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leurs la partie saine de la nation vit cette sorte d'acquisition avec horreur et se fit un devoir de continuer de n'y prendre aucune part.

Il est impossible de jeter les yeux sur un pareil récit sans être frappé de sa ressemblance extraordinaire avec le tableau de notre première révolution. Il ne manque, pour la compléter, que la réforme religieuse. Mais la persécution exercée contre le clergé catholique peut suffire pour établir la plus parfaite analogie.

On doit bien penser qu'au nombre des reproches adressés à l'institution des couvens et des ordres religieux, on n'épargna point, en Angleterre, celui d'entretenir la fainéantise et la mendicité par d'indiscrètes aumônes. Ce moyen, non plus que la calomnie et la diffamation, ne manquèrent pas non plus à nos modernes novateurs; pour eux, comme pour Henri VIII, le prétexte de la spoliation des biens du clergé était l'intérêt des mœurs, de la religion, et enfin celui des classes pauvres. On sait comment ces intérêts furent respectés par le tyran anglais, comme par nos tyrans populaires. Les révolutions ne peuvent manquer de se ressembler par leurs effets, lorsque leurs principes sont semblables.

Quoique Blackstone n'ait rien dit de la situation des pauvres, sous le règne sanguinaire et fanatique de Henri VIII, il est facile de concevoir qu'elle dut être déplorable au moment où ils furent privés de leurs asiles et des secours de la charité religieuse. Henri VIII, dans un acte de la vingtseptième année de son règne, autorisait les shérifs, les magistrats et les marguillers à faire lever des aumônes volontaires et ordonnait les peines les plus cruelles contre les mendians. On n'est point surpris que le jeune Edouard VI ait été forcé de renchérir sur ces mesures barbares; que plus tard ce prince, naturellement juste et humain, éprouvât le besoin de réparer en partie les criminelles injustices de son père, en établissant de nouveaux hôpitaux à Lon

dres et qu'Elisabeth ait dù s'occuper peu de temps après son avénement à la couronne, de pourvoir aux besoins des indigens par un premier statut rendu en 1863, qui fut complété la quarante-troisième année de son règne, en 1602, et qui laisse subsister une partie des peines afflictives précédemment prononcées contre les mendians.

Aux notions fournies par Blackstone, nous en joindrons quelques-unes propres à compléter l'exposé de la législation anglaise sur les pauvres. Nous ferons remarquer d'abord qu'elle n'est appliquée qu'au royaume d'Angleterre et du pays de Galles. L'Irlande a été abandonnée à la charité des particuliers. Quant à l'Ecosse, il paraît qu'on avait laissé à l'Eglise anglicane de ce royaume la faculté de pourvoir, comme elle le jugerait le plus convenable, à l'entretien des indigens, en adoptant des taxes légales, s'il en était besoin, ou en recourant à d'autres mesures locales.

Dans cette partie du royaume, le système des taxes, d'abord étendu à un grand nombre de paroisses, a été successivement abandonné par elles; l'expérience a prouvé que des contributions pouvaient suffire lorsque l'urgence des besoins des pauvres les rendrait nécessaires, et l'on avait remarqué d'ailleurs qu'une taxe régulière attirait les pauvres des autres paroisses qui peuvent y acquérir un domicile légal par une résidence de trois ans, si pendant ce temps ils se sont soutenus par leur propre industrie. Dans les paroisses où ce système a prévalu, les collectes faites hebdomadairement dans les églises, sont, en général, d'un produit suffisant. Dans celles où des taxes légales ont été établies, les besoins des pauvres et la quotité de la taxe se sont, depuis leur origine, progressivement accrus; mais ce n'est pas toutefois au même degré que dans le royaume d'Angleterre. Les Ecossais ont généralement posé en principe que tout individu est obligé de pourvoir à sa subsistance par son propre travail aussi long-temps qu'il est en état de le faire, et que sa paroisse est seulement tenue de

lui procurer la portion de la vie qu'il ne peut gagner ou obtenir par d'autres moyens légaux. Même dans le cas d'extrême pauvreté, les parens et les voisins des pauvres mettent de l'orgueil à pourvoir à leurs besoins, soit en totalité, soit en partie. On distingue entre les pauvres, ceux inscrits sur les registres de la paroisse, et les pauvres industrieux. Les premiers reçoivent des secours habituels sur les fonds de la paroisse. Ceux de la seconde classe n'y ont droit que lorsque la maladie ou des causes accidentelles les empêchent de travailler, et spécialement pendant la saison de l'année qui affecte particulièrement leur santé ou suspend leurs travaux ordinaires. Ils reçoivent les secours que leurs besoins exigent, pendant qu'ils se trouvent dans cette situation; mais lorsque la cause qui avait motivé leur demande vient à cesser, on leur retire les secours de la paroisse, et ils retournent à leurs travaux, avec la conviction (qu'ils n'abandonnent jamais) que leur subsistance et leur soulagement dépendent de leur industrie personnelle. L'Ecosse, on le voit, a retenu, du catholicisme, des traditions plus conformes à l'esprit de la véritable charité.

