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CHAPITRE VII.

Que la religion catholique procure à ses croyants le plus précieux des biens de cette vie.

D. Quel est ce bien?

R. Celui que Jésus-Christ promet à ses disciples fidèles : Prenez mon joug sur vous..., et vous trouverez le repos de vos âmes (1). La paix de l'âme, le festin continuel de la bonne conscience (2), la douce certitude qu'on est dans le droit chemin sous la conduite de Dieu même : tel est le bien que la religion catholique procure aux âmes qui se soumettent à sa direction.

J'ai dit que c'est le plus précieux des biens de cette vie. En effet, à quoi aspirons-nous tous? Que cherchons-nous dans la science, dans le pouvoir, dans la richesse, dans les plaisirs ? C'est le contentement du cœur, l'apaisement des désirs, la satisfaction de l'âme. Et comme notre âme est incomparablement plus grande que ces choses, elle reste dans le vide, ne sort de l'agitation que pour tomber dans l'ennui, n'échappe à l'ennui que pour retomber dans l'agitation, tant qu'elle ne se place pas sous le gouvernement du Pasteur éternel des âmes.

Or le privilége du catholique docile est de savoir qu'il est sous le divin gouvernement. Il en a la preuve, pas seulement dans les caractères divins de cette Église à qui JésusChrist a dit: Qui vous écoute, m'écoute... Voilà que je suis avec vous tous les jours, etc., mais dans la joie que l'EspritSaint répand dans son âme, dans cette paix de Dieu, qui surpasse tout sentiment (3); paix que Jésus-Christ a léguée à ses disciples: Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix (4); paix qui est l'accomplissement de cette autre pro

(1) S. Matthieu, XI, 29.

(2) Proverbes, XV, 15.

(3) S. Paul, Ép. aux Philipp., IV, 7.

(4) S. Jean, XIV, 27.

messe: Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons en lui, et nous établirons notre demeure en lui (1).

La sécurité profonde que Jésus-Christ fait régner dans les âmes soumises au gouvernement de son Église est, pour ainsi dire, l'argument ad hominem qu'il leur donne, la démonstration personnelle qu'il est avec eux et qu'ils sont dans le chemin de la vérité et de la vie; démonstration qui, reposant sur des faits intimes, certifiés par la conscience, exclut tout raisonnement et produit une conviction à l'épreuve des objections de l'incrédulité et des violences de la persécution. C'est la démonstration qui remplissait l'âme des martyrs et leur faisait supporter avec joie la perte des biens, de la liberté, et les plus affreux supplices. Si Dieu est avec nous, disaient-ils avec saint Paul, qui sera contre nous? Et puisqu'il nous a aimés jusqu'à livrer son Fils pour nous, comment ne nous aurait-il pas donné toutes choses avec lui, et qui l'empêchera de nous restituer au centuple ce que nous aurons sacrifié pour sa gloire (2)?

C'est encore la démonstration qui dilate les cœurs dociles à la voix de l'Église et qui les fait courir avec joie dans la voie étroite des commandements. Les enfants du siècle et de l'hérésie s'étonnent souvent de la sérénité d'àme que produit dans les catholiques l'accomplissement des devoirs religieux qui répugnent le plus à la nature, et ils ne savent comment concilier tant de bonheur avec des pratiques si affligeantes. Eh bien, faut-il leur dire, voilà la meilleure réfutation de vos préjugés contre ces pratiques, la preuve palpable de leur divine efficacité. Au lieu d'écouter ceux qui les blasphement parce qu'ils les ignorent, considérez attentivement ceux qui en usent, et vous lirez sur leur front le cantique que le prophète-roi met dans la bouche des enfants de la nouvelle alliance.

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Le Seigneur lui-même me conduit, rien ne me manquera. Il m'a mené dans de gras pâturages, sur le bord des eaux vivifiantes. Il a converti mon âme, et l'a fait entrer dans les sentiers de la justice... Fussé-je au milieu des ombres de la mort, je ne craindrais rien, parce que vous êtes avec moi (Seigneur). Votre sceptre et votre houlette (la croix) m'ont rempli de consolation. Vous avez dressé devant moi une table pour me fortifier contre mes ennemis ; vous avez parfumé ma tête d'une huile précieuse, et préparé à mes lèvres une coupe enivrante (confirmation et eucharistie). Votre miséricorde m'accompagnera tous les jours de ma vie jusqu'à ce que j'entre dans votre éternelle demeure. (Psaume XXII.)

Maintenant, je vous le demande, cette paix de l'âme, cette sécurité que donne la vraie religion touchant l'affaire terrible de notre éternelle destinée, n'est-elle pas un bien inestimable, et dût-elle être acquise au prix de quelques désavantages matériels, serait-elle payée trop cher?

