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que cette transcription n'est pas rare pour le kh califa, caramo, carcajes). Ajoutons que Gérard de Crémone, dans sa traduction de l'Almansouri de Razi, transcrit aussi le mot par un c: «Alcorsof, id est cardui capita1."

Le P. Ange de Saint-Joseph traduit chardon par les mots شوك,خار کنگرkengher, khār, chauk; khār est persan, chauk est arabe; il serait sans doute puéril de comparer خرشوف kharchouf à une juxtaposition de ces deux derniers termes où l'un semblerait expliquer l'autre.

Pour en revenir à artichaut, ital. articiocco, latin barb. articoctus, articactus, articoccus, on peut y voir des altérations du grec ἀρτυτικός, objet d'assaisonnement, τὰ ἀρτυτικά, têtes d'artichaut, de ἀρτύω, assaisonner. (Voy. M. Defrémery, Journ, asiat. janvier 1862, p. 83.)

M. Dozy, trouvant en espagnol arracije, espèce de chardon, corrompu en arrafiz2, et arrezafe, lieu plein de chardons, croit pouvoir rapprocher ces mots de rasīf, chaussée, disant que l'arracife est le « carduus vulgatissimus viarum. » Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'aller chercher si loin l'explication. Chardon et artichaut sont tout un pour le botaniste, et nous avons vu plus haut کنگر kengher, employé en persan dans l'un et l'autre sens. Il n'est donc pas surprenant que حرشف harchaf plur. حراشيف harachi ait été pris en Espagne pour désigner le cardo arracife. En Algérie, le chardon comestible ou artichaut sauvage est encore appelé خرشف khorchef.

ARZEL. Esp. et portug. argel. De l'arabe ارجل ardel qui comme le français et l'espagnol, se dit d'un cheval ayant les pieds de derrière blancs. Ardjel vient de رجل ridjl, pied, pied de derrière chez les quadrupèdes.

ASSASSIN. Quoi qu'en dise l'annotateur du voyage de Benjamin de Tudèle, dans la collection des Voyages anciens et modernes publiée par M. Charton, personne ne doute aujourd'hui que le nom d'Assassins donné aux Ismaëliens ou Bathéniens ne soit l'adjectif arabe حشاشي hachachī ou حشيشي hachichi, dérivé de حشيش hachich, le hachich (voy. ce mot), boisson enivrante qui jouait un rôle important dans la fanatisation de ces terribles sectaires 5. Vouloir tirer cette appellation de Haçan, leur chef, c'est défendre une opinion désormais insoutenable.

Le nom des Hachāchī a été apporté en France par les Croisés sous la forme Assaci qu'on lit dans Joinville. L'espagnol asesino et le portugais assassino ne semblent pas empruntés directement à l'arabe, mais reçus par l'intermédiaire du français ou de l'italien assassino. Le Dictionnaire de Du Cange cite les formes de bas latin heissesin, assassi, assassini, assesini, etc.

M. Defrémery a publié en 1854, dans le Journal asiatique, de très-intéressantes recherches sur les Assassins.

ASSOGUE. C'est l'espagnol azogue, navire pour le trans

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port du mercure. Le sens primitif de azogue et de son correspondant portugais azougue est mercure, vif-argent. Ces mots viennent de l'arabe زيبق زاوق,زوق zawazazibaq, venant du persan ژیره ژوه jiwah, etc. En Espagne, d'après Pedro de Alcala, on prononçait, avec l'article, az

zaouqa.

Le même mot arabe a donné le terme d'alchimie azoth. (Voy. plus loin.)

ASTAROTH. Nom d'une divinité phénicienne. עַשְׁתֹּרֶת achtoreth, dans la Bible; Astaroth est un pluriel7.

ASTRONOMIE. Nous croyons convenable de grouper sous ce mot, comme nous l'avons fait au mot Alchimie, un certain nombre de termes que nos anciens livres d'astronomie ou d'astrologie avaient pris chez les auteurs arabes. La plupart sont aujourd'hui bien ignorés. Cependant ils figurent dans le Dictionnaire national de Bescherelle qui paraît les avoir empruntés au Dictionnaire des mathématiques de l'Encyclopédie de d'Alembert. Les diverses publications de M. Sédillot sur l'astronomie des Orientaux nous ont été d'un grand secours pour rétablir la forme arabe de plusieurs expressions singulièrement altérées. Quant aux termes et noms d'étoiles qui sont restés en usage chez nos auteurs, on les trouvera à leur ordre alphabétique dans ce volume.

