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d'éterniser mon nom et mon amour dans les cœurs, et d'y opérer des prodiges sans le secours de la matière.

« Maintenant que je suis à Sainte-Hélène..., maintenant que je suis seul cloué sur ce roc, qui bataille et conquiert des empires pour moi? Où sont les courtisans de mon infortune? Pense-t-on à moi? Qui se remue pour moi en Europe? Qui m'est demeuré fidèle? Où sont mes amis? Oui, deux ou trois que votre fidélité immortalise, vous partagez, vous consolez mon exil!.....

<< Telle est la destinée des grands hommes ! Celle de César et d'Alexandre, et l'on nous oublie ! et le nom d'un conquérant, comme celui d'un empereur, n'est plus qu'un thème de collége! Nos exploits tombent sous la férule d'un pédant qui nous loue ou nous insulte.

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Que de jugements divers on se permet sur le grand Louis XIV ! A peine mort, le grand roi lui-même fut laissé seul, dans l'isolement de sa chambre à coucher de Versailles..., négligé par ses courtisans, et peut-être l'objet de la risée. Ce n'était plus leur maître ! c'était un cadavre, un cercueil, une fosse, et l'horreur d'une imminente décomposition.

« Encore un moment, voilà mon sort et ce qui va m'arriver à moi-même... Assassiné par l'oligarchie anglaise, je meurs avant le temps, et mon cadavre aussi va être rendu à la terre pour y devenir la pâture des vers.

« Voilà la destinée très-prochaine du grand Napoléon... Quel abîme entre ma misère profonde et le règne éternel du Christ, prêché, encensé, aimé, adoré, vivant dans tout l'univers... Est-ce là mourir? n'est-ce pas plutôt vivre? Voilà la mort du Christ! voilà celle de Dieu ! »

L'empereur se tut, et comme le général Bertrand gardait également le silence: « Si vous ne comprenez pas, » reprit l'empereur, « que Jésus-Christ est Dieu, eh bien ! j'ai eu tort de vous faire général (1)!!!

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(1) Voy. Réflexions de Napoléon sur la divinité du christianisme, Solution de grands probièmes, t. I, p. 336 et suiv.

Concluons.—Si le spectacle de l'univers physique démontre l'action incessante de l'éternel Ordonnateur sur la matière, ainsi que nous l'avons vu dans l'étude du premier fait, le spectacle du christianisme toujours vivant dans cette nature humaine qui lui oppose tant de résistance, ne prouverait-il pas que le fondateur du monde chrétien est, comme le créateur du monde physique, l'être vivant par excellence?

Pour le moment, bornons-nous à constater la réalité de la vie humaine et historique de Jésus-Christ, et, revenant à notre première comparaison, résumons ainsi nos preuves : Si nul ne peut révoquer en doute l'existence historique de l'empire romain sans faire preuve d'une rare folie ou d'une ignorance fabuleuse, comment qualifier convenablement les écrivassiers et discoureurs qui prétendent faire de Jésus-Christ un être de raison, une création fantastique?

CHAPITRE II.

Que le caractère historique de Jésus-Christ est celui de restaurateur universel des droits de Dieu et de l'humanité.

D. Qu'entendez-vous par restaurateur universel des droits de Dieu et de l'humanité?

R. Je veux dire que le genre humain est redevable à Jésus-Christ de la révolution la plus vaste et la plus heureuse qu'il soit possible de concevoir, et que ce bienfait, comparé aux travaux des plus grands hommes, élève son auteur infiniment au-dessus de tous les réformateurs religieux et sociaux que nous vante l'histoire.

Vous n'ignorez pas que, à l'époque où parut Jésus-Christ, l'ignorance et le mépris des droits de Dieu et de l'humanité a vaient atteint leur dernière limite, et qu'ils n'étaient nulle part plus grands que chez les deux nations les plus renommées par le savoir et la puissance : les Grecs et les Romains.

A l'exception de la famille juive, qui alors se souvenait du Dieu des dieux, du monarque éternel, infini, dont l'universalité des êtres démontre à tout esprit judicieux l'existence, l'unité, la sagesse et la puissance adorables, à qui s'adressaient les hommages et les prières qui ne sont dus qu'au père de toutes les existences? Ils s'adressaient à une infinité de divinités fantastiques, ridicules, monstrueuses, dont l'histoire et le culte étaient un tissu d'absurdités et d'abominations. « Tout était Dieu, excepté Dieu lui-même, dit Bossuet, et le monde était un temple d'idoles........ Qui oserait raconter les cérémonies des dieux immortels et leurs mystères impurs? Leurs amours, leurs cruautés, leurs jalousies et tous les autres excès, étaient le sujet de leurs fêtes, de leurs sacrifices, des hymnes qu'on leur chantait et des peintures que l'on consacrait dans leurs temples.... Il n'y avait nul endroit de la vie humaine d'où la pudeur fùt bannie avec plus de soin qu'elle ne l'était des mystères de la religion (1). »

École permanente d'immoralité, l'idolâtrie était, de plus, la consécration solennelle des préjugés nationaux, des antipathies de peuple à peuple, de cité à cité. Comme autant de chefs de partis jaloux et irréconciliables, les dieux et déesses de chaque pays fractionnaient la famille humaine en milliers de sectes ennemies et entretenaient dans leurs adorateurs le mépris et la haine de quiconque restait étranger à leur culte.

