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ils

Quant aux indigens valides et se refusant au travail, devenaient l'objet de la surveillance et des poursuites de la police administrative et judiciaire.

Ces mesures avaient produit d'heureux effets; mais elles n'ont pu être continuées ni étendues à d'autres départemens, par l'incertitude où sont demeurés les tribunaux, relativement à leur application légale.

Il a fallu, par conséquent, chercher d'autres moyens de proscrire la mendicité, soit en donnant aux indigens capables de travailler, l'alternative du travail libre ou d'un travail forcé, dans une maison de réclusion, soit en offrant aux indigens infirmes ou sans travail, une maison de refuge où ils auraient en même temps des secours et du travail. Mais ces moyens n'étaient guère praticables que dans de grandes villes. Des essais, d'abord commencés à Bordeaux, par M. le baron d'Haussez; à Nantes, par nous et M. le baron de Vaussay; à Paris, par M. de Belleyme, et à Lyon, par M. le comte de Brosses, avaient obtenu des succès prompts et rapides qui méritaient des encouragemens et des imitateurs. Nous nous étions proposé de les étendre à chacun des chefs-lieux d'arrondissement du département du Nord. La révolution de 1830 a interrompu ces projets, et il paraît que les établissemens fondés dans nos principales villes se sont ressentis de son influence. Aujourd'hui la mendicité a pris une extrême extension dans les campagnes comme dans les villes; on ne saurait l'attribuer aux aumônes indiscrètes des couvens et des abbayes. Nous ignorons à quelle cause la civilisation moderne la fera remonter et quels moyens elle emploiera pour la prévenir. Peut-être la force : nous indiquons la charité (1).

(1) Voir les chapitres IV et V du livre IV, XXII du livre V, V du livre VI, VIII du livre VII.

CHAPITRE XXI.

DE L'INSTRUCTION DES ENFANS DE LA CLASSE OUVRIÈRE.

Il disait à celui dont la main nous repousse,

Laissez-les venir à moi!

Et voilà qu'une main, mystérieuse et douce. Tous petits, jusqu'à lui, nous mène par la foi. (LAMARTINE, hymne au Christ.)

Le christianisme, destiné à rendre à l'homme sa haute dignité morale et à le soustraire à l'avilissement dans lequel il était tombé sous l'empire de l'erreur, n'aurait qu'imparfaitement atteint ce but sublime s'il n'avait placé au nombre des devoirs de ses ministres le soin de cultiver et d'éclairer l'intelligence, en même temps que de former le cœur. Ce n'est pas seulement par la prédication que ce ministère devait être exercé. L'instruction des enfans, et surtout des enfans des pauvres, devint une de leurs obligations les plus importantes et les plus sacrées. L'euseignement des vérités religieuses devait marcher de front avec l'enseignement nécessaire à leur condition sociale. C'est par ces vues élevées que, dans les temps les plus anciens du christianisme, les ecclésiastiques se sont empressés d'instruire eux-mêmes les enfans des pauvres.

Dès le douzième siècle, le troisième concile de Latran avait statué que, pour ne pas priver les enfans des indi

gens de l'avantage de savoir lire, il y aurait dans chaque cathédrale un maître chargé de leur donner l'enseignement. Les curés, dans leurs paroisses, se chargaient ordinairement de ce soin, qu'ils partageaient avec le sacristain ou un maître d'école attaché à l'église. Des écoles gratuites étaient placées dans les différens établissemens religieux. Successivement des congrégations religieuses d'hommes et de femmes se dévouèrent à cette œuvre bienfaisante. On vit éclore ces modestes instituteurs qui, sous le nom de frères de la Doctrine chrétienne et ces sœurs de la Charité qui, sous diverses dénominations plus ou moins touchantes, se consacrent à l'éducation des enfans des classes les plus indigentes et les plus délaissées. Mais dans la prévoyance de la charité chrétienne, le peuple devait avant tout être instruit de la religion, parce qu'elle renferme la véritable instruction du peuple. Ses instituteurs devaient être aussi des hommes religieux, parce qu'eux seuls peuvent donner l'éducation chrétienne.

Tels étaient les principes qui avaient constamment guidé le christianisme dans l'instruction des classes pauvres. L'éducation religieuse, base et garantie de leur morale et de leur conduite, la communication des lumières utiles à leur profession, enfin, des instituteurs religieux, ces trois conditions formaient le système de l'enseignement populaire; une société chrétienne n'en comportait pas d'autres, et ce dernier bienfait complétait tous ceux que la charité, fille de la religion, avait répandus sur l'indigence.

Les papes, le clergé français surtout, n'ont jamais varié sur la nécessité de procurer aux classes pauvres une éducation religieuse et une instruction qui pût les mettre à même d'améliorer leur sort. Nous citerons entre autres preuves la bulle d'approbation du pape Benoît XIII, donnée à l'institut des frères de la Doctrine chrétienne, fondée per l'abbé de la Salle.

« Il considéra chrétiennement (dit cette bulle, en par

lant de ce vertueux prêtre) le nombre infini de désordres que cause l'ignorance, origine de tous les maux, surtout parmi ceux qui, accablés de misère ou pratiquant, pour vivre, des arts mécaniques, n'ont aucune connaissance non seulement des belles-lettres, faute de pouvoir s'y appliquer; mais, ce qu'il y a de plus fâcheux, ignorent le plus souvent les élémens de la religion chétienne (1).

<«< A Rome, dit M. le comte de Tournon (statistique du département de Rome), l'institution primaire est of ferte au peuple avec une libéralité dont peu de gouvernemens donnent l'exemple. En ce moment on compte dans cette seule ville quatre écoles pies, deux de doctrinaires. cinquante-deux écoles régionnaires pour les garçons; et un nombre égal d'écoles de filles sont ouvertes à la population pauvre, les unes gratuitement, les autres moyennant la modique rétribution de 1 fr. 35 cent. à 2 fr. 33 c. par mois. Dans les villes et les moindres villages, des maitres, payés par le public, enseignent à lire, à écrire et à calculer, de sorte qu'il n'y a pas un seul enfant qui ne puisse recevoir le bienfait de l'instruction primaire. >>

En Espagne, que nos économistes modernes se plaisent à représenter comme en proie à la plus profonde ignorance, il n'y a pas de village qui n'ait son école, et il n'y a pas de paysan qui ne sache lire. Les ecclésiastiques et les moines sont les instituteurs, et cet enseignement, presque toujours gratuit, n'occasione aucune charge à l'état.

Partout où règne le christianisme, l'instruction est avancée; la charité supplée aux lois et fournit les maîtres et les disciples.

On a vu, à toutes les époques, le clergé insister vivement sur les motifs de justice et de charité qui commandaient

(1) On a beaucoup reproché à l'institut des frères de la Doctrine chrétienne la correction des verges, qui était permise en certains cas asser rares. Nous devons dire que cet usage fut absolument interdit par les chapitres généraux de 1777 et 1787.

au gouvernement de propager l'instruction dans les classes inférieures, devoir rigoureux depuis que l'enseignement public était dirigé par l'autorité publique et devenu une branche de l'administration (1).

(1) Voir, pour la partie historique et législative de l'instruction élémentaire, les chapitres VIII du livre IV, et XV du livre V.

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