1. Achluschémali, nom de la constellation appelée Couronne boréale. En arabeالاكليل الشمالى alililouch-chemāli, même sens (iklil, couronne; chemalī, boréal).

2. Adigége ou adégige, constellation du Cygne. En arabe الدجاجة ad-dadjadja, la poule.

3. Alamac, amak, étoile y d'Andromède. C'est un m pour un n; car le nom arabe de l'étoile est عناق الارض anāq al-ard, le blaireau (ou autre animal du même genre).

4. Algébar, elgébar, constellation d'Orion. En arabe, الجبار al-debbare Géant. Algébaro est le même mot avec la terminaison casuelle o (ou) du nominatif.

5. Algédi, étoile y du Capricorne. Chez les astronomes arabes,الجدى al-djedī, le chevreau, marque la constellation entière du Capricorne, ou, pour être plus exact, le 10o signe du zodiaque.

6. Algomeiza, l'étoile Procyon. En arabeالغيصاء al ghoumcisā, la pleureuse, ou celle qui a mal aux yeux. Се nom vient de ce que les Arabes appelaient Sirius et Procyon les deux sœurs de Canope. Ce dernier astre ne se le vant sur l'horizon qu'au moment où Procyon disparaît au couchant, on disait que Procyon pleurait sur l'éloignement de son frère.

7. Algorab, étoile y du Corbeau. En arabe الغراب al ghourāb, même sens (l'oiseau et la constellation).

8. Alhabor, Alchabor, Alchabar, l'étoile Sirius, appelée

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6 Voy. Dozy, Gloss. p. 207.

7 Astaroth est l'Astarté des auteurs latins.

par les Arabes الشعرى العبور ach-chira al-'abour, Sirius passant (sur la Voie lactée).

9. Aliémini. C'est encore Sirius الشعرى اليماني ach-chira al-yemānī, Sirius du Yémen, par opposition à Procyon appelé Sirius de Syrie. (Voy. plus loin Aschémie.)

10. Almerzamonnagied, étoile qui est sur l'épaule orientale d'Orion. En arabeالمرزم الناج al-merzam an-nādjid, nom qui semble pouvoir être interprété le lion agile.

11. Alphéraz, Alphérath, étoile a de Pégase :الفرس al faras, le cheval.

12. Alpheta, a de la Couronne boréale. En arabe, الفكة al-fekka.

13. Alruccabah, l'étoile polaire; en arabe الركبة ar roukba, le genou.

14. Arided, Arioph, Arisph, étoile de la queue du Cygne en arabe, ar-rid mot qui signifie celui qui suit, celui qui vient après. (Voy. Rédif, au mot NIZAM.)

15. Asangue, la constellation de la Lyre; en arabe, الصح as-sand qui est probablement une altération du persan چنك cheng, harpe, luth.

16. Aschémie, l'étoile Procyon; en arabeالشامى achchamile Syrien,الشعرى الشامى ach-chira ach-chāmī, Sirius de Syrie. (Voy. Aliémini, ci-dessus.) L'e final de aschémie montre que le mot a été fait sur le féminin الشامية ach chāmia.

17. Aschère, Sirius. C'est l'arabe الشعرى ach-chira, qui représente le grec Σείριος.

18. Asugia, constellation d'Orion; en arabeالجز al djauzā (qui se dit aussi de l'ensemble du 3o signe du zodiaque, les Gémeaux). Bescherelle donne la forme plus

correcte algiausa.

19. Ataur, constellation du Taureau en arabe,الثور ath-thaur, qui se dit aussi de l'animal. L'Encyclopédie thodique cite les variantes atir, atyr, atin.

20. Baten-Kaitos, étoile & du milieu du corps de la Baleine ; en arabe بطن قيطس ban qaitous. Batn signifie ventre, et qaitous est le grec Κῆτος.

21. Cazimi. «Ce mot arabe est employé par les astronomes de ce pays pour marquer le disque du soleil; lorsqu'ils disent qu'une telle planète est en cazimi, c'est comme s'ils voulaient dire qu'elle ne paraît point éloignée de 16 minutes du centre du soleil, le demi-diamètre de cet astre étant de 16 minutes." (Lalande, Dictionnaire des mathématiques de l'Encyclopédie.) Le mot arabe est جسم djesm, corps, mot constamment employé par les astronomes en parlant des astres doués d'un diamètre apparent : على جسم الشمس ala djesmich-chemsi, sur le disque du soleil, en cazimi.

