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de toutes les pratiques du culte ou d'une seule; qu'il obtienne ce résultat par les séductions de la fausse science ou par des contes ridicules, que lui importe, pourvu qu'il fasse un incrédule?

En somme, tout esprit est capable de décocher l'objection contre le catholicisme; toute main est apte à le démolir dans les âmes. Le nombre des esprits et des mains conjurés contre lui depuis l'origine est incalculable. Le nombre de ses défenseurs, capables de broyer les objections ou de les retourner contre les assaillants, a toujours été, relativement, très-restreint. Cependant, voilà dix-huit siècles que l'édifice catholique résiste et renferme dans son sein la multitude des nations. Il n'est donc pas l'œuvre des hommes.

CHAPITRE II.

Que, derrière toutes les objections qui se produisent, il y a une objection qui tient à se cacher.

D. Quelle est cette objection qu'on pourrait appeler honteuse?

R. Vous avez pu voir, dans le chapitre précédent, que le but commun des objections est de sauver notre autonomie, c'est-à-dire le droit de nous gouverner nous-mêmes, de vivre à notre gré. On veut une religion, et on lui fera tous les sacrifices, excepté le sacrifice de soi. Ce qui nous heurte dans le Dieu catholique, c'est qu'il nous dit : Que celui qui veut venir après moi, se renie lui-même, embrasse sa croix, et qu'il me suive, moi, qui me suis fait obéissant jusqu'à la mort! Et en preuve de ce reniement par lequel nous renonçons à nous conduire par nos propres lumières, JésusChrist exige que nous soumettions le gouvernement intérieur de notre âme au contrôle de ceux à qui il a dit: Vous êtes la lumière du monde, le sel de la terre; tout ce que vous lierez et délierez sur la terre, sera lié et délié dans

le ciel; les péchés seront remis à ceux à qui vous les aurez remis, retenus à ceux à qui vous les aurez retenus, etc.

Le gouvernement des âmes, l'inspection des consciences! voilà ce que la religion catholique ose demander, et voilà ce qui ameute contre elle tant d'insurgés du dedans et du dehors. L'éternelle objection des mauvais catholiques et des sectateurs du rationalisme biblique ou philosophique n'estelle pas celle-ci : « celle-ci : « Le for de la conscience ne doit être ouvert qu'à Dieu. Celui qui croit à l'obligation d'y introduire un inspecteur humain abdique sa dignité d'homme, et la religion qui commande un tel sacrifice est une abrutissante tyrannie? >>

D. Oui; et si cette objection est celle dont vous voulez parler dans ce chapitre, vous avez tort de dire qu'elle tient à se cacher.

R. Cette objection n'est encore qu'une comparse, une figurante, dans le combat contre la vraie religion. Croyezle bien : on ne fait appel au gouvernement direct de Dieu que pour se délivrer de son gouvernement indirect par le prêtre ; et on ne vise à se débarrasser de son gouvernement indirect que pour échapper à tout gouvernement divin et dire : j'entends être libre de penser et de faire ce qui me plaît. Celui qui scrute les reins et les cœurs ne s'y trompe pas. Quand les Juifs demandèrent à n'être plus gouvernés par des prophètes, Dieu dit à Samuel: Ce n'est pas toi qu'ils ont rejeté, c'est moi, afin que je ne règne plus sur eux (1). Jésus-Christ dit aussi à ses ministres : Qui vous écoute, m'écoute, et qui vous méprise, me méprise. Et qui me méprise, méprise celui qui m'a envoyé (2).

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L'objection mère qui pousse en avant toutes les autres et qui se cache tant qu'elle peut dans le fond de l'àme, est donc celle que je vous ai signalée dans l'explication du premier commandement (S II), en l'appelant l'erreur des erreurs. C'est l'idolatrie du moi, l'idée, le sentiment, le

(1) I Reg., VIII, 7. (2) S. Luc, X, 16.

désir de notre divinité propre, un je ne sais quoi qui nous porte à jalouser, puis à nier l'être Très-Haut qui nous dit : « Je suis celui qui est, l'auteur, le maître absolu de toutes les existences; hier vous n'étiez qu'un néant, et si aujourd'hui vous êtes quelque chose, c'est qu'il m'a plu que vous fussiez. Si incontestable qu'elle soit, cette idée de notre néant et de notre dépendance nous humilie, nous irrite, et nous sommes tentés de répondre Nos facultés sont à nous, nous en tirerons gloire; qui donc peut se dire notre maître (1)?

