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charitables, placés sous la tutelle de l'administration, et ne sont point confondus avec les enfans trouvés ou abandonnés. Après avoir appris un métier quelconque qui les mette à même de gagner leur vie, ils jouissent en général de leur liberté. Dans quelques états, on destine les garçons à la carrière des armes. A Florence, ceux des deux sexes sont recueillis dans l'Albergo de gli Poperi ou Recluserio. Les jeunes filles y demeurent jusqu'à ce qu'elles trouvent un établissement convenable. Les garçons sont appelés à suivre l'état militaire. Il y a école d'enseignement mutuel, école de dessin, école de musique militaire et de tambours. On y a réuni des ateliers de tailleurs, de cordonniers et de tisserands. Les enfans qui se sont distingués dans l'une de ces professions, obtiennent l'exemption du service militaire, et on leur abandonne le tiers du travail.

CHAPITRE XI.

DES ENFANS TROUVÉS ET ABANDONNÉS.

Or sus, mesdames, voyez si vous voulez délaisser à votre tour ces petits innocens dont vous êtes devenues les mères, selon la grâce, après qu'ils ont été abandonnés par leurs mères, selon la nature.

(Allocution de saint Vincent-de-Paule à une

assemblée de charité sous Louis XIII.)

J'entends, je reconnais vos lamentables cris,
Enfans infortunés, famille illégitime,
Que le crime enfanta et qu'immola le crime.........
Ah! que la pitié parle où se tait la nature!...
(DELILLE.)

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Sous l'empire des passions vicieuses, la voix de la nature est étouffée, le cœur se flétrit et se dessèche, toute affection s'y détruit, le sentiment le plus puissant finit par s'éteindre. Lorsque l'immoralité se réunit à la misère, cette alliance impure enfante tous les crimes.

C'est ainsi qu'endurcies par le vice ou vaincues par le besoin, on voit des mères s'éloigner de leurs enfans et les abandonner à la pitié publique. Quelquefois la honte pousse à un crime encore plus grand. Partout ces causes ont produit l'exposition des enfans et l'infanticide.

Parmi les peuples de l'antiquité qui laissaient impuni ce

crime énorme, le plus grand nombre ne le regardait pas moins comme contraire au vœu de la nature; et, pour en diminuer l'horreur, pour transiger en quelque sorte avec l'humanité, on imagina d'exposer les enfans dans l'espoir que la pitié les recueillerait. On choisit à cet effet, pour lieux de l'exposition, les marchés, les temples, les carrefours (ou chemins croisés), les fontaines, les bords les plus fréquentés des rivières et de la mer. Dans ce dernier cas, on plaçait les enfans sur des berceaux à l'épreuve de l'eau, et on les y arrangeait de manière à ce qu'ils pussent flotter quelque temps (1). Cet usage paraît avoir existé chez les Egyptiens: la mère de Moïse l'employa, comme on sait, pour sauver la vie du législateur des Hébreux.

A Athènes, on les exposait près d'un édifice public appelé Cynosargues; à Rome, c'était auprès d'une colonne voisine du marché aux légumes, et il est probable qu'elle emprunta, de cet usage, le nom de Lactaire, qu'on lui donna par la suite.

L'exposition des enfans ne suppose pas nécessairement l'existence d'établissemens pour les recevoir, et l'on est incertain s'il en avait été créé dans l'antiquité. Il paraît cependant que les villes d'Athènes et de Rome ont eu des établissemens où l'on admettait des enfans trouvés aux frais de l'état, lorsque personne ne se présentait pour s'en charger. Ces enfans étaient la propriété de ceux qui les avaient recueillis. Une loi de Constantin défendait aux parens de réclamer l'enfant qu'ils auraient abandonné, alors même qu'ils offriraient de rembourser les frais de son éducation.,

En 329, Justinien désigne les maisons d'enfans-trouvés

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(1) En Chine encore, les parens attachent une calebasse au cou des enfans dont ils veulent se défaire, avant de les jeter à l'cau. Par ce moyen, les enfans surnagent, et un grand nombre est sauvé par des personnes prépusées à cet effet par le gouvernement.

sous le nom de Bréphotrophia; mais on n'a aucune notion précise sur ces établissemens. Toutefois on a lieu de penser que la vente et l'esclavage des enfans-trouvés étant permis par les lois, le nombre de ceux qu'on élevait aux frais de l'état était peu considérable.

