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R. Nous ne verrions pas cette raison, que nous n'en devrions pas moins croire au jugement universel, fondé sur la parole de Jésus-Christ, qui doit être pour le chrétien la raison des raisons. Dans l'ignorance parfaite où nous sommes du plan de la Sagesse éternelle dans la création du monde, il y aurait impiété et sottise à vouloir contrôler les actes de son gouvernement, tels qu'il lui a plu de nous les révéler.

Mais est-il bien vrai qu'il n'y ait rien dans notre conscience qui réclame les grandes assises de l'humanité entière présidée par son divin chef? En vous interrogeant vousmême, en interrogeant les autres, vous entendrez en maintes circonstances sortir de votre cœur, sortir du cœur de tous les opprimés, un appel au jugement qui redressera tous les jugements. Cet appel, l'Écriture nous dit qu'il est répété dans le ciel par les âmes de ceux qui ont été immolės pour rendre témoignage à la parole de Dieu : « Jusques à quand, Seigneur saint et vrai, diffèrerez-vous de nous juger et de demander compte de notre sang aux habitants de la terre (1)? » L'âme injustement flétrie par le jugement des hommes veut être réhabilitée devant les hommes. Ce désir a été gravé dans notre cœur par celui qui a dit : Aie soin de ta répulation, car elle est le plus précieux des trésors (2). Ce désir doit donc être satisfait.

Invoqué par la conscience humaine, le jugement universel est encore un corollaire du système divin dans la création et le gouvernement des hommes, tel que nous le présente la philosophie chrétienne. Pour comprendre cela, il vous suffira de méditer ce principe, que Dieu n'a pas entendu créer seulement des âmes et des individus humains, mais une famille dont tous les membres fussent étroitement unis et solidaires entre eux.

D. Je ne vois pas quel rapport il y aurait entre ce principe et le jugement universel.

(1) Apocalypse, VI, 9, 10. (2) Ecclésiast., XLI, 15.

R. Ce rapport, le voici : 1o Dieu n'a pas seulement créé des âmes, mais des âmes unies à des corps et formant ainsi des hommes. Au jugement particulier, l'âme intervient seule, séparée de son complice dans le bien et dans le mal. Il est donc convenable qu'il y ait un jugement où tout l'homme paraisse, afin de recevoir dans son corps le résultat de ses œuvres, soit dans le bien, soit dans le mal (1).

2o Dieu n'a pas créé des individus isolés, indépendants, mais il a voulu procréer, élever, gouverner les hommes par les hommes, afin que tous, depuis Adam jusqu'au dernier en date des humains, ne fissent qu'une seule famille unie par les liens de l'esprit et du sang. Les membres de cette famille ne doivent-ils pas se rencontrer un jour pour se voir, se reconnaître? Cette rencontre est impossible dans le monde actuel, où, apparus entre cent générations éteintes et cent générations à venir, nous vivons et mourons inconnus à l'immense majorité de nos contemporains. Cette rencontre est encore impossible dans les demeures éternelles, divisées en deux séjours entre lesquels la justice divine a creusé un infranchissable abîme. Rien donc de plus convenable que la réunion de la famille humaine au grand jour qui clora le temps et ouvrira l'éternité.

Cette réunion n'est pas seulement une satisfaction due au sentiment qui relie entre eux tous les membres de l'humanité; elle est encore une exigence impérieuse de la justice divine et humaine.

Nous profitons tous des travaux et des bienfaits des générations qui ne sont plus, comme aussi nous souffrons des maux qu'elles nous ont légués. Cet héritage des biens et des maux, nous le transmettons, grossi de nos vertus et de nos désordres, aux générations qui nous suivent. N'est-il pas juste que, au jour des rétributions, chacun de nous rende hommage à tant de bienfaiteurs inconnus ou calomniés, et élève la voix contre les auteurs d'une infinité de méfaits

(1) Saint Paul, Deux. ép. aux Corinth., V, 10.

ignorés ou travestis en actions vertueuses? N'est-il pas juste que chacun de nous voie dans ses arrière-fils ou neveux la longue moisson des vertus et des vices qu'il aura semée, et en reçoive sa légitime part d'éloge et de blame?

Mais le bienfaiteur le plus méconnu, le plus calomnié, quel est-il? C'est le Dieu créateur, conservateur et rédempteur de la famille humaine. Quel torrent de blasphèmes, depuis ceux que Satan fit goûter à Ève jusqu'à ceux que l'Antechrist fera goûter à ses dupes! Au sein même des enfants de Dieu, que de plaintes, que de murmures, que de jugements injurieux à la sagesse, à la bonté infinie! Une grande réparation est indispensable. A la lumière qui dévoilera à chacun tous les mystères de la politique divine, il faudra que les anges et les saints qui seront à la droite, que les démons et les réprouvés qui seront à la gauche, s'écrient d'une commune voix: Seigneur, vos jugements sont infiniment justes; vous êtes la lumière pure de toutes ténèbres, la sainteté et la bonté exemptes de tout mal; tous les biens nous sont venus de vous: les maux sont exclusivement notre œuvre ; et que n'avez-vous pas fait pour en tarir la source!

