Page images
PDF
EPUB

qui puisse lui être comparé pour le nombre et le poids de ses croyants.

Ne s'ensuivrait-il pas qu'il est le plus croyable des livres, le mieux fondé en moyens de conviction?

D. Le catéchisme catholique a fait et fait encore des croyants, cela n'est pas douteux; mais fait-il des philosophes, c'est-à-dire des esprits assez éclairés pour comprendre ce qu'ils croient et se rendre raison de leur croyance?

R. Oui, certes, et la preuve en est 1° dans la foi des cinquante générations catholiques qui nous ont précédés. Ces milliards d'hommes auraient-ils donc adopté à l'aveugle une religion dont la profession fut longtemps un arrêt de mort, et qui n'a cessé de dire à ses croyants: Mortifiez votre orgueil et crucifiez votre chair? N'auraient-elles porté aucune lumière dans les esprits, ces doctrines catholiques que tant de beaux génies ont défendues, développées dans des milliers de volumes, que tant de sublimes artistes ont symbolisées dans une infinité de monuments qui commandent toujours notre admiration?

[ocr errors]

La preuve en est 2° dans tout ce qu'il y a au monde de catholiques instruits de leur religion. Interrogez les enfants qui ont achevé leur cours de catéchisme, et vous verrez, comme le dit M. Jouffroy, qu'ils ont sur les matières les plus ardues des idées nettes, bien arrêtées, bien liées, et qui ne laissent sans réponse aucune des grandes questions qui intéressent l'humanité.

La preuve en sera 3o dans le cours de cet ouvrage. L'exposé des doctrines du catéchisme vous convaincra, j'espère, qu'elles sont très-intelligibles, même dans ce qu'elles ont de plus élevé. L'examen des fondements sur lesquels repose leur certitude, vous fera sentir la vérité de ce mot de Tertullien aux empereurs de Rome: La foi chrétienne n'a à redouter que les jugements de l'ignorance (1).

(1) Apologétique, ch. 1.

DEUXIÈME QUESTION.

Si la méthode du catéchisme catholique a tellement vieilli, qu'elle doive faire place à la méthode rationaliste.

D. Vous avez très-bien prouvé que le catéchisme catholique a répandu de grandes lumières; mais ces lumières contiennent-elles assez de philosophie pour répondre aux besoins actuels des intelligences? Plusieurs le nient et beaucoup en doutent.

R. Et quelle raison donnez-vous de ces négations et de ces doutes?

D. La voici : Le catéchisme se fonde sur la révélation divine et ne donne pour garantie de ses doctrines que l'autorité de Dieu parlant par l'Église. La philosophie, au contraire, n'invoque que la raison, ne s'appuie que sur les lumières de l'évidence, produites par une discussion approfondie. La méthode catholique, nécessaire à la première éducation des peuples, pourrait ne plus suffire aujourd'hui que les esprits, las de croire sur le témoignage, veulent voir par eux-mêmes et soumettre aux investigations de la science les oracles de leur vieille foi.

R. Voilà bien les prétentions de la philosophie rationaliste, prétentions aussi vieilles et plus vieilles que la foi catholique.

Qui donc, parmi les philosophes de l'antiquité, a jamais ouvert une école sans promettre à ses disciples que le soleil de la raison allait se lever pour eux et les inonder des pures lumières de l'évidence? Et, depuis que le soleil chrétien eut créé dans les moindres bourgs de l'Orient et de l'Occident plus de vrais sages que n'en avait comptés la Grèce entière, que de maîtres de philosophie ont dit aux enfants de la foi: Nous sommes, nous, les hommes de la science; prêteznous l'oreille, et nous vous donnerons l'intelligence de ce que vous croyez en aveugles! Tel était le programme de

cette infinité de sectaires des premiers siècles qui se décoraient du nom de gnostiques, c'est-à-dire savants. Tel a été celui des hérésiarques, grands et petits, qui se sont succédé depuis Arius jusqu'à Luther, et depuis celui-ci jusqu'aux chefs actuels des sectes les plus obscures. Tous ont proclamé la majorité de l'esprit humain; tous se sont donné la mission de l'élever des ténèbres de la foi aux splendeurs de la science.

Les prétentions de nos rationalistes manquent donc du mérite de la nouveauté. Montrons que, si elles furent excusables dans les philosophes de l'ancien monde, elles sont aujourd'hui d'un parfait ridicule.

Au siècle des Thalès et des Pythagore, alors que les habitants demi-sauvages de l'Europe étaient en proie aux plus grossières erreurs, les esprits graves qui se mirent à observer, à réfléchir, n'eurent pas de peine à reconnaître la vanité des croyances communes. Que, enhardis par ce premier succès et par la découverte de quelques vérités secondaires, ils se soient flattés de déchirer le voile de ténèbres qui couvre les questions capitales de la science, on le conçoit. Que voulez-vous? la présomption est naturelle aux débutants, et la puissance du savoir humain n'a jamais eu de plus chauds admirateurs que les demi-savants et les écoliers.

