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aveugles, plus insensés, plus dignes de fixer l'attention de la police.

Vous m'accorderez sans doute que notre globe est loin de primer dans l'immense société des mondes; que le plus vaste de nos États est bien petit, comparé à la surface totale du globe; qu'un jardin aussi grand que celui de Hyde-Park, où s'élevait le Palais de cristal, est un point perdu dans le territoire des îles Britanniques; enfin, qu'un mètre carré de ce jardin n'en est qu'une fraction minime. Cependant, je soutiens que dans un mètre carré du jardin d'Hyde-Park, pris au hasard, nous trouverons des œuvres de génie et de puissance bien supérieures à toutes celles du Palais de cristal. D. Ceci a tout l'air d'un paradoxe.

R. Un peu d'attention, et le paradoxe deviendra un fait irrécusable.

Sans recourir au microscope, nous découvrirons certainement dans ce mètre carré un végétal, ne fût-ce qu'un brin de mousse; un animal, ne fût-ce qu'une fourmi, une mouche ou un puceron. Voilà donc deux êtres dans l'organisation desquels, si nous en faisions l'étude, nous trouverions probablement des combinaisons plus profondes que celles de nos mécaniciens. Mais comme nous n'avons, vous et moi, ni la patience ni la dextérité nécessaires pour une opération aussi délicate, abandonnons-la aux anatomistes, et jugeons de la richesse du travail par la puissance du résultat.

La plus misérable des plantes et le moindre des insectes sont doués de mouvement et de vie. La première se développe, s'élève, s'étend avec beaucoup de régularité; l'autre se meut avec une grande sagesse. Tous deux réparent leurs pertes, se nourrissent et possèdent la faculté de se reproduire : merveilleuses qualités que le génie humain n'a jamais pu donner à ses créations.

Réunissez tous les artistes et ouvriers qui ont rempli le Palais de cristal de leurs chefs-d'œuvre, et, parmi tant de belles choses, invitez-les à en choisir une qu'ils puissent

travailler avec assez de bonheur pour qu'elle nous offre le degré de mouvement et de vie qui se manifeste dans un brin d'herbe; ils riront d'une demande aussi folle.

OEuvres mortes du génie des mortels, que deviendraient les merveilleux produits de l'industrie humaine étalés à Hyde-Park, si on les abandonnait à leur force de conservation? Les tissus de soie, de laine, de lin, de coton, etc., tomberaient bientôt en poussière, les vers et la rouille dévoreraient les bois et les métaux, et avant deux ans aucune de ces puissantes machines ne serait en état de fonctionner. Cependant, à en juger par un passé immémorial, il est certain que dans un siècle, que dans dix siècles, les mousses et les insectes de Hyde-Park subsisteront encore, et qu'ils ne manqueraient pas de s'y reproduire, promenât-on, tous les dix ans, le fer et le feu dans leur demeure.

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Cela étant, pouvez-vous me contester les déductions suivantes? Le mouvement et la vie de ces deux petits êtres que nous avons observés, entre cent autres, dans un mètre carré de terrain, sont une œuvre d'intelligence supérieure aux plus beaux produits de l'industrie humaine. La puissance de reproduction et de conservation qui brille dans les espèces de ces deux êtres, puissance qui les fait se perpétuer à travers la durée des siècles, en dépit de mille causes de destruction, cette puissance, dis-je, revèle un coup d'œil et des calculs un peu plus vastes et plus justes que les nôtres. Il est donc vrai que les êtres renfermés dans un mètre carré démontrent aussi clairement l'existence d'un ouvrier supérieur à l'homme, que les merveilles du Palais de cristal démontraient aux visiteurs l'existence d'une multitude d'ouvriers humains d'une grande capacité. -Et, comme il est notoire que la vie végétale et animale. est partout répandue avec profusion, dans le sein des mers, au milieu des glaces du Nord, il n'y aurait qu'à calculer le nombre de mètres carrés que renferme la surface totale du globe, pour savoir combien de milliards de fois ceux qui nient ou révoquent en doute l'existence

de Dieu sont plus aveugles, plus insensés, que celui qui, à la vue de l'exposition de Londres, aurait dit : Il n'y a rien là qui décèle l'industrie humaine.

D. Je ne sais trop ce qu'on pourrait opposer à votre argumentation qui n'est, après tout, que le cri de la conscience humaine chez tous les peuples, et que je crois avoir lue dans Cicéron, moins toutefois ce qui regarde le Palais de cristal (1). Ce qui nuit à l'effet de l'exposition universelle des merveilles de l'industrie divine, c'est qu'elle dure depuis des siècles : l'habitude tue l'admiration.

R. Oui, et cette habitude d'indifférence a encore inspiré une belle page au philosophe païen que vous citez (2). Ce ne sont pas les preuves de l'existence de Dieu qui manquent (notre œil en embrasse chaque jour des milliards), c'est l'attention. Aussi, pour secouer la paresse de notre esprit, est-il à propos de sortir des généralités et de fixer nos regards sur quelques-unes des œuvres de Dieu.

