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de cette mortelle léthargie, puissiez vous être saisis d'une sainte frayeur à la vue du péril qui vous menace, puissiez-vous en venir à désespérer de vous-mêmes, afin que ce Jésus que vous ne voyez pas, que vous ne comprenez pas, que vous ne désirez pas, auquel vous ne croyez pas, auquel vous ne pouvez même pas croire, aussi long-temps que vous dormirez du sommeil de la mort, puisse se présenter à vous, recontrer votre âme et vous dire à salut: Je suis le chemin, la vérité, la vie.

Pour vous, chrétiens, vous n'êtes point dans les ténèbres, pour que le jour de Christ vous surprenne comme un larron; vous êtes enfans de la lumière et du jour, vous n'êtes point enfans de la nuit ni des ténèbres (1). C'est pourquoi, souvenez-vous que ce n'est point assez d'être entré dans le chemin du royaume des cieux, mais qu'il faut y marcher, y courir, y tendre à la perfection; que ce n'est point assez de connaître la vérité, mais qu'il faut l'aimer tous les jours davantage et y faire sans cesse de nouveaux progrès; que ce n'est point assez d'avoir la vie, mais qu'il faut croître dans cette vie, travailler à la développer et à la féconder en vous. Rappelez-vous ensuite que si Dieu a placé vos pas dans le chemin du salut, c'est afin que vous appeliez les âmes qui errent encore dans le désert de ce monde; que si vous avez reçu la connaissance de la vérité, c'est afin que vous la confessiez devant les

(1) 1 Thess. V, 4, 5,

hommes; que si le Seigneur vous a donné la vie, c'est afin que vous la manifestiez et la communiquiez au-dehors. Dites-vous bien enfin, qu'en entrant dans la voie étroite de Christ, vous avez par cela même renoncé à toutes les voies obliques et tortueuses du monde, qu'en embrassant la vérité telle qu'elle est en Jésus, vous avez fait profession d'abjurer toute erreur, tout mensonge, toute duplicité; qu'en naissant à la vie divine, vous vous êtes engagés dans une lutte à mort contre le péché. Ainsi donc, qu'il y ait humilité dans vos cœurs, puisque vous ne vivez que de grâce; simplicité dans vos habitudes, puisque vous êtes les disciples du Crucifié ; franchise et vérité dans vos discours, puisque vous avez pour maître celui qui se nomme par excellence la vérité; pureté dans toute votre conduite, puisque vous faites profession d'aimer et de servir l'innocent et le juste; charité enfin dans toute votre vie, puisque vous ne vous croyez sauvés que par le sacrifice du Rédempteur adorable qui par amour pour vous s'est livré à la mort de la croix, et qui sur la croix a prié pour ses bourreaux. Or, à l'égard de tous ceux qui suivent cette règle, que la paix et la miséricorde soient sur eux et sur l'Israël de Dicu (1).

(2) Gal. VI, 16.

LA PERPÉTUITÉ DU CHRISTIANISME (1).

Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. Matth. XXIV, 35.

La sentence de Jésus-Christ, que j'ai choisie pour sujet de ce discours, a un sens restreint et un sens absolu. Dans son sens restreint elle signifie, que toutes les prédictions que le Sauveur du monde venait de de faire concernant la ruine de Jérusalem et la dispersion des Juifs, auraient leur infaillible accomplissement; et nous avons pour preuve de l'exacte vérité de ces paroles envisagées sous ce premier point de vue, non pas des suppositions, non pas des raisonnemens, mais des faits appuyés du témoignage le plus authentique et le plus irrécusable. C'est un historien juif en effet, qui par son indifférence affectée et son orgueilleux mépris pour l'Évangile et ses confesseurs, plus encore que par sa haine, a montré combien peu il était

(1) Prêché le 20 janvier 1833, jour de l'ouverture de la chapelle Taitbout, précédemment occupée par les SaintSimoniens, qui y avaient plus d'une fois déclaré que le christianisme était mort, pour ne plus se relever.

disposé à prêter son appui à la cause de Christ, c'est Josephe, qui s'est chargé de nous faire l'histoire et de nous rapporter les détails d'une guerre et d'un siége, qui ont duré sept ans et demi; c'est lui qui a compté ces quatorze cent mille hommes enlevés, dans cet espace de temps, par le fer ou par la famine; c'est lui qui nous a présenté le tableau d'une ville assiégée par un ennemi formidable au dehors, et livrée intérieurement à toutes les horreurs de la guerre civile, de l'anarchie et de la disette; c'est lui qui nous a montré des mères, dans le désespoir et la rage de la faim, se nourrissant des membres palpitans deleurs enfans, les aigles romaines pénétrant dans le sanctuaire, et y portant l'abomination et la désolation (1), le temple rasé jusque dans ses fondemens, malgré les précautions prises pour conserver ce chef-d'œuvre de l'art; c'est lui enfin qui nous a transmis le souvenir de ces prodiges étonnans dans les airs, de ces signes remarquables sur la terre, et de toutes ces circonstances inouies qui ont précédé, accompagné et suivi la destruction d'une ville incrédule et meurtrière, et qui ont fait du sac de cette vaste cité un événement tel que, selon les propres paroles du Sauveur, il n'y en a point eu de semblable (2) depuis le commencement du monde. Leçon terrible donnée aux incrédules de tous les temps et de tous les lieux, et destinée à leur apprendre que la patience de

(1) Matth. XXIV, 15.

(2) Matth. XXIV, 21.

Dieu a des bornes, et que quand on a résisté volontairement et obstinément à sa grâce, cette grâce se retire pour faire place à la justice !!

Prises d'une manière absolue, les paroles de JésusChrist ont un sens plus vaste et plus magnifique encore. Elles signifient que la doctrine du Sauveur dans ses promesses et dans ses préceptes est immuable et impérissable; qu'elle subsistera non seulement autant que ce monde, mais que quand ce monde, qui doit périr aura passé, elle fera encore dans ces nouveaux cieux et dans cette nouvelle terre où doit habiter la justice (1), l'éternelle paix de tous ceux qui auront cru ici-bas au Sauveur. C'est sous ce dernier point de vue que je me propose de les envisager aujourd'hui avec vous, mes bien-aimés frères. La permanence de la foi, la perpétuité du christianisme, tel sera, moyennant le secours de la grâce de Dieu, le sujet de cette méditation. Le choix de cette matière m'a été en quelque sorte commandé par la solennité de ce jour. Ayant à prêcher pour la première fois dans un local où, il n'y a que quelques mois, l'on annonçait avec une inconcevable assurance, la chute prochaine du christianisme, et qui aujourd'hui, vous en êtes témoins, est converti en une chapelle chrétienne, était-il possible qu'un autre texte se présentât à mon esprit?

Demandez donc à Dieu, chrétiens mes bien-aimés

(1) 2 Pierre III, 3.

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