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pellent le jour du jugement final et la restitution du sang qu'ils ont versé pour le témoignage (1).

Si, dans son état présent de faiblesse et de corruption, le corps est un poids terrible pour l'âme qui veut vivre d'une vie spirituelle, s'il lui fait désirer et appeler le moment où elle se séparera de ce cadavre pour être avec le Christ (2), la raison en est dans le déplorable bouleversement que le péché a produit dans la constitution primitive de l'homme.

Admirez ici comment la sagesse divine se conforme dans notre régénération à la loi qui a présidé à notre dégénération.

L'âme de nos premiers parents s'étant révoltée contre Dieu et par là mème séparée de l'auteur de la vie par le péché, leur corps, par une conséquence naturelle, se révolte contre l'âme et tend à s'en séparer. D'impassibles et immortels, ils deviennent sujets aux souffrances et à la mort. Mais, par l'effet de la miséricorde divine qui les admet au bienfait de la réconciliation, ils ne subissent le supplice de la mort que plusieurs siècles après.

De même, la régénération commence par nos âmes; celles-ci, réconciliées avec Dieu par la rémission des péchés, vivent d'une véritable vie, de la vie immortelle qu'elles puisent en Jésus-Christ leur chef, auquel elles sont incorpories, pour ainsi dire, par le don du Saint-Esprit, reçu dans le baptême et affermi par les autres sacrements et la pratique des vertus. Dans cet état de vie chrétienne nos ames peuvent gouverner convenablement le corps, mortifier ses inclinations vicieuses et le faire servir aux œuvres de sainteté et de justice; mais elles ne peuvent plus, comme dans l'état d'innocence primitive, le faire participer, pour le moment, à la vie immortelle. Il faut qu'il meure, et ce ne sera qu'après un nombre plus ou moins grand de siècles qu'il sera associé à l'éternelle et bienheureuse vie de l'àme.

(1) VI, 9, 10.

(2) Ép. aux Philipp., 1, 23.

En somme, vous voyez que la vie nouvelle commence par l'âme et n'accomplit que longtemps après son œuvre de restauration dans le corps, de même que la vieille mort a commencé par l'âme et n'a consommé que longtemps après son œuvre de destruction dans le corps. Vous voyez aussi pourquoi la résurrection de la chair suit immédiatement, dans le Symbole, la rémission des péchés, dont elle est la conséquence.

D. Est-ce que les réprouvés ne ressusciteront pas ?

R. Oui, ils ressusciteront dans leur chair, mais ils ne reviendront, ni dans leur àme ni dans leur chair, à cette vie cachée en Dieu avec le Christ (1), qu'ils ne possédaient pas au moment où ils sont sortis du lieu de l'épreuve. Tous, il est vrai, nous ressusciterons, dit saint Paul, mais nous ne serons pas tous transformės..... Ne vous y trompez pas! Dieu ne veut pas qu'on se moque de lui. Ce que l'homme aura semé, il le moissonnera. S'il a semé dans sa chair, il moissonnera dans sa chair la corruption; s'il a semé dans l'esprit, il moissonnera dans l'esprit la vie éternelle (2).

Dans le Symbole des apôtres, qui a été donné aux fidèles pour être chanté le long du chemin douloureux de l'épreuve, comme l'hymne de la foi, de l'espérance et de la charité, il ne convenait pas de mentionner la fatale résurrection qui fera recueillir aux réprouvés, dans leur chair, la moisson de leurs crimes. C'est là, sans doute, le triste sort que ne cessent de craindre les enfants de la foi; mais cette crainte, qui les éloigne du péché, est par elle-même impuissante à les faire courir avec un cœur dilaté par la joie dans la voie des commandements. Il leur faut la ravissante pensée de la glorieuse transformation qui fera de leur chair, immolée ici-bas aux lois de la mortification chrétienne, un corps tout spirituel, comme dit l'Apôtre, parfaitement assujetti à l'âme, parcourant les espaces avec la rapidité de la pensée,

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régnant sur l'universalité de la matière, et surpassant en éclat et en puissance tous les soleils des cieux.

Que l'incrédule sourie de cette attente, à la bonne heure : l'homme animal n'entend rien aux desseins de Dieu (1). Mais cette attente est nécessaire aux âmes les plus pures, qui, cent fois le jour, peuvent éprouver dans leur chair les atteintes de l'ange de Satan, et sentent le besoin de tenir à leur corps ce langage de saint François d'Assise : « Patience et courage, mon petit frère! Encore quelques jours de privations, et tu entreras dans les joies éternelles. »

ARTICLE XII ET DERNIER.

« LA VIE ÉTERNELLE. »

D. Par la vie éternelle entend-on seulement l'éternité bienheureuse, ou doit-on encore y comprendre l'éternelle existence des réprouvés?