Dans notre planète, partie minime du palais divin de l'univers, on distingue trois sortes d'êtres : les animaux,

(1) «Serait-ce donc être homme, demande Cicéron, que d'attribuer, non à une cause intelligente, mais au hasard, les mouvements du ciel, qui sont si certains et si constants: le cours des astres, qui est si régulier; toutes les choses de l'univers, qui sout si bien liées ensemble, si bien proportionnées, et conduites avec tant de sagesse que notre raison s'y perd elle-même, quand nous voulons les approfondir? Quoi! lorsque nous voyons les machines qui se meuvent artificiellement, une sphère, une horloge et plusieurs autres choses semblables, nous ne doutons pas que la raison et l'intelligence n'aient présidé à ces ouvrages douterons-nous donc que le monde soit dirigé, je ne dis pas simplement par une intelligence, mais par une intelligence admirable, par une intelligence divine, etc., etc. » De Natura deorum, lib. II, 37.

(2)« Supposons des peuples qui eussent toujours habité sous terre, dans de grandes et belles maisons...; supposons que, sans jamais être sortis de là pour venir sur la terre, ces peuples eussent néanmoins entendu parler de la divinité...; qu'ensuite, la terre venant à s'ouvrir, ils quittassent leurs ténébreux séjours pour venir aux lieux que nous habitons: que penseraient-ils en découvrant tout d'un coup la terre, les mers et les cieux...? Et, quand la nuit aurait couvert la terre de ténèbres épaisses, que diraient-ils, en contemplant le ciel tout parsemé et orné d'étoiles...? Quand ces peuples verraient tant de merveilles, nul doute qu'ils ne fussent persuadés qu'il y a des dieux, et que toutes ces choses sont leur ouvrage. Ibid.

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les végétaux, les minéraux. Négligeons ces derniers, bien que leur étude offre au géologue, au minéralogiste et au chimiste des preuves toujours nouvelles d'unc ineffable sagesse, pour demander aux végétaux et aux animaux une petite leçon de théologie.

CHAPITRE II.

Théologie des végétaux.

D. Le nombre des végétaux est si grand que, si tous ont la parole, la leçon sera un peu longue et confuse.

R. Ne craignez rien; je vais choisir l'orateur, et je parlerai pour lui.

Le règne végétal est divisé par les botanistes actuels en végétaux vasculaires cotylédones et en végétaux cellulaires acotylédones. Dans la première catégorie, qui renferme la très-grande majorité des espèces végétales, je choisis un individu de l'espèce la plus humble, tel qu'une des herbes qui remplissent nos jardins, nos prés, un œillet, un rosier, une mauve, une ortie, il n'importe.

Cet individu se compose d'une tige fixée au sol par des racines et portant des feuilles et des fleurs. En laissant de côté les mille détails d'une étude scientifique, nous voyons que les racines s'acquittent fort bien de leur double fonction, qui est de soutenir la tige et de l'alimenter; que, dans les plantes fourragères qui doivent promptement re pousser, telles que la luzerne, les racines se distinguent par leur longueur et leur voracité; que, dans les arbres grands et touffus, elles ont la sagesse de s'étendre au delà des branches, afin de recevoir avec plus d'abondance l'eau ct le soleil, etc., etc, etc.

La tige de la plante offre une trame cellulaire dont la structure nous émerveillerait, si nous la contemplions à l'aide d'une loupe. Parmi tant de cellules dont elle se com

pose, il y en a d'une forme particulière qui, placées bout à bout et communiquant entre elles, forment deux chaines bien distinctes, et destinées, l'une à porter aux feuilles la séve que pompent les racines par leurs suçoirs, l'autre à faire circuler dans la tige l'air qu'aspirent les feuilles par leurs bouches ou stomates. Les cellules de la première chaîne s'appellent vaisseaux séveux et forment, pour ainsi dire, le système circulatoire de la plante; les cellules de l'autre en sont l'appareil respiratoire et s'appellent vaisseaux aériens ou trachées.

Arrivons à la première feuille.-Voilà le pětiole qui rattache la feuille à la tige. Si petit qu'il soit, les deux appareils de la circulation séveuse et aérienne s'y croisent sans se confondre, et, de là, s'épanouissent, se diramifient dans la feuille par une infinité de nervures, la plupart visibles à l'œil. Là, que fait la séve? Peu contente de l'air que lui ont fourni précédemment les trachées, elle respire plus à l'aise, se décharge de ce qu'elle a de trop, prend ce qui lui convient, absorbe de l'oxygène, exhale de l'acide carbonique, décompose celui-ci, en rejette l'oxygène, en retient le carbone, etc., etc.; elle ne reprend le chemin de la tige qu'après avoir acquis les propriétés convenables à la nutrition de la plante, à la production des fleurs et des fruits. Tout dans la forme et la situation de la feuille est approprié au succès de ces opérations vitales, et la plante paraît le sentir si bien que, si vous essayez de tourner vers la terre le côté de la feuille qui regarde le ciel, elle lui fera reprendre sa position; elle périra plutôt que de se prêter au renversement général de ses feuilles. En examinant ces dernières, la grande différence d'organisation qui existe entre la face qui regarde en haut et celle qui regarde en bas, explique l'entêtement de la plante. On voit que, s'il y a des choses que la feuille demande au ciel, il y en a plus encore qu'elle demande au rayonnement terrestre et à la 'couche d'air placée entre elle et le sol, et que l'extrême délicatesse des organes respiratoires et aspiratoires qui cou

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