22. Chara, scera, l'étoile Sirius. (Voy.ci-dessus Aschère.) 23. Étanin, étoile de deuxième grandeur, y du Dragon; de l'arabe التنين et-tanin, le dragon (animal) et le Dragon (constellation). On trouve encore cette étoile désignée sous

: Je pense qu'il faut voir dans ce mot le persan زبان zouban,qui signifie proprement langue et se dit aussi de la pointe d'une lance, de l'ardillon d'une

le nom de Rastaben, altération de راس التنين raset-tanīn, la tête du Dragon. Et est l'article pour el.

24. Kalbélasit, le cœur du Lion (Régulus); en arabe, قلب الاسد qalb el-asad, de qalb, cœur, et asad ou esed, lion.

24 bis. Kalbolacrab, a du Scorpion (Antarès); en arabe, قلب العقرب qalbou 'l-aqrab, le cœur du Scorpion, formé du même mot initial et de aqrab, scorpion (l'animal et la constellation).

25. Kalbelazguar, a du Petit Chien (Procyon); en arabe, الكلب الاصغر al-kalb al-asghar, le Petit Chien, de kalb ou kelb, chien et asghar, plus petit, par opposition à al-kalb al-akbar, le Grand Chien, Sirius.

26. Kébir, Kabir. Ce sont des noms de l'étoile Sirius, venant peut-être du mot كبير kebir grand, le Grand Chien, mais que j'aime mieux regarder comme des altérations de عبور abour (voy. Alhabor, n° 8), parce que Sirius se nommait al-akbar, et non al-kabīr.

27. Rasalgethi, Razalagethi, a d'Hercule en arabe راس الجان rasal-djathi, la tête de l'Agenouillé. Al-djāthā, l'homme agenouillé, est le nom de la constellation.

28. Rasalague, Razalageuse, a ou la tête du Serpentaire en arabeراس اللحواء rasal-hawā, de ras, tête, et de hawā, preneur de serpents.

29. Zubenel-chemali, étoile de la Balance (plateau septentrional); en arabe الزبان الشمالي az-zoubān ach-chemade زبان zouban, dont le sens est mal définiet شمالی che mālī, septentrional.

30. Zubenel-génubi, a de la Balance (plateau méridional); en arabe الزبان الجنوبي az-zouban al-djenoubi جنوبی djenoūbi, signifie méridional. (Voy. l'article précédent.)

31. Alchitot, l'axe de la sphère, le pôle du monde; altération de l'arabe القطب al-gout (ou du pluriel القطوب al-qoutoub), essieu, pôle, étoile polaire.

32. Alhabos, le clou qui joint l'anneau de suspension à l'astrolabe; en arabe, al-abs, d'une racine signifiant retenir, emprisonner.

33. Alphelath, petit cercle placé au centre de l'astrolabe; en arabe,الفلس al-fals, proprement la petite pièce de monnaie appelée en grec ὀβολός, obole, mot dont le terme` arabe est une altération. (Pour le changement de sen th, cf. alphérath,de الفرس al-faras.

34. Alzubra, la onzième maison de la lune; en arabe, الزرة az-zobrale dos, entre les épaules. Cette mansio de la lune est en effet marquée par deux étoiles placées entre les épaules du Lion.

35. Alméhan, trou circulaire au centre de l'astrolabe; en arabe, al-mahn. (Voy. L. A. Sédillot, Supplément au Traité des instruments astronomiques des Arabes, p. 225.)

36. Muri, indicateur à l'extrémité de l'alidade. Ce mot, qui fait songer à notre mire, est ordinairement écrit en arabe مرى mouri; cependant j'ai trouvé aussi l'orthographe مورى mouri par un, ou, notamment dans l'Alma

boucle, etc.; les deux zouban sont les deux pinces du Scorpion, dont la constellation fait corps avec la Balance.

geste d'Abou 'l-Wéfa dont le manuscrit1 est généralement | Perse : « On y a partout, en automne et en hiver, des si correct. Le mot arabe n'est pas dans les dictionnaires, du moins avec ce sens. Il paraît être un dérivé du verbe رای raa, voir, à la 4o forme, montrer.

