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socialisme, l'Amérique du Nord vous lit dans une traduction anglaise faite sous les auspices et la direction d'un illustre et savant métropolitain des États-Unis (1).

A ces faits qui sont notoires, je pourrais ajouter une foule de témoignages de sympathie, d'estime et de considération qui vous arrivent de très-loin, de très-haut, et parmi lesquels il en est que j'ai été chargé de vous transmettre de la part d'excellents juges en matière de doctrine. Enfin, je n'ai pas besoin de dire que, par votre conduite sacerdotale autant que par vós écrits, vous n'avez cessé d'acquérir de nouveaux droits à l'amitié et à la confiance des évêques et de tout le clergé de votre pays, et que, si elles pénètrent en Savoie, les diatribes de vos censeurs n'y recueilleront que le mépris du public, qui sait que chez vous l'homme et le prêtre est encore au-dessus de l'écrivain.

En voilà assez, Monsieur l'abbé, pour mettre votre orthodoxie in tuto. Si vous voulez m'en croire, vous supprimerez votre Avertissement, consacré tout entier à une réfutation superflue; et, en corrigeant dans de nouvelles éditions de vos ouvrages, non des erreurs qui ne s'y trouvent pas, mais les âpretés de style qui y sont, et que vous êtes le premier à reconnaître, vous ne perdrez pas le temps à écarter des mouches qui, incapables d'aller par elles-mêmes au bout de la carrière, veulent s'y faire porter par le coursier vigoureux qu'elles piquent.

Croyez aux sentiments affectueux de

Votre dévoué,

+ LOUIS, évêque d'Annecy.

Annecy, 1 mars 1853.

(1) Monseigneur Hughes, archevêque de New-York.

LA

PHILOSOPHIE

DU

CATÉCHISME CATHOLIQUE.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES.

PREMIÈRE QUESTION.

Si le catéchisme catholique offre les caractères de la véritable philosophie.

D. Que peut-il y avoir de commun entre la philosophie et le catéchisme catholique?

R. La philosophie n'a cessé de promettre aux hommes la vraie sagesse, soit la science universelle. En effet, le vrai sage serait un homme qui, supérieur aux préjugés et aux faiblesses vulgaires, réglerait en tout sa conduite d'après les pures lumières de la vérité et de la justice. C'est aussi ce que promet le catéchisme catholique; car ces deux mots, catéchisme catholique, dérivés du grec, signifient instruction universelle. Éclairer les hommes sur tout ce qu'il leur importe de savoir, tel est donc le but commun de la philosophie et du catéchisme catholique. Quant au résultat, il y a quelque différence.

Bien que la philosophie se soit mise à l'œuvre plusieurs siècles avant l'apparition du catéchisme catholique, et qu'elle ait rangé sous ses drapeaux des esprits très-capables, il ne paraît pas que sa guerre à l'ignorance humaine ait été jusqu'ici bien sérieuse. Depuis Thalès de Milet et Pythagore de Samos, qui fondèrent, il y a plus de vingtquatre siècles, nos deux premières écoles de philosophie, que d'écoles philosophiques l'Europe a vues naitre et mourir dans son sein! Toutes ont joui d'une existence plus ou moins longue et prospère; toutes ont eu des docteurs fameux qui ont rempli de leurs élucubrations de gros et nombreux volumes. Cependant, quand on cherche les erreurs que les philosophes ont détruites et les vérités qu'ils ont découvertes, on voit que l'on pourrait écrire les unes et les autres sur l'ongle du petit doigt.

Disputant sans fin sur tout, les uns niant ce que les autres affirment, affirmant ce qu'ils nient, ceux-ci renversant le lendemain ce qu'ils avaient élevé la veille, les philosophes non chrétiens en sont encore, comme aux jours de Thalès et de Pythagore, à discuter ces questions préliminaires : Qu'est-ce que la vérité? Qu'est-ce que la vertu ? S'ils ont appris quelque chose aux hommes, ça été l'art fatal de tenir tout dans le doute et le mépris, de ne faire aucune différence entre la vérité et l'erreur, la vertu et le vice (1). Or, quand un peuple en est là, il ne peut plus vivre.

Heureusement pour les peuples de l'Europe, ils possèdent depuis dix-huit cents ans un petit livre qui, répandant une merveilleuse lumière sur tout ce que la fausse philosophie a embrouillé, ne laisse sans réponse aucune des questions qui intéressent l'humanité. Tel est l'éloge que faisait

(1) Entre dix mille aveux de ce fait, dus à nos philosophes non chrétiens, citons celui de M. Pierre Leroux: « Dès mon enfance, dit-il, j'ai ouvert vos livres, ô philosophies; je m'en suis nourri vingt ans. Jamais Babel ne vit une plus grande confusion et tant de discorde. Au milieu de tous nos systèmes, rien n'est certain pour personne, que l'incertitude de toutes choses. » La Revue indépendante, t. Ier.

naguère du catéchisme catholique un philosophe qui avait cessé d'y croire (1).

Renfermer en quelques pages toutes les vérités dont la connaissance est nécessaire aux hommes, c'était déjà beaucoup. Mais joindre à une grande brièveté une lucidité non moins grande, et mettre ce livre à la portée des plus simples, c'était tenter l'impossible, du moins au dire de la philosophie. Nous voyons, en effet, que les soi-disant sages de l'antiquité ne croyaient pas à la possibilité d'initier à la sagesse le commun des hommes. Pythagore, vénéré comme un oracle par ses contemporains, n'eut jamais plus de quatre à cinq cents disciples, tous soumis à un rigoureux silence. Quoique moins exclusifs, Socrate, Platon, Aristote, Zénon, Cicéron, Sénèque, etc., ne confiaient leur doctrine qu'à un petit cercle d'élus, et ils tenaient pour incapables de sagesse le vulgaire des citoyens et la masse innombrable des esclaves. Aujourd'hui encore, les cours de philosophie ne sont accessibles qu'à une imperceptible minorité, tant on exige d'études préparatoires de ceux qui aspirent à les suivre.

Eu somme, la philosophie humaine, d'autant plus fière qu'elle se sent plus pauvre, a toujours dit : « Je suis le privilége du petit nombre. »

Tout autre a été la conduite des auteurs du catéchisme

:

(1) « Il y a un petit livre qu'on fait apprendre aux enfants, el sur lequel on les interroge à l'église lisez ce petit livre, qui est le catéchisme; vous y trouverez une solution de toutes les questions que j'ai posées, de toutes sans exception. Demandez au chrétien d'où vient l'espèce humaine, il le sait; ой elle va, il le sait; comment elle va, il le sait. Demandez à ce pauvre enfant, qui de sa vie n'y a songé, pourquoi il est ici-bas et ce qu'il deviendra après sa mort, il vous fera une réponse sublime..... Origine du monde, origine de l'espèce, question de race, destinée de l'homme en cette vie et en l'autre, rapports de l'homme avec Dieu, devoirs de l'homme avec ses semblables, droits de l'homme sur la création, il n'ignore rien; et, quand il sera grand, il n'hésitera pas davantage sur le droit naturel, sur le droit politique, sur le droit des gens; car tout cela sort, tout cela découle avec clarté et comme de soi-même du christianisme. Voilà ce que j'appelle une grande religion; je la reconnais à ce sigue, qu'elle ne laisse sans réponse aucune des questions qui intéressent l'humanité. » M. Jouffroy, Mélanges philosophiques, p. 424.

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