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sons. Que serait-ce donc si nous pouvions reproduire ici en abrégé les études et les observations zoologiques des pluscélèbres naturalistes, à partir d'Aristote et de Pline jusqu'à Buffon et Cuvier ?

Mais assez sur la théologie des animaux.

CHAPITRE IV.

Théologie des astres.

Comment se font les athées.

D. Les astres! voilà des théologiens, sinon plus éloquents, du moins mieux connus et plus écoutés que les herbes et les insectes. Il y a longtemps que les bonnes femmes elles-mêmes se moquent des athées en leur disant : Vous n'avez donc jamais vu le ciel par une belle nuit.

R. L'argument est, en effet, aussi ancien que le genre humain, et à la portée de tous les esprits. Il était jugé irrésistible, alors que tous, savants et ignorants, ne voyaient dans les cieux que ce que l'œil nu y découvre, une belle voûte éclairée par deux mille flambeaux; et le nombre imperceptible des athées faisait que les uns en niaient l'existence, et que les autres les rangeaient dans la catégorie des monstres.

Quand les saturnales du seizième siècle vinrent semer partout des germes d'athéisme que le siècle suivant devait confier aux boues chaudes du dix-huitième siècle, il fut à propos que l'Europe acquit de nouvelles armes contre les légions d'athées que l'enfer allait mettre en campagne. On ne saurait trop admirer le bienheureux hasard qui fit découvrir alors le microscope et le télescope. Ces deux instruments révélèrent, sur la terre et dans les cieux, de nouveaux mondes infiniment supérieurs par la beauté et le nombre à ceux que les Colomb, les Gama et les Vespuce signalaient au sein des mers.

Sans sortir de nos cabinets et de nos jardins d'hiver, nous apprîmes à parcourir des régions totalement inconnues, et à faire en quelques jours plus d'observations curieuses qu'un voyageur n'en peut recueillir dans une excursion autour du monde. Les miracles d'organisation qui brillent dans les plus petites espèces végétales et animales, où rien n'est abandonné au hasard, ont fait évanouir la vieille erreur des générations aveugles et fortuites, dues à la fermentation terrestre sous l'action solaire; erreur accréditée parmi les anciens, et que Virgile a célébrée dans ses vers immortels. Si cette vieillerie compte encore quelques rares champions dans nos académies, la raison en est que le microscope ne peut guérir certains esprits de la frayeur que leur inspire un Dieu qui porte trop loin le goût des détails.

La révolution opérée par le télescope dans les idées astronomiques ne fut pas moins prodigieuse. La voûte de cristal dut faire place aux espaces sans limite nécessaires aux évolutions de millions de mondes immenses, succédant aux deux mille flambeaux.

Le grand luminaire, que les poëtes faisaient coucher chaque nuit dans l'Océan, alla se placer à environ trentehuit millions de lieues, et son volume réel, mesuré avec une rigueur géométrique, surpassa quatorze cent mille fois celui de notre terre. Les vingt et quelques planètes, grandes et petites, qui forment le cortége connu du soleil, n'ont pu dérober à nos calculs la durée de leur révolution autour de leur centre; révolution qui s'accomplit en quelques mois dans Mercure et Vénus, et qui demande plus d'un siècle et demi dans Neptune (1). Les comètes elles-mêmes, qui déconcertent autant les astronomes par leur soudaine apparition et leurs capricieuses allures, qu'elles nous effrayent souvent par l'énormité de leur queue (2), commencent aussi à dé

(1) Nom de la planète découverte en 1846 par M. Leverrier. On évalue la durée de sa révolution à cent soixante-cinq ans, et sa distance au soleil à celle de la terre multipliée par 30.

(2) La queue de la comète de 1843 était de 61 millions de lieues.

mentir le système de ceux qui voulaient n'y voir que des signaux du ciel ou des jeux effrayants de l'aveugle nature. On en compte déjà une demi-douzaine dont la route est assez connue pour qu'on calcule leur retour avec une certaine justesse.

Enfin, la prodigieuse vitesse que Cicéron admirait dans les astres (1), que pouvait-elle être, comparée à la vitesse de notre globe, parcourant sept lieues par seconde, vitesse néanmoins cent soixante mille fois surpassée par telle étoile autrefois appelée fixe?

D. Ceci est incroyable; une telle vitesse supposerait plus d'un million de lieues par seconde.

R. Je n'entreprendrai pas de vaincre votre incrédulité sur cet article; qu'il me suffise de vous indiquer mon auteur, M. Bessel, astronome de Berlin, et de vous donner l'adresse de l'admirable coureuse, que vous trouverez no 61 de la constellation du Cygne.