37. Shafiah, planchette pour les tracés astronomiques; en arabe,صفيحة sasiha surface plane, tablette.

38. Suradain, étoiles a et ẞ du Sagittaire; en arabe, الصردين as-souradein, les deux sourads. Le sourad est un oiseau fantastique dont il est question dans les contes musulmans 2.

39. Facardin, ẞet y de la Petite Ourse; en arabe, فردین farqadein, les deux veaux, duel de فرقد farqad

ATHANOR. Four des alchimistes. «On se servait de ce mot, il n'y a pas encore longtemps, dit Bescherelle, pour désigner un fourneau construit de façon qu'avec le même feu on pouvait faire plusieurs opérations différentes. » Esp. atanor, qui a pris un sens très-différent, tuyau de fontaine. (Voy. les explications de M. Dozy, Gloss. p. 211, 212.) De l'arabe التنور at-annour, en hébreu,תַּנוּר annour, four, mot d'origine araméenne, qui se rattache à la racine noūr, feu. De là aussi vient tandour. (Voy. ce mot.)

Acanor, cité par Bescherelle, est une altération de athanor; on sait avec quelle facilité les sons k et t permutent dans la langue du peuple. Dans le Lexicon alchemiæ de Martin Ruland, on trouve encore: athonor, anthonor, furnus, atanor, olla perforata.

ATLÉ. Espèce de tamarix. De l'arabe اثلة athla, même

sens.

AUBÈRE. Nuance particulière de la robe du cheval. Blanc, bai et alezan, dit l'un; couleur fleur de mille-pertuis, dit un autre; «ex albo fuscus, nigris distinctus maculis », dit le P. Pomey, cité par Ménage; couleur fleur de pêcher, disent Landais et Bescherelle. Enfin M. Littré appelle aubère un cheval «dont le corps est recouvert d'un mélange de poils rouges et de poils blancs, la crinière et la queue étant de même couleur ou de nuance plus claire. » L'étymologie de ce mot difficile a été signalée par le P. Guadix: l'espagnol hobero (qu'on écrit aujourd'hui overo3) est tiré du nom arabe de l'outarde,حبارى hobāra. Le plumage de cet oiseau présente en effet toutes les variétés de couleur que nous venons d'énumérer; le blanc, le roux, le cendré dominent, et les plumes portent un duvet rose à leur naissance. Il est vrai que l'auteur de l'étymologie veut comparer la robe rosâtre du cheval aubère moins au plumage de l'outarde qu'à sa chair lorsqu'elle est

cuite 4.

Chardin parle de l'auberré comme très-commun en

1 Anc. fonds ar. de la Bibl. nat. no 1138. Voy. fol. 20 recto ligne 5 : موری العضادة mouri'l-'idāda, indicateur de l'alidade. Ailleurs le mot est sans , ой.

2 Voy. Cherbonneau (Dict. ar.-fr.) qui écrit şarad.

3 Comme si le mot venait du latin ovum, et, en effet, dans un dictionnaire espagnol que j'ai sous les yeux, overo est expliqué lo que es de color

de huevo.

4 Dozy, Gloss. p. 286.

auberrés, gros comme des poulets d'Inde, dont la chau est grise et aussi délicate que le faisan. Le plumage en est beau, les plumes longues, et sur la tête il a un bouquet comme un panache.» (Ed. Smith, Voyage en Perse, p. 219.) Le commandant Duhousset parle du même oiseau, sous le nom de houbara: «Un houbara (petite outarde) fut notre première victime 5. »

AUBERGINE. L'aubergine est une plante originaire de l'Orient, ainsi que l'atteste Dominique Chabré qui, dans son Stirpium icones (1678), l'appelle Melongena Arabum et ajoute: «Melongena in Arabum codicibus primum celebrata fuit." Le nom arabe-persan بادنجان badindian serait assez difficile à reconnaître dans notre aubergine, si nous n'avions comme points de repère l'espagnol berengena et le portugais beringela, bringella. On trouve aussi, avec l'article arabe, alberengena qui correspond à aubergine, comme berengena correspond aux autres formes françaises, mérangène, mélongène. Du Cange cite, dans le bas latin, merangolus, melangolus; les Italiens ont melangolo et melanzana, dont le Gazoph. ling. Pers. signale déjà l'analogie de son avec بادنجان badindjān. Quant à melongena, c'est du latin de botaniste.

