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les degrés de latitude et de longitude, et indiquez-moi un pays où le voyageur catholique ne retrouve pas sa famille religieuse et les deux merveilles que lui fit connaître sa mère : le catéchisme et le prêtre de Rome. Interrogez sur l'histoire de sa religion nos enfants bien instruits de leur catéchisme; sans avoir lu le Discours sur l'Histoire universelle, ils vous diront comment ils professent la même foi que l'universalité des hommes de bonne volonté depuis Adam jusqu'à nous (1).

J'ai appelé merveilles le catéchisme et le prêtre de Rome. Je n'ai plus besoin de vous montrer les impossibilités humaines que présentent, dans sa création et sa conservation à travers les siècles, ce catéchisme catholique, universel, que nous voyons aux mains, et de Constantin le Grand, qui y étudie ses devoirs de chrétien et de prince, et des esclaves de son empire, qui y lisent leurs titres de noblesse; que nous voyons plus tard aux mains des barbares, qui, après l'avoir cent fois jeté au feu, y apprennent « à brûler ce qu'ils ont adoré, à adorer ce qu'ils ont brûlé; » que nous voyons aux mains des Charlemagne, des Alfred le Grand, des saint Louis, de leurs grands et petits vassaux, de la plèbe innombrable de leurs serfs; catéchisme que Louis XIV lit à Versailles, protége chez les catholiques de l'Orient, propage chez les infidèles policés de l'Asie et les tribus sauvages de l'Amérique, par l'appui qu'il donne aux mis

(1) « Quelle consolation aux enfants de Dieu! s'écrie Bossuet; mais quelle conviction de la vérité, quand ils voient que d'Innocent X1, qui remplit aujourd'hui si dignement le premier siége de l'Eglise, on remonte sans interruption jusqu'à saint Pierre, établi par Jésus-Christ prince des apôtres; d'où, en reprenant les pontifes qui ont servi sous la loi, òn và jusqu'à Aaron et jusqu'à Moïse, de là jusqu'aux patriarches, et jusqu'à l'origine du monde. Quelle suite! quelle tradition! quel enchaînement merveilleux! Si notre esprit, naturellement incertain, et devenu par ses propres incertitudes le jouet de ses propres raisonnements, a besoin, dans les questions où il y va du salut, d'être fixé et déterminé par quelque autorité certaine, quelle plus grande autorité que celle de l'Église catholique, qui réunit en elle-même toute l'autorité des siècles passés, et les anciennes traditions du genre humain, jusqu'à sa première origine! » Conclusion du Disc. sur l'Hist. univ.

sionnaires; catéchisme que Napoléon, aux jours de sa gloire, donne pour fondement au système éducationnel de son université, et qu'aux jours de l'infortune, il médite à Sainte-Hélène, et prend pour base de sa paix avec Dieu et le monde.

Il me reste à vous dire un mot du prêtre catholique, qui est, pour moi, la plus grande des impossibilités; car il est le catéchisme vivant, le catéchisme en chair et en os.

Si cela vous paraît une exagération, apprenez-moi comment il est arrivé jusqu'à nous, enfants du dix-heuvième siècle, cet homme qui, depuis sa sortie du cénacle de Jérusalem (vers l'an 32), a tant de fois vérifié la parole prophétique du Maître qui l'envoyait : Tu seras odieux à tous, à cause de mon nom (1).

Dites-moi comment ce proscrit de toutes les puissances de la terre a vu, sur sa route, les plus superbes potentats humilier leur front sous sa main et lui dire : Bénissez-moi, mon père, et faites ma paix avec Dieu! comment, après s'être dérobé des milliers de fois, par la fuite, à la fureur des multitudes, il est revenu des milliers de fois, porté en triomphe sur le bras des multitudes; comment, alors même que sa tête est mise à prix, il voit la tanière qu'il partage avec les bêtes fauves, assiégée par des masses avides de sa parole.

Expliquez-moi comment de cette bouche, qui n'est pas souvent très-éloquente, il sort toujours des paroles qui font trembler les rois et leurs généraux les plus braves; des paroles qui changent le cœur des courtisans, qui rendent à la vertu les courtisanes; des paroles qui inspirent la patience et le pardon à l'innocent qui succombe, le repentir et la résignation au coupable qui monte à l'échafaud; - comment, sous le coup de la persécution, il y monte lui-même du même pas qu'il va à l'autel; -comment son caractère n'en souffre pas quand le criminel qu'il

(1) S. Matthieu, X, 22.

dispose à subir la peine de ses forfaits est un autre luimême... un prêtre !