Mais aujourd'hui que nous avons sous les yeux le produit net des travaux philosophiques exécutés par les plus vigoureux esprits durant vingt-cinq siècles; aujourd'hui que les porte-drapeaux de la philosophie rationaliste confessent que cette lumière des lumières ne voit encore rien, que cette science des sciences en est encore à ignorer quel est son objet (1), y a-t-il du bon sens à venir nous dire

(1) « L'objet précis de cette science (la philosophie) n'a pas encore été déterminé, et voilà ce qui a fait faillir et les tentatives d'Aristote, et celles de Bacon, et celles de Descartes, pour réformer la philosophie proprement dite. » M. Jouffroy, dans l'écrit posthume publié par M. P. Leroux, dans la Revue indépendante, 1er novembre 1842.

que la méthode catholique a fait son temps, qu'elle doit faire place à la philosophie, et que les peuples sont assez éclairés pour se décider en toutes choses par les lumières de l'évidence?

[ocr errors]

Inviter deux cents millions de catholiques à mépriser les réponses du catéchisme pour écouter celles de la philosophie, qui toutes se réduisent à celle-ci : « Je n'en sais rien; prétendre que chacun d'eux pourra, en quelques années et à l'aide de sa raison, découvrir cette vérité première que les plus profonds raisonneurs du monde ont vainement cherchée depuis deux mille et cinq cents ans, n'est-ce pas reculer les bornes du ridicule?

D. Sans doute la philosophie n'a rien dans son passé qui justifie ses dédains pour la foi, mais ses espérances pour l'avenir ne trouvent-elles pas quelque fondement dans les progrès miraculeux de l'esprit moderne? On eût traité de visionnaire ridicule celui qui, en 1750, eùt prédit que, avant un siècle, les habitants des extrémités de l'Europe auraient le moyen de se donner de leurs nouvelles en quelques minutes et de se toucher la main en moins d'une semaine. La réalisation de ces prodiges ne devrait-elle pas imposer quelque réserve à ceux qui défient la raison humaine de résoudre les problèmes qu'elle n'a pas encore résolus?

R. Voudriez-vous donc confondre les problèmes de l'ordre religieux et moral avec ceux de l'ordre physique, tels que la télégraphie électrique et nos machines à vapeur? Entre autres différences, en voici une que je recommande à votre attention.

Les forces employées dans le télégraphe et les locomotives existent dans la nature; il s'agissait donc non de les créer, mais de les reconnaître. Depuis longtemps les physiciens étudiaient les propriétés du fluide électrique et considéraient la vapeur comme une puissance motrice (1).

(1) Voy., dans l'Annuaire du Bureau des longitudes pour 1829, la Notice de M. Arago sur les machines à vapeur.

L'art de s'avertir de loin par des signaux, connu dans l'antiquité, avait donné aux modernes l'idée de s'écrire de loin (télégraphe), idée que les frères Chappe réalisèrent à la fin du dernier siècle. On savait aussi que, pour accélérer la marche d'une voiture ou d'un navire, il n'y avait qu'à augmenter la force d'impulsion et à diminuer la force de résistance. Il ne restait qu'à rapprocher ces données diverses et à se dire: Voyons si ce fluide électrique, avec lequel nous produisons instantanément à de grandes distances de si singuliers effets, ne pourrait pas transmettre le signe matériel de la pensée. Voyons si la vapeur, capable de nous emporter dans les airs, ne pourrait pas accélérer nos mouvements sur la terre et sur l'onde. En un mot, ces belles inventions étaient préparées par les progrès antérieurs, et on peut dire que les deux problèmes se trouvèrent résolus, le jour où ils furent nettement formulés.

Il n'en est pas ainsi du fameux problème philosophique : Démontrer, par les seules lumières de la raison humaine, quelle est la cause première et finale de tout ce qui existe, notamment de l'homme. Voilà bien des siècles qu'il a été clairement posé et vigoureusement agité par cent écoles de philosophie, sans qu'il ait fait un pas.

Nous avons constamment progressé, et nous pouvons nous promettre de progresser toujours plus dans les arts, c'est-à-dire dans la connaissance et l'emploi des forces de la nature, pourquoi? Parce que, dès l'origine, les hommes ont eu quelques connaissances élémentaires des forces de la nature, et que les connaissances acquises servent à l'acquisition de nouvelles connaissances. Mais qu'ont-ils découvert dans l'ordre métaphysique? Rien. Rien ne se faisant de rien, les chances pour les découvertes à venir se réduisent donc à zéro, et nos progrès dans l'étude du monde matériel ne font que mieux constater notre impuissance dans le monde intellectuel.

Il y a plus le problème, tel qu'il est posé par les philosophes rationalistes, est une absurdité, et ne peut être

« PreviousContinue »