Enfin, le chef éternel de l'humanité veut être justifié et glorifié dans ses saints. Comme il associe à l'œuvre de la rédemption universelle, non-seulement le pontife et le prétre, mais les pères et mères selon l'esprit et la chair, et les dépositaires quelconques du pouvoir, il veut que tous concourent au jugement, selon la part que chacun aura prise à l'œuvre divine par excellence de l'éducation des hommes. Autour des douze trônes promis à ses apôtres, il y aura donc d'autres siéges pour ceux qui auront secondé, continué l'œuvre apostolique, et l'Écriture nous dit que cette gloire est réservée à tous ses saints (1).

Au premier jugement, les justes et les coupables sont également jugés. Au dernier jugement, les justes seront admis à juger selon la justice ceux qui les jugent ici-bas selon

(1) Ps. CXLIX, 9.

l'iniquité. Ils formeront le jury du grand juge, et jouiront ainsi des prémices de l'éternelle royauté qu'il a promis de partager avec eux (1).

En voilà assez, je pense, pour vous faire voir comment l'article du jugement universel se rattache aux autres articles de la foi catholique.

D. Plus qu'un mot. Que doit-on entendre par les vivants et les morts?

R. Par vivants, on entend les justes qui passent de ce monde à l'autre dans l'état de grâce, c'est-à-dire animés du principe divin de la charité, qui nous fait aimer Dieu par-dessus tout, et le prochain comme nous-mêmes. Par morts, on entend ceux qui paraissent devant Dieu sans cet amour; car il est écrit: Celui qui n'aime pas, demeure dans la mort (2). C'est aussi ce que Jésus-Christ nous donne à comprendre, quand, dans le récit anticipé du jugement universel, il ne fait porter la discussion que sur les œuvres de la charité: J'ai eu faim, j'ai eu soif, etc., et vous m'avez donné à manger, à boire, etc.; venez donc, les bénis de mon Père, etc. — J'ai eu faim, j'ai eu soif, etc., et vous êtes restés insensibles; allez donc, maudits, etc.

Je finis par une réflexion sur l'effet moral du septième article.

Que de pensées coupables, que d'intrigues criminelles, que d'injustices, que de haines, que de vengeances seraient prévenues par une foi yive au grand jour des manifestations et des réparations! Que de misères morales et matérielles seraient, les unes détruites, les autres soulagées, par la méditation des deux sentences qui sépareront à jamais les bons des méchants! Il n'en faudrait pas davantage pour mettre fin à nos révolutions, qui toutes naissent de nos iniquités, de l'impatience de nos misères, et ne font qu'en redoubler le poids sur nos tètes.

(1) Saint Matthieu, XIX, 28.

(2) Saint Jean, Prem. ép., III, 14

ARTICLE VIII.

JE CROIS AU SAINT-ESPRIT.

§ unique.

D. Que professons-nous par cet article?

R. Nous professons d'abord notre foi à l'existence du Saint-Esprit. Nous reconnaissons qu'il y a en Dieu une troisième personne qui procède éternellement et du Père et du Fils, qui n'est ni le Père ni le Fils, mais qui, égale en tout à ces deux personnes, complète l'Etre divin, et constitue, avec le Père et le Fils, le Dieu infini en puissance, en intelligence, en amour. Nous appelons cette personne l'EspritSaint, 1o parce qu'elle est ainsi désignée dans l'Évangile ; 2o parce que ces mots expriment la manière dont elle procède. Amour substantiel du Père et du Fils, la troisième personne est comme le soupir, l'aspiration de l'un vers l'autre ; de là le mot Esprit. En unissant le Père au Fils par l'amour, l'Esprit complète la sainteté, c'est-à-dire la perfection de l'être divin, laquelle consiste dans l'unité de l'Ètre tout-puissant, tout-intelligent, tout-aimant ; de là le nom de Saint.

Nous professons encore, par l'article huitième, notre foi à tout ce que Jésus-Christ et ses apôtres nous ont dit de la mission et des œuvres du Saint-Esprit parmi les hommes. D. En quoi consistent cette mission et ces œuvres?

R. Pour vous donner une juste idée de cette mission et de ces œuvres, sans entrer dans des détails qui se trouvent dans les catéchismes un peu développés, voici ce que je dirai:

Consommateur de la sainteté divine, dans le sens que nous venons de voir, l'Esprit-Saint est considéré comme l'initiateur et le consommateur de toute sainteté parmi les hommes; de là les titres d'Esprit sanctificateur, vivifiant, que lui donne l'Église.

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