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l'Apôtre Il s'est humilié lui-même en se faisant obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix; c'est pourquoi Dieu l'a élevé et lui a donné un nom qui est au-dessus de tous les noms, afin que, au nom de Jésus, tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers (1).

D. Serait-il contraire à la foi de dire que le Christ s'étant chargé d'acquitter la dette des hommes dans toute son étendue, il pouvait entrer dans le plan de réparation que le gérant de l'humanité souffrit momentanément la peine de l'enfer ?

R. Oui, certes; et sur quoi fonderiez-vous cette opinion qui soulève d'horreur la conscience chrétienne? Dans un hymne, que l'Église invite le prêtre à réciter chaque jour après le saint sacrifice, il est dit qu'une petite goutte du sang de Jésus-Christ eût suffi à purifier tout le monde de ses iniquités (2). La raison elle-même, bien consultée, ne juget-elle pas qu'une humiliation, qu'une souffrance quelconque du Dieu-Homme était d'une valeur infinie? Que si le divin Sauveur, au lieu d'une goutte, a voulu répandre tout son sang et épuiser le calice des plus affreuses humiliations et souffrances, ce n'a pas été précisément parce que la justice divine exigeait tout cela, mais parce qu'il ne fallait rien moins que tout cela pour triompher de notre sensualisme, de notre profonde antipathie pour les œuvres d'expiation et de pénitence. Après ce mot de la victime expirante : Tout est consommé! à quoi aurait servi cette réprobation momentanée du Fils de Dieu, cette dégustation des peines éternelles, et, par conséquent, du désespoir des damnés, lequel est la plus terrible de leurs peines? Laissez donc cette abominable idée au plus noir théologien du protestantisme, à Calvin, qui l'a soutenue, en effet, dans son Institution chrétienne (lib. II, c. 16).

(1) Ep. aux Philipp., II, 8-10.

(2)

Cujus una stilla salvum facere

Totum mundum quit ab omni scelere.

(Rhythmus S. Thomæ Aquin., in Missali Rom.)

S II.

Et le troisième jour est ressuscité d'entre les morts.

D. Voilà encore un grand mystère, mais qu'il n'est pas facile de contester une fois que l'on a admis les autres.

R. Oui, vous devez comprendre que les mystères de la foi chrétienne forment un tout indivisible, et que, pour en repousser un, il faut les repousser tous, même le premier, qui n'est pas le moins profond : le mystère d'un Dieu éternel, infini. Il faut se renfermer dans le scepticisme absolu. Alors on est vraiment libre penseur, c'est-à-dire un poltron qui, par crainte de la vérité, ne pense pas en religion et se barricade dans son ignorance.

Le mystère de la résurrection de Jésus-Christ est la conséquence nécessaire du mystère de l'incarnation et de la rédemption. Le Fils de Dieu ne s'est fait homme et ne s'est livré à la mort de la croix que pour expier dans sa chair et abolir les iniquités qui plaçaient les hommes sous l'arrêt de la double mort de l'âme et de la chair pour le temps et pour l'éternité. L'œuvre de l'expiation achevée, ne fallait-il pas que cette chair lacérée sur la croix et descendue sans vie dans le tombeau, pour le salut de tous, en sortit pleine d'une vie nouvelle, d'une vie divine, glorieuse, impérissable, pour dire à tous : Courage! Le Christ est ressuscité d'entre les morts, comme prémices de ceux qui dorment encore dans la poussière; car, puisque la mort est par un seul homme, la résurrection des morts est par un seul homme, et de même que tous meurent en Adam, tous seront vivifiés en Jésus-Christ; mais chacun en son rang, d'abord le Christ comme prémices, ensuite ceux qui sont du Christ (1).

La résurrection de Jésus-Christ, comme preuve de sa divinité et gage de notre résurrection, est la clef de voûte du système chrétien. Si le Christ n'est point ressuscité,

(1) Saint Paul, Prem. ép. aux Corinth., XV, 20-23.

disait saint Paul, vaine est notre prédication, et vaine aussi est votre foi (1).

Le doute sur ce point ébranle tout l'édifice de la foi, et tue la vertu, cette divine énergie de l'âme qui la rend supérieure à la tyrannie des sens et lui fait dire au corps : Marche, pauvre aveugle, dans la voie des commandements, la seule qui puisse te préserver des souffrances éternelles et te conduire à la vie et aux jouissances qui ne finissent pas ! La résurrection morale des hommes n'est possible que par une foi vive à la résurrection de la chair, comme nous le verrons à l'article onzième.

