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notre corps, il a dit aux archanges et aux anges: Allez au secours de vos frères terrestres, et accompagnez-les dans toutes leurs voies (1). N'y a-t-il pas là de quoi me consoler de l'abandon des hommes ?

Vous le voyez, le premier article du symbole met à l'abri du désespoir l'àme la plus maltraitée par les orages du monde.

Je crois en Dieu le Père tout-puissant...! Quelle consolation pour le père, pour la mère de famille, nés près de l'indigence ou tombés là par suite de nos commotions! Quel puissant moyen d'expliquer à leurs enfants la dureté de leur condition, de la leur faire accepter sans murmure, en présence de conditions meilleures! Surtout, quelle irremplacable consolation pour les uns et les autres, alors qu'une mort précoce vient ravir à une nombreuse famille son appui terrestre! Le mourant ou la mourante dit à ceux qui restent : Le Père tout-puissant m'appelle; ayez confiance, mes enfants; il n'oubliera pas le titre qu'il s'est donné de Pére des orphelins (2) !

La foi au premier article du symbole est donc le meilleur préservatif des familles pauvres contre le découragement, les suggestions de l'envie et des autres vices qui font le socialisme. Vous pouvez voir aussi que ce serait le meilleur remède à une autre cause du socialisme : l'insensibilité du riche.

Je crois en Dieu le Père tout-puissant...! Quel frein pour quiconque exerce à quelque degré un de ces pouvoirs que Dieu n'a établis que pour le bien de ses enfants!

(1) Ps. XC, 11.
(2) Ps. LXVII, 6.

ARTICLE II.

ET EN JÉSUS-CHRIST, SON FILS UNIQUE, NOTRE-SEIGNEUR.

S Ier.

Et en Jésus-Christ.

D. Que signifient ces mots Jésus-Christ?

R. Jésus signifie Sauveur; Christ, oint ou sacré. Par ces deux titres réunis, le catholique professe que Jésus-Christ est le Sauveur de tous les hommes, leur pontife et roi éternel. Il y a là tout le plan de Dieu dans la création de l'homme et dans sa régénération. Donnons-en un aperçu.

Dieu, voulant faire l'homme à son image et ressemblance, dut le marquer d'abord au coin de l'unité. De là la formation d'un seul individu humain (Adam), à qui il donne l'investiture de la terre et la loi sous laquelle il la possédera. Ce n'est qu'après l'avoir ainsi formé, instruit et sacré, qu'il lui unit la compagne qui doit l'aider à couvrir la terre de ses générations; et cette compagne est l'os des os, la chair de la chair d'Adam (1).

Dans le dessein de Dieu, le premier homme n'était donc pas simplement un homme; c'était l'homme par excellence, le représentant de l'humanité entière, le pontife divinement chargé de communiquer à toute sa race l'héritage de la loi de vie (2), le roi investi de toute la puissance nécessaire au bon gouvernement de son innombrable famille. En restant fidèle à sa mission, Adam eût conservé à jamais sa double dignité; car le ciel n'est pas la déchéance, mais l'éternelle exaltation et glorification des pontifes et des rois selon le cœur de Dieu.

Adam prévarique et entraîne dans sa chute la nature

(1) Genèse, II, 23.

(2) Ecclésiast., XVII, 9.

humaine qu'il représente, et qui est même physiquement renfermée dans sa personne. Dans le plan de restauration, Dieu maintient le principe de l'unité de la famille humaine et du gouvernement des hommes par l'homme. Mais il ne s'agit plus seulement de diriger les hommes dans les voies de la justice; ils sont fourvoyés, dégradés, corrompus : avant tout, il faut les régénérer. Or ce n'est pas là l'œuvre d'un pur homme. Le Fils unique de Dieu deviendra donc le Fils de l'homme, l'Adam nouveau, l'homme par excellence, le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisedech, le roi à qui toutes les nations avec leurs rois seront données en héritage. Mais il y a une condition préliminaire à remplir c'est qu'il soit le Sauveur des hommes. La croix, tel est l'emblème de son sacerdoce, de sa royauté, et, comme il le dit lui-même, ce ne sera que lorsqu'il y aura été élevé, qu'il attirera tout à lui, et sera reconnu comme le pontife éternel de nos âmes, le roi des rois, et le dominateur de ceux qui dominent (1).

Vous voyez donc que ce nom adorable de Jésus-Christ contient en abrégé l'histoire de la création de l'homme, de sa chute, et le plan de la sagesse divine dans l'œuvre, soit de notre création, soit de notre rédemption.

D. Oui, et voilà encore un de ces mystères que notre pauvre raison a grand'peine à digérer le péché originel. Pécher avant d'être, quelle absurdité! Périr tous par la faute d'un seul, quelle iniquité! s'écrient tous les libres penseurs.