Dans l'immensité des cieux, révélée par le télescope, qu'est-ce que notre système solaire? Y figure-t-il beaucoup plus qu'un animalcule microscopique dans une société d'éléphants? Il échapperait vraisemblablement à notre œil, s'il nous était donné de le contempler du point qu'occupe la moins éloignée des étoiles. Nous pourrions toutefois nous consoler de sa disparition par l'étude des astres innombrables qui défient la puissance de nos instruments, et ne nous apparaissent la plupart qu'à l'état de poussière lumineuse. Les miracles de patience par lesquels on a obtenu dans ces derniers temps la parallaxe de deux ou trois étoiles, ont indiqué des distances cinq à six cent mille fois plus grandes que celle de la terre au soleil.

Impuissant à mesurer le diamètre de ces globes, proportionné sans doute à leur effroyable distance, le télescope a du moins servi à distinguer des milliers et des millions d'étoiles là où les anciens n'en voyaient aucune. En même

(1) Voy. de Natura Deorum, lib. II, 37.

temps que le microscope permettait aux Leeuwenhoek, aux Lyonnet, de compter jusqu'à trente et quarante mille animalcules dans une goutte de liquide, la lunette d'Herschel lui montrait cinquante mille étoiles dans un très-petit espace. Les fameuses taches appelées nébuleuses, que le célèbre astronome anglais considérait encore comme des amas de matière cosmique tendant à former de nouveaux astres, sont devenues des masses incalculables d'étoiles, depuis que l'énorme télescope de Ross a permis de les mieux étudier.

En somme, dans l'état présent de la science, la prétention de fixer approximativement le nombre des étoiles serait encore plus absurde que l'idée de faire le recensement exact des êtres animés qui peuplent notre globe. L'infini n'est plus une abstraction, une idée philosophique; c'est un fait qui se révèle à nos regards avec une égale puissance, et dans l'incommensurable étendue des cieux, et dans la non moins incommensurable petitesse des mondes que nous foulons aux pieds.

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Concluons. Au jugement des esprits supérieurs et du vulgaire, l'athéisme, sous ses diverses formes, était déjà une grande absurdité alors qu'on n'avait à expliquer que le gouvernement d'un monde habité par quelques milliers d'espèces d'animaux et éclairé par deux ou trois mille réverbères. Que penser des aveugles qui nient l'existence du Gouverneur universel, aujourd'hui que l'univers nous apparaît comme une société infinie d'êtres divers, tous en mouvement, depuis l'animalcule infusoire, à qui il faudrait un siècle pour faire le tour d'une goutte d'eau, jusqu'aux globes immenses qui franchissent en une seconde, sinon des millions, du moins des milliers de lieues?

Revenons à mon point de départ, l'exposition de Londres. Je finis par cette réflexion : Si les travaux de l'industrie humaine offrent assez de suite et d'intelligentes combinaisons pour convaincre de démence quiconque nous contesterait la qualité d'êtres intelligents, le moyen, s'il vous plaît, de nier ou de mettre en doute l'existence du

génie tout-puissant qui, de tant de milliards de chefs-d'œuvre, si contrastants entre eux, formé un seul tout conciliant l'unité parfaite avec la variété infinie!

D. Il ne resterait plus qu'à expliquer ce mystère : comment il y a des athées, et comment cette espèce s'est multipliée en raison des progrès scientifiques. Croyez-vous qu'il y en ait de sincères ?

R. Laissant à Dieu le jugement des cœurs, je me borne à constater le fait, qui n'est ignoré de personne. L'athéisme a eu dans le dernier siècle de nombreuses écoles, et si aujourd'hui il ne compte que deux ou trois champions avoués, il n'en est pas moins certain qu'il a fait partout de grandes conquêtes, sous la forme moins hideuse du panthéisme et du scepticisme; de sorte que la classe militante des esprits se divise nettement, de nos jours, en athées de catégories diverses, et en chrétiens plus ou moins prononcés.

Quant à l'explication du fait, elle est des plus faciles. Ignorance, irréflexion, orgueil, telles sont les trois causes, très-connues et très-suffisantes, du progrès de l'athéisme. Les deux premières expliquent ses succès dans les classes. inférieures. L'instruction religieuse est l'unique moyen d'élever la pensée des masses au-dessus de la région des sens. Dès que cette lumière leur manque, elles sont sans défense contre les plus grossières erreurs; prêchez-leur l'athéisme comme on le fait depuis longtemps, vous aurez beaucoup d'athées.

L'orgueil, avec l'aide des passions animales, crée les prédicants de l'athéisme. Et pour devenir fécond en productions de ce genre, l'orgueil n'a pas toujours besoin de monter à son paroxysme : la vanité y suffisait il y a quatre-vingts ans. Diderot niait Dieu dans ses écrits, par le même calcul qui le portait à se promener en robe de chambre et bonnet de nuit, dans les capitales du Nord, avec un laquais chargé de dire aux curieux : « C'est le philosophe Diderot! » — L'astronome Lalande faisait parade d'athéisme, comme il affectait de manger des araignées en présence des dames

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