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Très-peu d'esprits sans doute, même parmi les plus audacieux incrédules, osent jeter à Dieu une déclaration de guerre aussi franche. Avant d'en venir à cette extrémité, on parlemente longtemps. On lui dit : « Sois raisonnable, modéré dans tes demandes règne en maître dans les cieux, règne aussi sur l'univers matériel, dans lequel tu as établi un si bel ordre et que nous sommes impuissants à gouverner. Tu auras des temples somptueux, et toute bouche célébrera tes louanges. Mais laisse-nous un peu de liberté, ne contrarie pas les penchants que nous croyons tenir de toi, puisqu'ils naissent avec nous. En nous ordonnant de combattre en nous le vieil homme, de crucifier notre chair avec ses convoitises, tu nous donnerais lieu de penser que tu n'es pas le Dieu bon, le seul qui nous plaise. »

Que sont toutes les religions de l'univers, hors la vraie ? Des transactions, des traités de paix par lesquels les hommes ont voulu sauver leurs passions en les imposant à Ia Divinité et en lui disant : Nous ne t'adorerons qu'autant que tu seras à notre image. Cela est vrai, et des cultes idolâtriques qui ne furent et ne sont encore que l'adoration des passions humaines, et des cultes prétendus chrétiens qui se fondent sur le principe du libre examen. Qu'est-ce en effet que le partisan de la Bible-religion? C'est un homme investi du droit de n'accepter d'autre loi religieuse que

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celle qu'il aura lui-même trouvée et définie; un homme, par conséquent, qui adore ses visions et ses désirs dans le Christ qu'il lui a plu de s'imaginer.

L'humanité-Dieu, tel est donc le dogme ténébreux qui se cache derrière les religions d'invention humaine et qui de là nourrit le feu des objections contre la religion divine; dogme que nous voyons se produire dès la plus haute antiquité, sous la forme voilée du panthéisme égyptien, hindou, grec, etc.; dogme qui, terrassé d'abord par la lumière évangélique et réduit à se réfugier dans les livres de quelques obscurs sectaires du moyen åge et les antres de la franc-maçonnerie, se relève aujourd'hui avec audace, jette les masques religieux, philosophiques et politiques qu'il a successivement revêtus, laisse les armes émoussées du sophisme pour formuler en articles de foi indiscutables les plus révoltants blasphèmes, renonce aux moyens de séduction pour faire appel aux dernières violences, exalte jusqu'à la rage le fanatisme de ses adeptes dans les sociétés secrètes, et les pousse à détruire par le fer et le feu ce qui rappellerait l'idée maudite d'un Dieu législateur, d'une foi divine. C'est l'erreur catholique, universelle, luttant à découvert contre la vérité catholique, universelle; c'est la réaction suprème de l'enfer provoquee par l'irrésistible éclat de la lumière catholique, et préparant contre Dieu, son Christ et son Église le dernier combat dont nous parlent les saints livres.

D. Je ne conçois pas comment l'éclat de la lumière catholique a pu déterminer une telle explosion de ténèbres.

R. N'avez-vous jamais observé les fureurs qu'allume dans les esprits entètés, orgueilleux, la parole lumineuse qui dévoile l'absurdité de leurs idées, de leurs prétentions? Eh bien, c'est le sort de la parole catholique. En mettant dans un jour irrésistible les droits de Dieu au gouvernement de notre àme et l'impiété de nos essais pour concilier sa loi avec l'adoration de nous-mêmes, la religion catholique a soulevé contre elle tous les esprits qu'elle n'a

pas subjugués. Vous savez ce qu'il lui en a coùté pour arracher le monde au culte des dieux si bons et des déesses si bonnes du paganisme. Les dieux et déesses antiques tombés, sont arrivés à la file les faux dieux chrétiens, depuis le dieu d'Arius jusqu'au dieu de Luther. Les mille dieux extraits de la Bible ont ressuscité les dieux du paganisme dans le monde littéraire, et les dieux sans fin du déisme dans le monde philosophique; et à tous ces dieux a naturellement succédé l'univers-Dieu, qui se résout dans l'humanité-Dieu.

Or tous ces faux dieux et leurs religions si bonnes, qui auraient pu trouver créance et régner en paix dans une société gouvernée par la raison, se sont évanouis comme de mauvais rêves sous le feu des lumières catholiques. Dépouillés, par la controverse, des lambeaux de vérité chrétienne et des découvertes scientifiques sous lesquelles ils se pavanaient, et poussés à bout par le géant catholique, maître de toutes les vérités, parce qu'il possède la vérité souveraine, il n'est resté aux champions de ces divers systèmes que le fonds commun de toutes les erreurs : l'orgueil, mais l'orgueil exaspéré, furieux, porté à son paroxysme et livrant son dernier mot: Pas d'autre dieu que l'homme! A bas le Dieu catholique, vivent plutôt l'enfer et la mort!

Voilà comment le catholicisme, en portant la lumière dans les derniers retranchements de l'erreur, après avoir démoli ses ouvrages avancés, a contraint l'objection mère à se produire dans son horrible nudité et à vomir, à la face du soleil, des blasphèmes qui semblaient réservés à l'enfer.

Cette objection, vous le comprenez, est absolument irréfutable. Quand elle s'est emparée d'une âme, toute discussion devient inutile avant que la prison et un régime approprié à la folie furieuse aient ramené l'homme-dieu au bon sens. Mais si la vérité catholique est impuissante à délivrer des âmes ainsi satanisées, elle a un préservatif infaillible contre ce mal.

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