On trouve encore, dans le français provincial, belingèle, albergaine, albergine et albergame. Rondelet, dans son admirable livre sur les Poissons 7, a donné le nom d'albergame de mer à une espèce d'holothurie de la Méditerranée, à cause de la ressemblance de ce mollusque avec le fruit de l'aubergine.

La diversité de tous ces mots, identiques au fond, se retrouve jusqu'à un certain point dans les noms orientaux de l'aubergine, arabes ou persans بادلجان بادنگان بادنجان پانگاه پاتنگانbadindjan, būdingan, bādildjān, pātingān, pātingāh. Chardin écrit badinjan : « On a aussi ce fruit qu'ils appellent badinjan, que nous appelons pomme d'amours. » Le man. unique de Razi, de la Bibl. nat., porte بادنجان badindjan ; le célèbre médecin arabe dit que ce fruit brûle le sang et fait naître des pustules dans la bouche,يحرق الدم ويثير الغم moins qu'on ne le fasse cuire avec du vinaigreo. L'aubergine n'a pas aujourd'hui une aussi détestable réputation.

AUFFE. Espèce de jonc dont on se sert au Levant pour faire des cordages de navire, des nattes, des filets. C'est l'arabe حلفة halfa ou حلفاء halfa que Freytag donne simplement comme une plante aquatique, sans s'expliquer davantage, mais qui est le jonc dans le Dict. d'Ellious Bocthor. M. Cherbonneau 10 donne aussi halfa, jonc aquatique employé à faire des nattes; et M. Sanguinetti : حلفاء arundo epigeios,حلفة مكة jonc odorant, roseau de la

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Mecque (Journ. asiat. mai 1866, p. 300). En réalité, l'auffe n'est pas un jonc, mais une plante de la famille des graminées, bien connue en Espagne sous le nom de esparto, sparte (Stipa tenacissima, de Linné). Ses feuilles, longues et étroites, s'enroulent à mesure qu'elles mûrissent et deviennent cylindriques en séchant. Ceux qui ne l'ont vue qu'en cet état ne peuvent manquer de la prendre pour un jonc1. On peut être surpris qu'aucun de nos dictionnaires n'ait signalé l'identité de l'halfa et du sparte 2. L'alpha ou alfa, qu'on exploite en Algérie et dont on fait du papier, est identique au sparte d'Espagne.

AUGE. Terme d'astronomie. Nom qu'on donnait autrefois à ce qu'on nomme aujourd'hui apsides, c'est-à-dire les points où une planète se trouve à sa plus grande ou à sa plus petite distance du soleil 3. Esp. auge, ital. auge. De

aoudi, sommet, point culminant, que les astronomes arabes emploient dans le même sens.

AUMUSSE. Provenç. almussa, esp. almucio, portug. murça, ital. mozzetta. On tire ce mot, très-ancien dans la langue française, de l'allemand mütze, bonnet, auquel se serait adjoint l'article arabe al. Je n'y saurais contredire. (Voy. Littré, Dict.)

AVANIE. L'étymologie de ce mot est difficile. Ellious Bocthor traduit avanie par عرانية, عوان awan awania,expressions que je ne connais point en arabe. Le P. Ange de Saint-Joseph rend le même mot par اواریet اوانی awari awānī, qui manquent dans les dictionnaires 4. D'autre part, M. Pihan donne pour étymologie هوان hawan mépris, ce qui n'a d'autre base qu'une ressemblance de son, sans aucune concordance de sens; car le sens primitif d'avanie est sans rapport avec l'idée de mépriser. Il est facile de reconnaître que ce mot signifie simplement tribut, amende, somme à payer, droit de passage. L'idée que nous y attachons aujourd'hui est venue postérieurement, et tient sans doute à la facon vexatoire dont les avanies étaient perçues en Orient.

