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puis le grand seigneur jusqu'au pauvre journalier, remplissent fidèlement les devoirs de la famille et du citoyen, se livrent paisiblement, dans les champs ou dans les villes, à des occupations nécessaires, utiles, ou du moins innocentes, usent honorablement d'une aisance honorablement acquise, ou ne songent à l'acquérir que par des moyens irréprochables. Qu'est-ce que la populace, soit le peuple des révolutions? C'est la sentine de toutes les conditions sociales, l'armée des vauriens; elle a pour état-major les débauchés et les déconfits des classes supérieures, qui, ne pouvant échapper à la misère et à l'abjection que par l'exercice du pouvoir, visent au pillage de la richesse publique et des fortunes privées, sous le nom de réformes politiques et sociales; elle a pour soldats cette tourbe de fainéants sans mœurs, n'espérant que dans le désordre, ne réclamant le droit au travail et à l'assistance que pour jouir sans travailler. Tenir le glaive incessamment levé contre cette armée du vice et du crime, en empêcher l'organisation, le recrutement, en diminuer le nombre: tel est le devoir de tout bon gouvernement. Mais savez-vous quel est le moyen le plus efficace d'augmenter le vrai peuple et de diminuer la populace? C'est de faire aimer la famille et honorer le pouvoir paternel, sans lequel il n'y a pas de famille.

La famille est le moule irremplaçable dans lequel se forme et se conserve l'homme vertueux. Règle générale : nous ne sommes toute notre vie que ce que nous a faits la famille, et nous ne valons qu'en proportion de notre amour pour elle. Il n'y a que trois hommes qui s'ennoblissent et s'élèvent en sortant de la famille : le prêtre, le religieux et le soldat pourquoi ? parce qu'ils sacrifient les jouissances et les intérêts que leur offre une famille particulière à la prospérité et à la sécurité morale et matérielle de toutes les familles.

Le sacerdoce ne peut pourvoir suffisamment à l'éducation religieuse des enfants qu'autant qu'il obtient le concours des pères et des mères, des instituteurs et institutri

ces de la jeunesse; et voilà pourquoi il doit exercer la plus haute influence et dans l'acte constitutif de la famille, le mariage, et dans ce qui décide de l'avenir des enfants et de la famille, l'éducation. Séculariser le mariage et l'éducation, c'est le chemin le plus court à l'abolition de la famille.

Le pouvoir politique n'a pas, dans l'ordre civil, de meilleur appui, de plus fidèle gardien des traditions d'honneur, de dévouement au prince, à la patrie, que le sanctuaire domestique. Tout ce qu'il ôte à l'esprit de famille et à l'autorité paternelle est acquis à l'esprit révolutionnaire. On ne fera jamais de bons citoyens avec de mauvais fils. Ceux-ci ont toujours été et seront toujours les plus actifs prêcheurs et fauteurs des perturbations politiques; et quand la populace les a portés au pouvoir, ils ne manquent jamais d'en user à la plus grande gloire de la populace, en travaillant à détruire ce qu'ils appellent le despotisme paternel et clérical, l'esprit misérable de famille et de clocher. Or, quand, par le mépris de l'esprit de famille et de clocher, un pays se peuple de grands et de petits patriotes qui ne croient plus qu'au droit et au devoir de gouverner la patrie, le pays est perdu, s'il ne s'y rencontre pas un bras assez fort pour enchaîner les patriotes et travailler, avec le pouvoir religieux, à restaurer le foyer de la vie sociale sur son éternelle base Tes père et mère honoreras, afin que tu vives longuement.

Vous pouvez maintenant vous faire une idée juste du premier commandement de la seconde table, et saisir son rapport avec celui de la première : Un seul Dieu tu adoreras, etc.

D. Vous voulez dire probablement que le respect pour les pères visibles est le fondement de l'ordre social, comme l'adoration et l'amour du Père invisible est le fondement de l'ordre religieux.

R. Oui; ôtez la foi au Dieu créateur, conservateur, révélateur, seul digne de notre adoration et de notre amour,

vous aurez autant de dieux qu'il plaira à l'homme d'en inventer, et vous appelez l'athéisme, qui dira: Plus de dieux, plus de religion! De même que, par le désaccord et l'opposition qu'on sèmera entre eux, les trois pouvoirs que Dieu a chargés de procréer et de conserver l'ordre social tombent dans le mépris, vous verrez surgir autant de pouvoirs qu'il en faudra pour conduire la société à la mort par le chemin sanglant de l'anarchie.

Ces deux commandements sont donc fondamentaux. Tous nos devoirs sociaux ont leur base et leur règle dans notre soumission respectueuse à l'autorité sociale, comme cette soumission a son principe et sa règle dans nos devoirs religieux, qui se résument tous dans l'adoration et l'amour de Celui qui est la source de toute autorité.