ARTICLE VI.

QUI EST MONTÉ AUX CIEUX, EST ASSIS A LA DROITE DE DIEU LE PÈRE TOUT-PUISSANT.

§ unique.

D. Faut-il prendre à la lettre ces mots : Assis à la droite du Père?

R. Non; tous les catéchistes expliquent aux enfants le sens de ces expressions métaphoriques, en leur disant: On représente Notre-Seigneur assis, parce que, selon notre manière de voir, c'est l'attitude qui exprime le glorieux et éternel repos du Sauveur après sa laborieuse mission; l'attitude convenable au juge, au souverain, surtout au souverain tout-puissant, qui n'a pas besoin de se lever, d'aller, de venir, pour voir ce qui se passe et veiller à l'exécution de ses ordres. Le Père, comme pur esprit, n'a ni droite ni gauche; mais la droite, selon nos usages, étant la place d'honneur, par ces mots : Assis à la droite du Père, le Symbole nous dit que Jésus-Christ est l'égal du Père et du

(1) Saint Paul, Prem. ép. aux Corinth., XV, 14.

Saint-Esprit, et que, par l'indissoluble union de son humanité à la divinité dans la personne du Verbe, le DieuHomme règne avec une puissance absolue, illimitée, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers.

Bornons-nous à remarquer la force morale que l'âme du croyant puise dans la méditation de cet article.

Nous l'avons observé, et chacun le sent en soi, les hommes sont plus faibles que méchants. L'âme gémit sous le poids du corps, et accepte trop souvent le joug ignoble de ce serviteur qu'elle doit gouverner. Le corps est sous la fascination des corps. Tout l'homme est sous la pression intérieure de ses mauvais penchants et sous la pression extérieure des autres hommes; et de toutes les pressions, la plus terrible, celle qui fait le plus de victimes, c'est l'oppression du respect humain.

Quel est le remède? Il y en a plus d'un; mais le remède irremplaçable, celui qui seul rend efficaces les autres, c'est la pensée habituelle du vainqueur de la chair, du monde et de l'enfer, assis à la droite du Père tout-puissant.

Il me voit! Nulle obscurité ne peut lui dérober mes pensées les plus intimes, mes désirs les plus secrets! Voilà le mal étouffé dans son berceau : la pensée, le désir.

Il m'aime, il m'a assez aimé pour sacrifier sa gloire et sa vie pour moi! Ne dois-je pas lui faire le sacrifice qu'il aime le plus, le sacrifice de ces petites et si vaines satisfactions de l'orgueil, de l'envie, de l'avarice, de la sensualité, etc.?

Il est tout-puissant! Qu'ai-je donc à redouter, alors même que l'univers entier se soulèverait contre moi? Je peux tout dans celui qui me fortifie (1).

Il règne, il régnera éternellement, le Dieu-Homme tombé au Calvaire au-dessous du dernier des hommes ! Si je veux être glorifié et régner avec lui, il n'y a qu'un moyen : m'humilier et souffrir avec lui (2).

(1) Ép. aux Philipp., IV, 13. (2) Deux. ép. à Tim., II, 12.

C'est par la méditation habituelle du sixième article que l'âme chrétienne triomphe de ses faiblesses et devient toutepuissante contre les séductions de la chair et du monde.

ARTICLE VII.

D'OU IL VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS.

§ unique.

D. De quel jugement est-il ici question?

R. Selon la foi chrétienne, deux jugements nous attendent le jugement particulier, qui fixe le sort de chacun au sortir de cette vie; le jugement universel, qui aura lieu à la fin des siècles, selon ces paroles de Jésus-Christ : Quand le Fils de l'homme viendra dans l'éclat de sa gloire et environné de tous ses anges, il s'assièra sur le trône de sa majesté ; et toutes les nations seront assemblées devant lui, et il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs; et il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite: Venez, les bénis de mon Père, etc. (1).

Le jugement particulier étant admis par tous les hommes, fidèles ou infidèles, qui reconnaissent l'existence d'un ou de plusieurs dieux, et, ne pouvant être rejeté que par les athées ou les panthéistes, il n'était pas nécessaire de l'insérer dans le Symbole; mais il importait d'y exprimer la foi au jugement universel, dogme qui appartient en propre au christianisme. C'est ce que l'on a fait par le septième article.

D. Après un jugement particulier dans lequel la justice divine aura rendu à chacun selon ses œuvres, on ne voit pas la raison d'un jugement universel.

(1) Saint Matthieu, XXV, 31-46.

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