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Expliquez-moi, enfin, comment dans l'âme de cet homme, humainement assez étroite, il y a toujours des prières, des bénédictions, des bienfaits, pour ceux qui l'ont le plus cruellement calomnié, maudit, persécuté; comment, quand il rentre dans un pays fumant encore du sang sacerdotal, il accourt, sur un signe, au chevet des bourreaux, et, après quelques soins, leur dit avec l'accent de la foi Partez, âmes chrétiennes, et, comme le grand apôtre Paul, d'abord persécuteur de l'Église de Jésus-Christ, et teint du sang de ses ministres (1), allez avec confiance trôner au ciel, près des martyrs que vous y avez envoyés!

Assez pour servir de texte à vos réflexions sur l'Église catholique. Que si, vos réflexions faites, vous restiez dans le doute sur la main qui a fondé et conservé la plus étonnante, la plus impossible (humainement parlant) des institutions sublunaires, ne serais-je pas en droit de vous adresser, avec un léger changement, le mot de Napoléon à son interlocuteur de Sainte-Hélène. « Si vous ne comprenez pas que l'Église catholique est divine, eh bien, j'ai eu tort de vous prendre pour un esprit capable de philosophic(2). »

(1) Acles des apôtres, VII, 57.

(2) Voy. Deuxième fait, ch. 1.

QUATRIÈME FAIT.

L'EXISTENCE DES HOMMES.

CHAPITRE I.

Que les hommes que Dieu a créés ne ressemblent en rien aux hommes inventés par l'esprit moderne.

D. Quels sont ces hommes inventés par l'esprit moderne?

R. La description en serait longue; bornons-nous aux traits les plus saillants.

Vous aurez lu sans doute dans quelques-uns des deux ou trois mille volumes où notre jeunesse universitaire apprend la religion, la philosophie et l'histoire, que le seizième siècle éclaira la plus heureuse des révolutions : l'émancipation de la pensée humaine. Ce prodige fut l'œuvre d'un moine saxon qui eut le courage de jeter aux orties et son froc et la guimpe de la religieuse qu'il se donna pour femme. Les hommes, jusque-là esclaves et ne pouvant penser que sous le bon plaisir du pape, reprirent l'usage de leur raison, là du moins où le catholicisme ne put pas étouffer la liberté nouvelle.

Si, depuis lors, les hommes sortent encore du néant (ce que l'esprit moderne n'examine pas, tant cette question est bigote!); s'ils naissent encore d'une femme et doivent vagir longtemps dans un berceau (ce qui est possible); rien du moins en eux n'aunonce la faiblesse et la misère des enfants du moyen âge. Ils arrivent investis par la nature des droits les plus précieux : ils sont les égaux de leurs pères et mères, des chefs religieux et civils de l'État qu'ils daignent honorer de leur présence; ils sont, par le fait même de leur existence, pontifes et rois. Il se peut qu'ils éprouvent des besoins physiques; soignez donc leur corps, c'est leur

droit, c'est votre devoir. Quant à leur âme (supposé qu'ils en aient une, de quoi nos libres penseurs ne sont pas trèsconvaincus), elle porte en soi la lumière des lumières, l'autorité des autorités, l'unique autoritė: la raison. S'il y a un Dieu (ce qui peut être comme n'être pas), et que, par hasard, il ait voulu donner une loi morale aux hommes, soyez sûr qu'il l'aura gravée, cette loi, dans la conscience de l'enfant. Gardez-vous donc d'obscurcir, de gâter la conscience de vos enfants par des doctrines prétendues révélées. Il leur faut de l'instruction, mais une instruction distribuée par les maitres que la philosophie et l'État ont préparés à la sublime mission de former de grands penseurs et de grands citoyens.

Depuis la bienheureuse transformation opérée par l'esprit moderne, les hommes sont-ils encore sujets aux maladies, à la mort? Question encore trop niaise pour fixer l'attention de nos libres penseurs. S'ils ne l'abordent pas de front, ils ne laissent pas de la résoudre négativement, en nous imposant une tâche qui interdit la pensée même de la mort. En effet, ces messieurs veulent que chacun de nous se crée une religion, une philosophie, une politique domestique, nationale, humanitaire. Ce que nous trouvons de fait et de conclu en cette matière, à notre entrée dans le monde, est sujet à révision. La liberté d'examen veut qu'à l'exemple du grand Descartes, nous rejetions provisoirement tout cela comme pouvant être l'œuvre des réjugés, et que nous n'admettions rien que sous la garantie de l'évidence.

Or, je le demande à tout homme de bon sens, ne faut-il pas au moins quelques siècles pour expédier cette besogne?

Si, pour être chrétien, je dois créer mon christianisme à l'aide de la Bible, comme le veut le glorieux libérateur Luther, comme le veulent encore tant de ses dociles ouailles, quel labeur ! Il y a trente ans que j'étudie la Bible, et pourtant je me reconnais incapable d'y trouver un christianisme supérieur au christianisme catholique. Celui-ci, quoi qu'on

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