En d'autres termes : nous ne serons jamais envers nos égaux et nos subordonnés que ce que nous sommes envers nos supérieurs légitimes, et nous ne sommes envers ceux-ci que ce que nous sommes envers Dieu. Celui qui n'a pas appris à s'humilier amoureusement sous la volonté infiniment sage et toute-puissante du Père céleste, du Pontife des pontifes, du Roi des rois, ne saura jamais obéir à ses lieutenants dans la famille domestique, religieuse, politique.

Or l'enfant que l'orgueil rend insoumis à ses parents est un mauvais frère qui prêche la désobéissance et déteste ceux qui ne travaillent pas avec lui à la ruine de la maison.

L'homme qui s'insurge contre le pouvoir religieux n'a qu'un but l'usurper. S'il ne prêche pas une fausse religion, il fait pis encore, en prêchant le mépris de toute religion.

Le factieux, ennemi du pouvoir politique, ne pousse ses concitoyens à la révolte que pour les asservir.

CINQUIÈME ET HUITIÈME COMMANDEMENT.

< HOMICIDE POINT NE SERAS, DE FAIT NI VOLONTAIREMENT. FAUX TÉMOIGNAGE NE DIRAS, NI MENTIRAS AUCUNE

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MENT. >>

D. Pourquoi unissez-vous ces deux commandements? R. Avant de vous montrer l'intime rapport qui lie ces deux commandements, je vous prie de remarquer celui qui les unit au quatrième.

Vous avez pu comprendre que la raison première et finale du quatrième commandement, c'est le bienfait de la vie, de sorte qu'on peut le traduire ainsi : Si vous voulez jouir dans le temps et au delà du don de la vie, honorez ceux dont j'ai voulu me servir pour vous le communiquer, vous le conserver, et vous apprendre à en faire un bon emploi.

Eh bien, le don divin de la vie, dont Dieu exige, par la quatrième parole du Décalogue, que nous honorions les ministres, il veut par les paroles suivantes, notamment la cinquième et huitième, que nous le respections et aimions dans tous ceux à qui il lui a plu de le communiquer. C'est comme s'il disait : Je suis le Dieu vivant, auteur et propriétaire de toutes les vies humaines; nul homme n'entre dans la vie, si je ne lui en ouvre les portes. Malheur donc à l'homme qui (hors les cas déterminés par les lois non opposées à la mienne) osera ravir à l'un de ses frères le don de mon amour!

Or l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, nous dit Jésus-Christ. Il y a donc deux vies en nous : la vie physique, qui consiste dans l'union du corps à l'âme, union qui tient partie à des liens mystérieux que Dieu seul connaît et conserve, partie à des causes connues et auxquelles nous devons pourvoir, telles que la respiration, l'alimentation, etc. Il y a la vie spirituelle, qui consiste dans l'union de l'âme à Dieu, union produite, dans l'homme régénéré, par les vertus surnatu

relles de foi, d'espérance, de charité, et qui s'entretient et s'accroît par les moyens de sanctification établis par le Sauveur. — Ai-je besoin de vous prouver que telle est, pour les chrétiens, la notion complète de la vie humaine?

D. Non; cette notion est le corollaire de vos explications soit du premier commandement, soit du Symbole des apôtres.

R. Eh bien, de ce qu'il y a deux vies dans l'homme, il résulte qu'il y a deux homicides, l'un physique, l'autre spirituel. On n'est pas seulement homicide quand on prive un homme des aliments et des soins indispensables à sa vie, quand on mêle à sa nourriture du poison, ou qu'on brise par la violence les liens qui unissent son corps à l'âme; on est encore homicide quand, par une criminelle indifférence, ou de propos délibéré, on prive un homme des moyens d'éducation religieuse indispensable à la vie de son âme; quand on mêle volontairement le poison de l'erreur à sa nourriture spirituelle; quand, par la séduction ou la violence, on s'efforce de lui ravir le don de la foi, germe de toute vie chrétienne; le don de l'espérance, qui en est la fleur et la condition de toute activité dans le bien; le don de la charité, dont il est écrit: Celui qui n'aime pas demeure dans la mort (1).

Il suit encore de là que l'homicide spirituel, le meurtre du prochain dans son âme, l'emporte de beaucoup par sa nature et ses suites sur l'homicide corporel, à raison de l'immense supériorité de l'âme sur l'organisme qui lui est uni. La destruction lente ou violente d'un corps humain vivant, par l'œuvre de l'empoisonneur ou de l'assassin, est sans doute une chose digne de l'horreur de Dieu et des hommes; mais, après tout, le mal réel fait à la victime et à ses proches est-il aussi grand que si, au lieu de détruire le corps, le meurtrier avait perdu l'âme en lui faisant goûter le poison de l'erreur et du vice? Dans le premier cas, le

(1) S. Jean, Prem. ép., III, 14.

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