«Les Chiodars du Chiaïa, dit Tournefort5, vinrent nous annoncer... que tous les passages de l'empire étaient ouverts pour nous; mais qu'assurément on nous auroit arrêtés sans la lettre du Beglierbey d'Erzeron, ou qu'au moins on nous auroit fait payer une grosse avanie, comme il arrive à tous ceux qui passent de Turquie en Perse. »

«Il n'y a pas de gens au monde, dit Chardin dans un passage que je crois devoir citer tout au long, plus aisés à tromper, et qui aient été plus trompés que les Turcs. Ils sont naturellement assez simples et assez épais, gens à qui on en fait aisément accroire. Aussi, les Chrétiens leur font sans cesse une infinité de friponneries et de méchants tours; on les trompe un temps, mais ils ouvrent les yeux; et alors ils frappent rudement et se payent de tout en une seule fois. On appelle ces amendes qu'ils font payer

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avanies; terme qu'on prétend tirer du nom d'avany qui se donne en Perse aux courriers de la cour et qui veut dire «des gens qui prennent tout ce qu'ils trouvent, parce qu'effectivement ces courriers prennent sur leur route des chevaux à toute sorte de gens, quand ils en ont besoin ou qu'ils en rencontrent de meilleurs que celui qu'ils montent, sans s'informer qui l'on est... Ces avanies ne sont pas toujours des impositions injustes... Les Marseillais disent que ce sont les avanies qui ont ainsi affaibli le commerce des Français au Levant; aussi en ont-ils payé pour des sommes immenses. »

Le P. Ange dit aussi : Avani اوانی pro angari, angaria : quando cursores regis Persiæ equum viatorum vi armata manu exigunt. » Il insinue que le mot persan est celui que les Grecs ont transcrit ἄγγαρος (d'où ἀγγαρεία, service des courriers, corvée, et plusieurs autres dérivés, dont une partie a passé tardivement en latin: angaria, angariare, etc.).

J'ignore quel peut être ce mot persan que Chardin transcrit avany.

D'un autre côté, les chartes génoises des xıvo et xv° siècles nous donnent avaria, averia, avere dans le sens d'impôt, contribution, droit d'entrées. Est-ce le même mot? On a vu que le P. Ange donne awārī à côté de awānī.

Ces avariæ étaient particulièrement payées pour réparer des pertes, ce qui suggère à l'esprit une assimilation avec notre avarie : « Avariüs seu damnis reparandis,>> dit le Gloss. de Du Cange. (Voy. ci-après AVARIE.)

En résumé, avanie, portug. avania, ital. avania, bas grec ἀβανία, correspond à un terme du Levant اوانی awani qui n'est pas dans les dictionnaires, et qui paraît se rattacher au vieux mot d'où est venu le latin angaria, corvée, aujourd'hui en italien angheria, contrainte, violence. L'assimilation est d'autant plus permise que, dans cette dernière langue, avaniare est synonyme de angheriare, surcharger d'impôts.

AVARIE. Esp. averia, portug. avaria, ital. avaria. Malgré les diverses étymologies proposées par Brencmann, Adelung, Diez, Jal, etc., M. Dozy ne doute pas que le mot ne soit d'origine arabe, introduit d'abord en italien par le commerce, et passé de là aux autres langues européennes. Avaria viendrait de la racine arqui signifie proprement éborgner, mais qui, à la 2o forme awouar, a aussi le sens de gâter, d'ou عوار awar, défaut, déchirure. Bocthor traduit avarie par عوار حصل لمركب awar hasalli-merkeb, dommage qui arrive à un navire, et marchandises avariées par بضاعة معورة beda a moawara.

Pour établir avec quelque certitude une étymologie aussi contestée, il faudrait des arguments plus sérieux que l'autorité d'Ellious Bocthor ou des passages trop modernes de Maccari. La lecture des articles avaria, averium, etc. dans Du Cange, n'éclaircit rien; mais le sens du mot pa

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raît être plutôt droit, impôt, que dommage, ce qui conviendrait mal à la conjecture de M. Dozy.

AZAMOGLAN. Jeune serviteur chargé, dans le sérail, des fonctions les plus basses. C'est le turc معجم اوغلان adjem oghlān, formé de oghlān, page, jeune garçon, et de l'arabe 'adjem2 qui se dit de tout peuple étranger, non arabe, et

blablement une transcription grecque (ou peut-être vénitienne3), signifie donc enfant d'origine étrangère.

AVICENNE. Genre de plantes de la famille des gattiliers, tire son nom de celui de l'illustre philosophe arabe : ابن | particulièrement des Persans. Azamoglan, qui est vraisem

سينا Ibn-Sina, nom dont les juifs arabisants avaient fait Aben-Sina, que nous avons transcrit par Avicenne.