D. Non; mais cette paix est le privilége du petit nombre de catholiques fidèles à tous leurs devoirs; quant aux autres, ils en jouissent aussi peu que les protestants, et même moins, car ils ont de plus que ceux-ci la conscience de leur insoumission à la voix de l'Église.

R. Sans doute, la paix dont nous parlons est l'œuvre de la justice (1), et, comme dit l'Apôtre, la tribulation et l'angoisse fondent sur toute âme qui fait le mal, d'abord sur le Juif, puis sur le Grec (2).

Le catholique, qui ne pratique pas, reste privé de consolations religieuses et en guerre avec sa conscience; mais il sait où est la religion qui console et pacifie les àmes. La question religieuse, pour lui, est bien simple. Quand me déterminerai-je à faire ce que je voudrais avoir fait à l'heure de la mort? C'est un enfant indocile, prodigue, à qui la paresse, les affaires, les plaisirs ne permettent pas

(1) Isaïe, XXXII, 17.

(2) Ép. aux Rom., II, 9.

encore de dire : Je me lèverai, et j'irai au Père (1)! Mais il connaît le chemin de la maison paternelle et ce qu'il aura à faire pour rentrer en grâce.

Il en est autrement des enfants du protestantisme, dont l'unique article de foi commune est que Jésus-Christ n'a point fondé de maison de Dieu, d'Église divinement chargée de régénérer les âmes, de les instruire, de les purifier de leurs souillures et de les mener droit dans le chemin de la vie éternelle. Pour eux, la question religieuse est d'une telle immensité, vous l'avez vu, que nulle vie humaine, si longue et si savante qu'on la suppose, ne suffit à la résoudre. Dans l'impossibilité d'arriver à une solution qui rassure la conscience, que fait-on? Les uns adoptent la solution des indifférents, et disent: Respectons toutes les opinions religieuses et ne nous inféodons à aucune. Les autres s'en tiennent provisoirement aux idées et aux pratiques religieuses qu'ils trouvent établies dans leur famille et leur secte. Pour que les anxiétés du doute, qui survivent à ces arrangements, ne troublent pas trop l'indifférence des premiers et les religions provisoires des autres, on se plonge dans le tourbillon des affaires, et la fièvre des spéculations est l'antidote dont on use contre les agitations de la conscience.

Vous voyez donc que le calme et la tranquillité que l'Église catholique procure aux àmes se retrouvent dans les moins dociles de ses enfants, tant qu'ils restent attachés à l'ancre de la foi, et qu'on ne peut nullement les comparer aux infortunés que l'hérésie livre aux orages éternels du doute. Aussi les populations catholiques sont-elles généralement exemptes de ce fonds de mélancolie, de cet extrême ennui des individus, de cette impossibilité de rester en place, de cette nécessité de mouvement, de ce besoin de tourmenter ses richesses jusqu'à ce qu'on finisse par l'ennui ou le suicide, qui sont chose si commune chez les enfants du libre examen.

(1) S. Luc, XV, 18.

(V. plus haut, ch. V.) Que s'il en résulte pour les enfants de la foi moins d'empressement pour la graisse de la terre et une sorte d'infériorité dans les dons de la fortune, à la raison que j'en ai donnée dans le dernier chapitre, je dois en ajouter une autre de grande valeur au point de vue chrétien : c'est que les brebis fidèles à la voix du pasteur éternel sont sous le gouvernement de prédilection du Père céleste. D. Quelle marque de prédilection voyez-vous dans cette infériorité matérielle où Dieu laisserait les peuples attachés à son service?

R. J'y vois la prédilection du Père pour le modèle divin des élus, né dans une étable et terminant au Calvaire une vie de privations et de souffrances.

Méditez cette parole descendue du ciel sur Jésus-Christ, au jour de son baptême : Voilà mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances. (Saint Matthieu, III, 17.) Rapprochez-les de ces autres paroles de saint Paul, que Dieu ne glorifiera que ceux qui seront jugés conformes à l'image de son Fils (Rom., VIII, 29, 30), et vous devrez convenir que l'abondance des biens terrestres est loin d'être un témoignage certain de la prédilection divine.

Jésus-Christ étant le chemin, et la vérité et la vie, et nul ne pouvant arriver au Père, si ce n'est par lui, ne faut-il pas reconnaître que les richesses sont ce qu'il les a appelées, un fardeau, un embarras, un piége sur notre route, un grand obstacle à notre marche vers le but suprème? Rien donc de plus digne de la bonté du Père qui nous appelle aux cieux que d'alléger le poids qui nous entraîne vers la terre, en exauçant cette prière que lui-même nous a dictée: Ne m'envoyez ni la mendicité ni les richesses, mais donnez-moi le nécessaire à la vie, de peur que l'abondance ne m'emporte à nier et à dire : Qui est donc le Seigneur? ou que la misère ne me pousse à dérober, et à parjurer le nom de mon Dieu (1).

(1) Proverbes, XXX, 8, 9.

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