R. Cet article est le couronnement de tous les autres, surtout du onzième, et doit s'entendre dans le même sens que celui-ci. Ce que nous professons attendre avec foi, espérance et amour, par ces deux derniers articles, c'est la résurrection glorieuse de notre chair et la perfection suprème de la vie de notre âme par son intime et indissoluble union à son objet, Dieu, et à son sujet, le corps. Par là sera comblé l'abîme de nos désirs. Toute en Dieu par son chef, Jésus-Christ, notre âme y acquerra une telle plénitude de vie, qu'elle n'en inondera pas seulement son corps, mais tous les corps qui lui seront subordonnés (2).

Au contraire, séparés à jamais de la source première de l'ordre et de la vie, les réprouvés seront en proie au feu inextinguible de la division: division dans les facultés de

(1) Prem. ép. aux Corinth., II, 14.

(2) V. la Science de la vie, t. II, leçon XLIX.

l'âme, toujours opposées entre elles; division dans les facultés du corps, s'entre-heurtant sans fin; division de l'àme et du corps, entre lesquels nulle paix possible; division dans la société infernale, où l'on ne voit, dit l'Écriture, nul ordre, mais une éternelle horreur (1); enfin division entre les réprouvés et l'universalité des créatures armées par le législateur éternel contre les insensés qui n'ont pas craint de se constituer ses ennemis (2). Qu'est-ce qu'une telle existence, sinon une mort qui ne meurt pas, une éternelle mort? Car la mort, comme l'ont si bien compris les Grecs, n'est pas autre chose que la division.

D. Je suis bien aise de voir que les auteurs du Symbole n'ont pas fait mention du dogme épouvantable de l'enfer, et vraiment je les en loue.

de

R. Vous ferez bien de réserver vos éloges pour une meil leure occasion; car les habitants de l'enfer sont mentionnés dans l'article où nous professons notre foi en celui qui viendra juger les vivants et les morts. Si dans l'explication de l'article VII je n'ai pas insisté sur ce point, je suis prêt à réparer cette omission. Ce n'est pas là, il est vrai, une profession expresse de l'éternité des peines, et vous comprenez qu'un article spécial sur ce sujet serait déplacé dans la deuxième partie du Symbole, où l'on ne parle que l'œuvre de la Rédemption, comme je l'ai observé au commencement de ce livre. La place logique du dogme de l'enfer serait dans la quatrième partie, où la mort éternelle aurait pu être jointe au douzième article ou en former un treizième. Que si les auteurs du Symbole ne l'ont pas fait, j'en ai déjà donné une raison, et en voici encore une autre, fondée, comme la première, sur la nature même du Symbole.

Qu'est-ce que le Symbole ? Je l'ai dit en commençant son explication c'est le signe distinctif des chrétiens. Il n'est pas l'expression complète et détaillée de toutes nos croyan

(1) Job, X, 22.

(2) Sagesse, V, 18-21.

ces; mais il est le sommaire des croyances qui n'appartiennent qu'aux chrétiens. Il fallait donc y exprimer la foi au Père tout-puissant, créateur; au Fils fait homme, rédempteur et juge suprême; au Saint-Esprit, sanctificateur; à la sainte Église catholique, chargée de procurer la communion des saints, la rémission des péchés, et, par là même, de conduire à la résurrection de la chair et à la vie éternelle. Voilà ce qui distingue la religion prêchée par les apôtres, de toutes les fausses religions, et même de la seule vraie reli gion qui fût alors dans le monde : l'ancien christianisme, dont tout le Symbole était dans la foi au Dieu tout-puissant et au libérateur à venir. Quant au dogme de l'éternité des supplices réservés aux méchants, il n'y avait aucune raison de l'insérer dans le Symbole, attendu qu'il était l'objet de la croyance immémoriale et universelle de toutes les nations.

D. Le fait est-il bien certain?

R. Le fait n'est pas seulement certain, mais la démonstration en existe dans tant de livres, qu'il est dévenu notoire. Les écoliers eux-mêmes vous montreront, dans le sixième livre de l'Enéide, la foi de Virgile et de ses contemporains à l'éternité des peines. Les lecteurs de Platon vous citeront les passages du Gorgias et du livre des Lois, où le grand philosophe exprime sa foi et celle de son maître Socrate aux épouvantables supplices que souffriront éternellement les âmes incurables. Enfin le bon Plutarque, dans son livre de la Tardive Vengeance des dieux, est pour le moins aussi effrayant que l'Évangile dans la peinture qu'il nous fait des supplices sans fin infligés aux grands coupables, et des supplices temporaires destinés à purifier les àmes guérissables.

Qu'il me suffise de vous citer sur ce sujet les paroles d'un des plus habiles et des plus anciens ennemis du christianisme: « Les chrétiens, dit Celse, ont raison de penser que ceux qui vivent saintement seront récompensés après la mort, et que les méchants subiront des supplices éternels. Du reste, ce

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