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émises sur des termes comme artichaut, arsenal, avanie, avarie, caraque, escarpin, nuque, siroc, etc. L'examen de quelques ouvrages scientifiques arabes, dont les traductions latines étaient fort répandues au moyen âge, mais dont le texte arabe n'a jamais été publié, notamment le grand traité de médecine de Razi (Rhasès) et le traité d'alchimie de Geber, nous a permis d'établir avec certitude l'existence, chez les Arabes, de divers noms de plantes, de drogues, d'instruments, qui manquent dans les dictionnaires classiques, ou dont l'authenticité restait douteuse; nous avons pu reconnaître ainsi l'origine orientale d'un certain nombre de termes de cette espèce, et nous expliquer par quelle voie ils avaient pris pied chez nous.

En résumé, le nouveau dictionnaire comprend environ sept cents articles. Le nombre des mots français dont l'origine y est recherchée s'élève à près de mille, dont les trois quarts, quelle qu'en soit l'origine première, nous sont venus par l'arabe avec ou sans l'intermédiaire des langues hispaniques, du provençal et de l'italien. Presque toujours, à côté du mot français, on trouvera les termes congénères des autres langues romanes, suivant l'excellent exemple donné par M. Littré, procédé de comparaison grâce auquel un travail spécialement fait en vue du français peut néanmoins offrir quelque utilité pour l'étude étymologique de ces autres idiomes. Un double index, très-complet, des mots européens et des mots orientaux, placé à la fin du volume, favorisera les recherches, même pour un grand nombre de termes français qui ne figurent point à leur ordre alphabétique.

Quelques personnes nous reprocheront peut-être d'avoir grossi notre liste de mots absolument étrangers à la langue courante, de noms d'étoiles, comme Bételgeuse, Enif, Thuban, Wéga, de noms de plantes ou d'animaux comme alvarde, alhagée, harmale, ketmie, argan, zéen, jubarte, etc. D'autres, au contraire, regretteront de n'y pas trouver beaucoup de ces termes orientaux qui abondent dans maintes relations de voyageurs amoureux de couleur locale. Sans prétendre vanter l'utilité de nos additions ni blâmer ceux qui voudraient les accroître, nous dirons seulement que, forcé de nous limiter sous peine de transformer ce livre en dictionnaire oriental, nous avions pris pour règle presque absolue de nous en tenir aux termes relevés dans les dictionnaires français les plus répandus, tels que ceux de Littré, Boiste, Bescherelle et dans le Dictionnaire des sciences de Bouillet.

On trouvera cependant, groupés sous les titres ALCHIMIE et ASTRONOMIE, un assez grand nombre de termes appartenant à ces deux sciences, jadis usités, mais que les dictionnaires modernes ont généralement rejetés. Bien que nous ayons mis tous nos soins à n'oublier aucun vocable français dont l'origine arabe, turque, persane, hébraïque ou malaise nous ait paru assurée ou probable, il est possible que plus d'un nous ait échappé. Sans doute aussi nos affirmations et nos hypothèses ne paraîtront pas ne paraîtront pas toutes exemptes d'erreur.

Nous accueillerons avec satisfaction et reconnaissance les critiques, les corrections, les observations de toute nature, auxquelles notre travail pourra donner lieu.

1

Nous devons déjà des remercîments à plusieurs savants orientalistes, notamment à M. Defrémery, professeur au Collège de France, à M. Baudry, conservateur à la Bibliothèque Mazarine, à M. Carrière, répétiteur à l'École des Hautes Études, qui, sur plusieurs points, ont bien voulu nous communiquer d'excellentes remarques ou nous fournir d'utiles indications. Je dois beaucoup aussi à la grande érudition médicale de mon regretté frère, le docteur O. Devic, qu'une mort prématurée a surpris au milieu de ses recherches touchant l'histoire de la médecine et des sciences naturelles. Mon travail, malheureusement, était encore fort peu avancé, lorsque j'ai été privé de sa précieuse collaboration. Avec son secours peut-être eussé-je mieux réussi à satisfaire au vœu exprimé par Zamakhschari en ces quatre lignes rimées que nous avons

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prises pour épigraphe, bien qu'elles s'appliquent, dans la pensée du pieux écrivain arabe, à une science moins profane que l'étymologie :

مثـل الحـق والــبــرهـان لم أر فـــــرســــــى رهـــــان

ولا عدمتهما من متناصرين لله درهــا مــتخــاصــريـــن

Ce que M. Barbier de Meynard rend ainsi, dans son élégante traduction des Colliers d'or : « Je n'ai jamais vu deux coursiers marcher d'un aussi égal que pas la Vérité et la Science de l'argumentation. Oh! les belles

compagnes, puisses-tu les avoir toujours pour auxiliaires ! »

SYSTÈME ADOPTé dans cet ouvrage pour la TRANSCRIPTION des mots orieNTAUX EN CARACTÈRES LATINS.

Le système de transcription marqué dans le tableau ci-joint est des plus simples. Loin de prétendre à réaliser une représentation rigoureusement exacte des termes arabes et autres, chose difficile et d'ailleurs peu nécessaire ici, puisque chaque mot y figure avec ses caractères originaux, on a voulu seulement en marquer approximativement la prononciation, pour les personnes étrangères aux langues orientales, en conservant aux lettres de l'alphabet français leur valeur ordinaire. Peu de remarques sont nécessaires : ch représente l'articulation qui est dans char, gn celle qu'on a dans agneau; s a toujours le son de notre s initial, jamais celui de z; g est toujours dur, même devant e, i; a un son guttural qui le différencie de k; gh est un g dur en turc, et une sorte de r grasseyé en arabe; kh figure assez mal une articulation du gosier inconnue aux Français. Quatre lettres portent un point dessous, h, s, d, t. La première marque un h fortement aspiré; les trois autres correspondent à des prononciations emphatiques de s, d, t, particulières à l'arabe. Pour les deux dernières, cette emphase intraduisible a parfois introduit un 7 dans les dérivés hispaniques, et les Malais les prononcent dl, tl. Même remarque pour le th ou z. Ajoutons enfin que l'apostrophe marque une articulation de la gorge exclusivement propre aux idiomes sémitiques, et qui disparaît presque toujours dans le passage des mots arabes à d'autres langues.

q

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ALCALA (PEDRO DE). Vocabulista aravigo en letra castillana. Grenade, 1505.
BESCHERELLE. Dictionnaire national. Paris, 1849.