Enfin, à force de dégrader la divinité, en l'attribuant aux êtres les plus abjects, la théologie païenne devait enfanter l'athéisme. Lucile et Lucrèce, s'armant du fouet de la satire contre cette tourbe ignoble de dieux mâles et femelles, dont le catalogue s'élevait à trente mille dès le temps de Varron, remirent en honneur la philosophie matérialiste d'Épicure, réduisirent la religion des grands au culte de la volupté, et leur politique à ce mot de Jules César : L'espèce humaine

(1) Discours sur l'hist, univ.

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est une proie jetée aux plus forts. Aussi, la société domestique et civile offrait-elle partout le spectacle barbare de la force se jouant sans pitié des souffrances et de la vie de l'innombrable troupeau des petits et des faibles.

Quelle condition humiliante et cruelle que celle des femmes, là même où la polygamie n'en faisait pas un vil bétail au service de l'homme !

Quelle affreuse inhumanité dans l'usage où étaient les parents d'étouffer à leur naissance ou de jeter à la voirie une partie de leurs enfants! Usage tellement commun, que Tertullien, réfutant l'accusation absurde d'infanticide jetée aux chrétiens, ne craint pas de porter ce défi à leurs accusateurs et à leurs juges : « Parmi vous, qui êtes altérés du sang chrétien, et parmi vos magistrats les plus intègres et les plus sévères envers nous, combien y en a-t-il qui puissent me jurer sur leur conscience qu'ils n'ont jamais trempé leurs mains dans le sang de leurs nouveau-nés (1) ? »

Quelle barbarie dans les traitements infligés aux esclaves, qui par le nombre formaient l'immeuse majorité de la population, et dont le massacre dans l'amphithéâtre était le plus agréable passe-temps des maitres du monde !

Quelle inhumanité encore dans les guerres d'extermination par lesquelles Rome, transformant les contrées les plus populeuses du monde en déserts habités par quelques soldats et esclaves, établissait son empire sur la dépopulation de l'univers (2)!

Pour le salut, mème temporel, du genre humain, rien n'était donc plus nécessaire que le triomphe de la loi évangélique, renversant les brutales institutions de l'idolatrie, de l'athéisme, et fondant l'ordre religieux et social sur ces deux préceptes vraiment nouveaux : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, et vous ne servirez que lui seul. Vous aimerez tous les hommes comme vous

(1) Apologétique, ch. 9.

(2) Montesquieu, Esprit des lois, liv. XXIII, ch. 18-19.

même. Cette révolution, qui a changé la face du monde, ne mérite-t-elle pas à son auteur le titre de restaurateur universel des droits de Dieu et de l'humanité?

D. La plupart des incrédules ne font aucune difficulté de reconnaître dans le Christ le révélateur et le propagateur des deux grands principes de la civilisation universelle, l'unité de Dieu et la fraternité humaine. Mais ils voudraient qu'on s'en fût tenu là, et ils accusent ses disciples d'avoir altéré la belle simplicité de la doctrine et de la vie de Jésus-Christ par des dogmes inintelligibles et des légendes fabuleuses.

R. Oui, les incrédules sont ennemis des mystères et des miracles. Il y a une chose qu'ils ne pardonneront jamais aux apôtres et à leurs successeurs : c'est de n'avoir pas été d'honnêtes déistes, combattant les erreurs et les vices par de belles phrases qui ne dérangent les allures de personne. Pour ruiner le culte immémorial des idoles et faire passer le monde des institutions religieuses et sociales les plus exécrables sous la loi de l'Évangile, ces messieurs s'imaginent qu'il aurait suffi à Pierre, à Paul, à Jean, etc., d'aller dire aux peuples de l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi : « Nous vous annonçons une grande nouvelle que nous tenons d'un honnête charpentier de notre pays, injustement mis à mort par les magistrats de la Judée. Cette nouvelle, la voici : Il n'y a qu'un Dieu au ciel, et tous les hommes sont frères. Tenez-le donc pour dit, et hâtez-vous de briser vos idoles, de traiter plus humainement vos femmes, vos enfants, vos esclaves. »

Certes, rien de plus simple que l'Évangile ainsi réduit; mais vous conviendrez, je pense, que la conversion du monde idolâtre par un tel système d'évangélisation serait le plus étrange des mystères, le plus incroyable des miracles.

Il est de notoriété historique que le polythéisme n'a été détruit que par la foi au Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et par l'invincible constance des premiers chrétiens à livrer

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