil ami scientifique de M. Le Verrier... J'ai appris » depuis longtemps à apprécier non-seulement sa haute valeur » intellectuelle, mais encore son grand caractère; c'est une » véritable satisfaction pour moi d'avoir possédé sa confiance. >> Un grand homme n'est plus ! »

On a souvent présenté M. Le Verrier comme capricieux, difficile et absolu. Il y a du vrai dans cette opinion; mais je crois qu'en général on n'a pas toujours rendu justice à son caractère; on l'a mal compris et souvent mal jugé. Il s'irritait des obstacles qu'on cherchait à amasser sous ses pas; pressé de faire toujours vite et bien, voyant devant lui l'immensité de son œuvre, il ne pouvait comprendre qu'on l'arrêtât par de vaines discussions ou par des taquineries infimes. Son esprit se révoltait devant ces luttes mesquines, et il ne cachait ni son impatience ni même sa colère. Il devenait alors entier, agressif, et se livrait à toute la fougue et à la violence de sa puissante nature. Mais quand l'obstacle était renversé, qu'on le laissait travailler en paix, il redevenait vite lui-même, obligeant, confiant, et d'un commerce agréable. Il souffrait trèsbien la contradiction, mais à la condition qu'elle lui fut présentée sans arrière-pensée, franchement; il discutait volontiers et si ce qui était rare il se trompait, il l'avouait sans détour. Après ses discussions à l'Académie, où il se montra quelquefois très-acerbe, il ne manquait pas de revenir luimème sur les quelques mots trop vifs qu'il avait pu prononcer; il poussa en effet très-loin le respect de l'Académie et le respect de lui-même. Ses quelques défauts pèseront bien peu dans la balance à côté de la grandeur des services qu'il a rendus à son pays.

L'œuvre de Le Verrier embrasse les progrès les plus saillants de l'astronomie mathémathique de notre temps. On nous

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