On comprend que le respect pour la législation établie, ou peut-être des motifs de prudence, de sagesse et d'intérêt pour les bonnes mœurs, aient dû retarder l'époque où la charité chrétienne devait servir de mère tendre à ces malheureuses victimes du vice et de la misère.

Si l'on s'en rapporte à quelques légendes et aux capitulaires de Charlemagne, il paraîtrait que, dans le moyen âge, il existait en France des asiles pour les enfanstrouvés.

La plus ancienne institution en faveur des enfans-trouvés, sur laquelle on ait une donnée positive, est celle qui existait à Trèves dans le sixième siècle. Il en est question dans la vie de saint Gour, contemporain de Childebert. On cite aussi, d'après la vie de saint Mainbeuf, l'hospice qu'il avait fait bâtir à Angers en 654. L'histoire mentionne ensuite celui qui fut fondé à Milan par un archiprêtre nommé Dathéus, en 787.

En 1010, Olivier de la Trau ou de la Crau (d'autres disent le comte Guido) fonda à Montpellier l'hospice du Saint-Esprit, où des frères hospitaliers devaient soulager pauvres, et élever les enfans-trouvés et les orphelins abandonnés.

les

Paris eut un hospice du même genre en 1562. Il était tenu par une confrérie dite du Saint-Esprit, confirmée par le pape Urbain II. Cependant, il paraît avoir été destiné plus spécialement aux orphelins, ou du moins il n'était pas forcé à admettre les enfans-trouvés.

Mais ces fondations, dues à la charité de quelques individus pieux, étaient peu nombreuses; elles étaient d'ail

leurs spéciales aux villes où elles se trouvaient placées. On peut donc dire que, jusque vers la fin du dix-septième siècle, aucun établissement public ne s'élevait en Europe pour recevoir les femmes en couche et les enfans abandonnés. En France, l'opinion semblait même repousser de semblables institutions.

Sous Charles VII, en 1443, un procureur du roi au Châtelet, ayant essayé de faire recevoir à l'hôpital du Saint-Esprit les enfans au maillot, trouvés les uns par la ville, les autres apportés aux huis dudit lieu, ou jetés nuitamment à val les rues, il ne put y réussir; et on lit dans les lettres-patentes que le roi donna quelque temps après en faveur de cette maison, ce passage remarquable: « Si l'on obligeoit l'hôpital du Saint-Esprit à recevoir les enfans-trouvés concurremment avec les orphelins, il y auroit bientôt une grande quantité des premiers, parce que moult gens feroient moins de difficultés de eux abandonner à pécher quand ils verraient que tels enfans bâtards seroient nourris, et qu'ils n'en auroient pas la charge première ni sollicitude. »

Chaque ville, chaque seigneur se conduisait à cet égard suivant les inspirations de sa charité ou la richesse de ses

revenus.

A Paris, on déposait les enfans dans une coquille de marbre, placée pour cet usage à la porte des églises. Les marguilliers les recueillaient, dressaient procès-verbal, et s'occupaient du soin de trouver quelqu'un qui voulût les nourrir. Ces simples mesures suffirent pendant long-temps au petit nombre d'infortunés qu'elles concernaient, et qui ne s'élevait pas alors à plus de deux ou trois cents par an.

Cependant, vers 1680, ils trouvèrent un asile et des soins particuliers dans une maison de la capitale : c'était celle d'une veuve pieuse, madame Legras (nièce du garde des

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