R. Je vous remercie d'avoir si bien quintessencié les objections des libres penseurs contre le péché originel. La première n'est qu'un fruit de leur ignorance. Le catéchisme catholique a toujours soigneusement distingué le péché originel du péché actuel. Le péché actuel est le péché propre de notre personne, quand nous violons la loi de Dieu avec connaissance de cause. Le péché originel n'est pas notre

(1) Saint Jean, XII, 32; Apocal., XIX, 16.

péché personnel, mais le péché de la nature humaine, dégradée, viciée, corrompue dans son chef Adam. Transmise par le canal mystérieux de la génération, cette nature nous apporte la souillure qu'elle a contractée dans notre premier père. Qu'y a-t-il là qui révolte la raison et qui implique cette absurdité: Pécher avant d'ètre?

Sans doute, nous ne comprenons pas comment notre âme, créée hier par Dieu, est souillée par le contact du corps qui nous vient d'Adam. Cela tient à notre parfaite ignorance des mystérieux rapports que Dieu a établis entre notre àme et notre corps, et entre le premier homme et toute sa descendance. Mais, si cachés qu'ils soient, ces rapports existent et ne peuvent être niés. Notre âme est tyrannisée par le corps, et la vie nous arrive par cette longue chaîne de générations, qui remontent visiblement de nous au premier couple humain. Cela étant, est-il donc si incroyable que, enfants de l'homme terrestre (terrassé, collé à la terre par le péché), comme dit saint Paul, nous naissions tous à l'image de notre père (1)?

Et puis, dites-moi, le fait n'est-il pas là à l'appui du dogme? Le mystère du péché originel ne se déroule-t-il pas toujours sous nos yeux? Les raisonnettes des libres penseurs l'auraient-ils par hasard aboli?

D. Loin de là; il se pourrait, comme vous l'avez dit quelque part, qu'un des meilleurs arguments du péché originel, ce fût la conduite de ceux qui le nient.

R. En cela, je n'ai dit que ce que chacun doit voir. Si quelque chose pouvait faire douter du fait de notre corruption native, originelle, ce serait le spectacle des bons, des parfaits chrétiens, qui, formés dès le berceau à l'amour de Dieu et des hommes, font de leur vie un tissu de bonnes œuvres. Cependant, interrogez ces anges, vous verrez qu'ils ne conservent pas le moindre doute sur le péché originel et ses tristes suites. Personne mieux qu'eux ne comprend, ne

(1) Prem, ép. aux Corinth., XV, 49.

sent les deux hommes qui sont en nous, l'homme que Dieu a créé, l'homme que le péché a engendré, et la terrible influence que celui-ci exerce sur celui-là. Ils confessent d'esprit et de cœur cette malice originelle qu'ils ont abolie dans leurs œuvres, tandis que les incrédules démontrent à tous par leurs œuvres ce qu'ils nient dans leurs paroles. Admettons des exceptions tant que vous voudrez, mais ne reconnaissez-vous pas la masse à ce portrait tracé par un grand maître Ils sont corrompus, abominables dans leurs convoitises... Leur gosier est un sépulcre ouvert, leur langue un instrument de mensonge, leurs lèvres distillent le venin de l'aspic; la malédiction et la haine s'exhalent de leur bouche; leurs pieds sont des ailes quand il s'agit d'aller répandre le sang...; et ils ne flattent le peuple que pour le dévorer comme une bouchée de pain (1)!

Quant à l'autre objection: « Périr tous par la faute d'un seul, quelle iniquité!» sa solution exige des développements que j'ai donnés ailleurs et que je ne peux reproduire ici (2). Une scule réflexion.

La solidarité humaine, dont les libres penseurs nous parlent beaucoup sans savoir ce que c'est, n'est pas un vain mot c'est la loi constitutive de l'humanité (unité des humains). S'il existe une telle solidarité entre une nation et son chef politique, que celui-ci puisse, en telles circonstances, la sauver ou la perdre, le Créateur n'aurait-il pas pu, sans blesser la justice, établir une solidarité bien plus étroite entre Adam et cette famille humaine dont il était le chef naturel, le chef religieux et politique? Et cette solidarité une fois admise, le chef pouvait-il tomber sans que la chute de la famille ne s'ensuivit? Pour le philosophe sérieux, la question est toute en ceci : Dieu avait-il le droit de faire de tous les individus humains une seule famille, au risque de les voir se corrompre, s'égarer les uns les autres,

(1) Psaume XIII, 1-4.

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(2) V. Science de la vie, t. I, leçons XXI-XXVI.

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