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RULAND (MARTIN). Lexicon alchemiæ. Francfort, 1612.

VULLERS. Lexicon persico-latinum etymologicum. Bonn, 1855-1864.

N. B. Plusieurs mots français dont l'étymologie est expliquée dans ce Dictionnaire n'y figurant point à leur ordre alphabétique, le lecteur est prié de consulter l'Index qui termine le volume.

Juillet 1876.

Cette nouvelle édition diffère de la première (in-octavo) en ce qu'on a introduit dans le corps de l'ouvrage les mots du supplément et de l'appendice. Quelques passages ont été légèrement modifiés, des fautes typographiques corrigées, des notes et deux ou trois mots ajoutés (softa, sorbet, tohu-bohu).

Décembre 1876.

DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE

DES

MOTS D'ORIGINE ORIENTALE

(ARABE, HÉBREU, PERSAN, TURC, MALAIS).

ABELMOSC. Esp. abelmosco, latin des botanistes abelmoschus. Cette plante (malvacée), appelée aussi ketmie odorante, vulgairement ambrette ou graine musquée, doit son nom à l'odeur de musc qu'exhalent ses semences, dont la parfumerie tire profit. C'est l'arabe ḥabb el-misk, littéralement graine de musc.

ABIT. Ancien terme de chimie, le blanc de céruse. Si l'on remarque qu'en espagnol la céruse est albayalde; venant de l'arabeli al-bayad, la blancheur, que la même substance est quelquefois nommée par nos anciens alchimistes baiac, qui est le même mot sans l'article, et en leur latin album, on est conduit à regarder abit comme un autre dérivé de la même racine arabe, probablement l'adjectif abiad, blanc. Ce qui tend à confirmer ma conjecture, c'est qu'on trouve aboit comme synonyme d'abit; aboit paraît être une métathèse typographique pour

abiot.

ABOUMRAS. Sterne ou hirondelle de mer. «Le nom que l'on a conservé à cette espèce est celui qu'elle porte en Égypte. Elle arrive en troupes au Caire même, dès le commencement de janvier, et se tient sur les bords du canal de Trajan, où elle fait sa proie des petits poissons que le Nil y dépose, d'insectes aquatiques et d'autres immondices.» (Vieillot, Dict. d'histoire naturelle, t. XXXII, p. 178.) J'ignore comment il faut écrire ce nom en arabe. La première partie paraît être abou, père; on sait que beaucoup de noms d'animaux commencent ainsi. Le grand ouvrage de la commission de l'Institut d'Égypte décrit plusieurs espèces de sterne, sans citer l'aboumras.

'Jean Bauhin donne en outre les formes baccoche, albercocoli. (Histor. plantarum univers.)

2 Il est sans doute inutile de mentionner l'opinion de M. de Chevallet, qui tire directement abricot de præcox, par l'adjonction d'un a qu'il retrouve dans avives. (Orig. et form de la lang. fr. t. II, p. 125.)

A

ABRICOT. La curieuse histoire de ce mot a été faite par Diez, Mahn, Dozy. Parti du latin præcox, précoce, passé chez les Grecs sous la forme paixónov, il a été adopté par les Arabes, qui en ont fait, avec l'article, al-barqouq ou al-birqouq. Puis il est revenu dans les langues romanes albarcoque, alvarcoque, albaricoque, etc. en espagnol ou en portugais; albercocca, albicocca1, en italien; aubricot, arbricot, dans nos patois provinciaux; abricot, en français 2.

On peut être surpris qu'aucun étymologiste, pas même MM. Engelmann et Dozy, dans leur Glossaire des mots espagnols et portugais dérivés de l'arabe, n'ait songé à ranger à côté d'abricot le mot alberge et son correspondant alberchigo3, sorte de pêche ou d'abricot, dont l'origine est certainement la même : albirqouq, en accentuant la dernière syllabe, a donné albaricoque et abricot; en accentuant la pénultième, alberchigo (l'accent tonique est sur ber) et alberge. C'est ainsi, disais-je en présentant pour la première fois cette étymologie", que les doubles formes cadı et alcade, khandjar et alfange, proviennent d'un même terme différemment accentué. Mais cadi et khandjar sont de simples transcriptions de l'arabe, qu'on ne saurait invoquer ici. J'aime mieux m'appuyer sur l'exemple que m'a fourni M. Defrémery: al-fostoq, pistache, est devenu en espagnol alfostigo, dont l'analogie avec alberchigo est évidente. On peut y joindre alhondiga, hôtellerie, de ÿi al-fondouq®, et albondiga, boulette, de ÿ albondouq.

M. Defrémery a objecté contre mon étymologie la difficulté du changement de q en ch espagnol. Mais, dans les langues hispaniques mêmes, l'alternance de ch avec q

3 On peut y joindre l'italien albergese, donné par Baubin. Revue de l'Instr. publ. numéro du 25 janvier 1866, p. 677.

5 Revue critique, numéro du 26 décembre 1868, p. 408. Voy. plus loin FONDE.

7 Journ. asiat., mai-juin 1869, p. 531.

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