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comme toutes les autres misères, elle devait aussi trouver à son tour un refuge dans les institutions dues à la charité universelle.

Quant à la mendicité provenant du refus de travail, nous avons fait connaître que le christianisme ne l'a jamais autorisée, et l'on en trouvera la preuve dans les réglemens que les papes, les évêques et les rois de France ont souvent proclamés pour la réprimer.

Ainsi que nous l'avons fait remarquer, dans les temps où les mouvemens du commerce et les progrès de la civilisation n'avaient pas multiplié à l'infini le nombre des voyageurs, l'hospitalité était regardée comme le devoir de l'attribut de la puissance et de la richesse. Les premiers hospices furent des hôtelleries fondées originairement en faveur des étrangers et des pélerins; mais la fondation des hôpitaux de pauvres infirmes ou malades repose sur un principe de charité universelle et toute chrétienne.

Ce fut lorsque la religion vint enseigner que les pauvres et les malades sont les membres de Dieu lui-même, que parut, dans tout son éclat et dans sa pureté et sa puissance, la vertu qui devenait dès lors l'élément universel de la civilisation. Les personnes riches, dans la primitive église, se firent un devoir de recueillir les pauvres malades, de s'en entourer, de les loger dans leurs palais, de partager avec eux leur superflu. Les persécutions exercées contre les premiers chrétiens contribuèrent même à les rendre encore plus charitables; car ils devaient secourir les proscrits, et prendre soin des veuves et des orphelins de ceux qui périssaient pour la foi. Quand les maîtres du monde eurent reçu l'Evangile, le même sentiment leur inspira la pensée de consacrer des établissemens publics à des œuvres de miséricorde. Tons les chrétiens obéirent à l'envi à cette charité que le christianisme avait placée au premier rang des lois divines pour nous apprendre qu'elle devait être le principe de toutes les lois humaines.

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La charité envers les malheureux fut le caractère distinctif des premiers chrétiens. Plusieurs la poussèrent jusqu'à se rendre esclaves et à nourrir les pauvres du prix de leur liberté ; ils assistaient les païens aussi bien que les fidèles. Julien lui-même leur rend cette justice ; il écrivait ( epist. 62) à un pontife du christianisme : « Il est honteux que les Galiléens nourrissent leurs pauvres et les nôtres. » L'on ne peut nier que la pratique de la charité chez les premiers fidèles n'ait aidé puissamment aux progrès du christianisme.

Les besoins progressifs des classes pauvres et les perfectionnemens de l'administration et des sciences médicales, secondés par la charité religieuse, amenèrent successivement les associations charitables et les différens établissemens qui ont été perfectionnés ou complétés de nos jours pour le soulagement de tous les genres d'infortunes et de souffrances. C'est ainsi que, tour à tour, les vieillards, les malades, les infirmes, les orphelins, les enfans trouvés ont obtenu des asiles spéciaux et les soins les plus éclairés. C'est ainsi que, presque partout, ces établissemens ont été confiés à ces admirables associations de filles chrétiennes qui renouvellent chaque jour les prodiges et les miracles de la plus sublime charité. Non contente d'avoir créé les asiles du malheur, la religion distribuait aussi des secours à domicile, produits des quêtes et de dons pieux. Dans le principe, ces secours étaient départis sous l'inspection des ecclésiastiques qui ne les appliquaient ordinairement qu'à des besoins réels et vérifiés. Secondés par de saintes femmes ou par des hommes pieux, ils visitaient les prisonniers; ils allaient chercher dans leurs réduits les pauvres honteux qui préféraient les plus dures privations à l'ignominie de la mendicité. Les infirmes, qui n'avaient pu être admis dans les hospices ou suffisamment secourus à domicile, recouraient à la charité publique, et trouvaient surtout d'abondantes aumônes aux portes des ab

bayes et des monastères, des châteaux et de toutes les maisons opulentes ou aisées. C'etait ainsi que la religion avait pourvu à toutes les misères avant que les principes constitutifs des sociétés chrétiennes n'eussent été affaiblis ou abandonnés.

CHAPITRE VIII.

HOSPICES ET HÔPITAUX POUR LES VIEILLARDS, LES ENFANS, LES MALADES ET LES INFIRMES (1).

Les besoins, la douleur, la santé les bénissent,
La terre est consolée et les cieux applaudissent.
Que puissent à jamais, les maux, la pauvreté,
Dans les asiles saints, bénir la charité!
(DELILLE.)

AUSSITÔT que l'église fut libre, on båtit différentes maisons de charité, et on leur donna différens noms, suivant les diverses sortes de pauvres : Nosocomium était l'hôpital des malades; Gerontocomium, la maison des vieillards; Xenodochium, le logement des étrangers; c'était purement l'hospice ou la maison d'hospitalité. La maison où l'on nourrissait les petits enfans à la mamelle, exposés ou autres, se nomma Bréphotrophium; celle des orphelins, Orphanotrophium.

Ptochotrophium était l'asile général pour toutes sortes de pauvres. Bientôt il y eut de ces maisons de retraite dans toutes les grandes villes.

Les évêques, selon Epiphane, avaient coutume d'éta

(1) Plusieurs des notions que renferme ce chapitre et le suivant sont dues aux savantes recherches de MM. Marc, Coste et autres médecins distingués, rédacteurs du Dictionnaire des Sciences médicales, et de M. l'abbé Bergier, auteur du Dictionnaire de théologie.

blir chez eux ces sortes de maisons, dans lesquelles ils plaçaient les estropiés et les malades domiciliés ou étrangers, et leur fournissaient la subsistance. Il leur était ordonné, par plusieurs conciles, de visiter les prisonniers, les pauvres, les lépreux, et de leur fournir des vivres et les moyens de subsister. Dès le commencement de l'église, la maison épiscopale avait été l'asile des pauvres, des veuves, des orphelins, des malades, des pélerins et des étrangers : le soin de les recevoir, de leur laver les pieds, de les servir à table, fut toujours une des principales occupations des ecclésiastiques; et, à proprement parler, les monastères étaient des hospices où tous les pauvres étaient accueillis et soulagés.

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Le nom d'hospice était particulièrement consacré, par les moines rentés, à des maisons rurales (ville) qui dispensaient, en route, les religieux de l'ordre, de s'arrêter dans les auberges ordinaires ( in diversoriis). Les moines des ordres mendians et les pélerins recevaient le même accueil dans ces asiles enfin, dans un quartier séparé, les pauvres trouvaient, pour la nuit, un abri et la nourriture; ceux du voisinage, la soupe et le pain quotidien ; les étrangers, des provisions pour continuer leur route; on y ajoutait même une petite rétribution en monnaie, connue sous le nom de passade, devenu proverbial.

Il n'était guère de grand monastère dans les campagnes, où l'hospitalité ne fut ainsi exercée, et cet exemple était suivi dans les châteaux et dans les fermes.

Les abbayes, surtout celles de femmes, situées hors des villes, possédaient, dans les places fortifiées, pour s'y retirer pendant les guerres, des maisons de refuge qui s'appelaient aussi hospices. C'est ainsi que les riches abbayes de la Flandre et du Hainaut avaient encore, au commencement de la guerre de 1791, leur refuge dans les places de guerre de ces provinces, à Landrecies, au Quesnoy, à Douai, à Valenciennes, à Lille, etc. La

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