AVIVES. Engorgement des glandes parotides chez le cheval. Ménage dit que ce mot vient de eau-vive, parce qu'on croyait que les chevaux contractaient cette affection en buvant des eaux vives 1. Ce qui est certain, c'est que les formes espagnoles adivas, abivas n'ont aucun rapport avec eau vive. Aussi, viennent-elles de l'arabe الذيبة ad-dhība, qui est le nom de cette maladie. Le vieux français a aussi le mot sans l'article, vives, qui est resté en anglais. Bocthor ne traduit pas avives par dhība; il applique ce terme à la morve qu'il appelle ذيبة الخيل dhibat al-khaïl, dhiba des chevaux. Resterait à expliquer pourquoi le français et l'espagnol ont donné à ce mot la marque du pluriel.

L'arabe ذيب dhab signifie loup, dhība se traduirait donc littéralement par louve, loupe. Pris généralement en Algérie et au Maroc dans le sens de chacal, dhīb (précédé de l'article adh pour al) a donné en portugais adibe, en espagnol adive, qui a passé en français. Nos dictionnaires d'histoire naturelle donnent aussi adil. On peut voir, làdessus, Dozy (Gloss. p. 45) et Defrémery (Journ. asiat. janvier 1862, p. 87).

AYAN. Magistrat turc chargé de veiller à la sûreté publique. C'est l'arabe اعیان ayan, pluriel de عينain œil. Les Turcs, à l'imitation des Persans, disent : اعيان دولة ayān-i devlet, les yeux du royaume, c'est-à-dire les grands, les ministres. Ici, on pourrait supposer que ayān est pris dans un sens plus particulier pour marquer celui qui observe, surveille, de même qu'en malais۲مات mata-māta, qui signifie aussi les yeux, se dit d'un surveillant, d'un agent de police.

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AZÉDARAC. Esp. acedaraque. Arbre originaire de l'Orient, dont le nom ازاد درخت azad-dirakht, qui nous est venu par les Arabes, est d'origine persane et formé des deux mots آزاد azad libre et درخت drakht, arbre. D'après la légende, ce nom vient de ce que Medjnoun, le célèbre amant de Léila, sauva un arbre de cette espèce de la hache d'un jardinier, auquel il en paya le prix, à cause de la ressemblance qu'il y trouvait avec la taille de sa bienaimée. D'après d'Herbelot (Biblioth. orient.), l'azédérach serait nommé en Perse زهر زمین zehr-i zemīn, poison de la terre, à cause des qualités vénéneuses de ses fruits; et de là viendrait son nom d'arbre libre, «parce que personne n'y touche pour en manger le fruit 4. »

AZERBE. Muscade sauvage. On pourrait être tenté d'assimiler ce mot au portugais azevre, azebre, azevar, suc d'aloès, lequel vient de l'arabe الصبار as-sibar, fructus arboris acidi saporis", dit Freytag, ce qui convient parfaitement à la muscade, dont la chair a une saveur si acre et si astringente qu'on ne saurait la manger crue et sans apprêt. Mais il est plus probable que notre azerbe représenteبر dar noix sauvage, muscade, prononcé à la manière persane zabr, az-zabr.

AZEROLLE. Esp. acerola, azarolla; portug. azerolo; ital. azzeruolo, lazzeruola, lazzarolo, lazarino. Tournefort écrit azarole, azarolier. De l'arabe الزعرور az-zo'rour, même sens. L'azerolier est très-répandu dans le Levant, où il pousse spontanément. L'azerolle est mentionnée dans Razi comme un fruit astringent : الزعرور عاقل للبطن »l'azerolle resserre le

ventre"."

AZIMECH. Étoile aussi nommée l'Épi de la Vierge; en arabe السماك as-simak. Les cosmographes orientaux appliquent ce nom à deux étoiles différentes : l'une appelée السماك الرمح as-simakar-rāmih, azimech armé d'une lance, est Arcturus, du Bouvier, et la lance est une petite étoile voisine; l'épithète ar-rāmih devient chez nos anciens astronomes, aramech, alramech, noms qu'on donne encore quelquefois à cette étoile. L'autre se nomme السماك الاغزل azimech désarmé; c'est notre Azimech ou a de la Vierge, la onzième des quinze étoiles de première grandeur que compte Alfergani 8.

AZIMUTH. Terme d'astronomie : arc du cercle de l'ho

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