Dans le royaume d'Angleterre et le pays de Galles, outre les dispositions citées par Blackstone, on remarque celles qui suivent:

Les inspecteurs des pauvres doivent, dans les quatre premiers jours de chaque année, rendre un compte exact, devant le juge de paix, des taxes qu'ils ont établies, de leurs recettes et de leurs dépenses. Ils se réunissent chaque mois un dimanche, dans l'église paroissiale, pour conférer sur leurs devoirs.

La taxe des pauvres, réglée par les inspecteurs et les marguilliers, doit être autorisée par deux juges de paix; le recouvrement peut en être poursuivi par la saisie et la vente des biens de ceux qui refusent de l'acquitter. Les personnes qui se croient lésées ont leur recours par voie d'appel aux

assises trimestrielles. Deux juges de paix peuvent taxer d'office une paroisse, dans tout le canton, pour venir au secours dune autre paroisse, en certifiant, dans leur décision, que la paroisse à secourir est dans l'impossibilité d'acquitter les sommes nécessaires pour l'entretien des pauvres.

Le père, le grand-père, la grand'mère et les enfans de tout individu pauvre, sont tenus de pourvoir à sa subsistance selon le taux qui est réglé par les juges de paix en session, si, toutefois, ils ont des moyens suffisans, ce que la décision doit établir. Deux juges de paix peuvent aussi prendre une décision pour charger de l'entretien d'un enfant naturel, sa mère ou le père présumé, et ils ont, en outre, le droit de leur imposer des peines. Les pauvres qui manquent d'ouvrage, et les infirmes qui refusent de travailler peuvent être envoyés, par l'ordre d'un ou de deux juges de paix, à la maison de correction.

Les inspecteurs peuvent établir des maisons de travail pour les pauvres, et faire toutes les dispositions nécessaires pour leur entretien. Les juges de paix ont le droit de visiter ces maisons et de s'informer si les pauvres y sont traités convenablement.

On tient, dans chaque paroisse, un registre où sont inscrits les noms de ceux qui reçoivent des secours hors de la maison de travail. Les paroissiens soumis à la taxe des pauvres, doivent se réunir, chaque année, pendant la semaine de Pâques (ou plus souvent si on le juge convenable), dans la sacristie ou autre local commun, pour examiner les registres et faire une nouvelle liste des pauvres, s'il est nécessaire.

Le pauvre qui a sollicité des secours auprès de l'assemblée paroissiale ou des deux inspecteurs, et dont la demande a été rejetée, peut réclamer devant le juge de paix de la paroisse la plus voisine, en affirmant sa plainte sous serment. Si le juge de paix pense que les faits affirmés donnent lieu à des secours, il cite les inspecteurs. Si ceux

ci ne démontrent pas la fausseté des faits allégués, ou n'ont pas comparu, le juge de paix peut délivrer un ordre de secours. La personne, à qui cet ordre a été accordé, doit être inscrite sur les livres de la paroisse pour recevoir des secours aussi long-temps que subsiste le motif qui les lui a fait obtenir. Les ordres de secours peuvent être délivrés, soit par le juge de paix, soit par la cour d'assises trimestrielles, et doivent être exécutés sans délai d'appel.

Les marguilliers et les inspecteurs des pauvres veillent à ce qu'aucune personne non domiciliée légalement, ne reçoive des secours dans la paroisse. Si un pauvre sollicite des secours dans un autre lieu que son domicile, deux juges de paix, sur la plainte qui leur en est portée, ordonnent le renvoi de cet individu dans la paroisse de son domicile, si, toutefois, il n'est pas trop malade pour être transporté sans danger. Dans ce cas, il doit être secouru dans la paroisse où il réside jusqu'à sa guérison. Si les pauvres renvoyés d'une paroisse y reviennent, ils peuvent être enfermés comme vagabonds dans une maison de correction.

Les appels contre les ordres de renvoi se portent à la cour des assises trimestrielles.

La taxe des pauvres (poor' rate), est assise uniquement sur les propriétés foncières. Sa quotité a été réglée en même temps que l'impôt ordinaire établi sur les terres, et à une époque déjà fort ancienne. Il en résulte, pour l'une comme pour l'autre, d'assez grandes anomalies. Certaines terres ne paient point la taxe, parce qu'elles n'avaient pas été mises en propriété individuelle à l'époque où fut fait le cadastre ou registre de répartition. Presque toutes les terres ayant acquis de grandes améliorations, et la taxe se payant toujours d'après l'estimation primitive, sa quotité, d'après son énoncé, paraît s'élever généralement plus haut qu'elle ne l'est en réalité, et la différence varie selon les terres et leur accroissement de valeur. Il n'est du reste, dans cette fixation, nullement question de revenu total du

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