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la mendicité, la validité physique et la possibilité de se procurer du travail étant difficiles à prouver dans un très grand nombre de cas, les magistrats hésitèrent à prononcer des condamnations dont le but et la justice n'étaient plus démontrés depuis la disparition d'institutions où les mendians auraient trouvé du travail et un asile. La plupart des individus arrêtés et poursuivis furent relâchés. Les officiers préposés à la police judiciaire et administrative, découragés par de nombreux exemples d'impunité, finirent par fermer les yeux sur des abus qu'il n'était plus en leur pouvoir de réprimer légalement.

Dans cet état d'incertitude et de relâchement, la mendicité devait reparaître avec tous les désordres qui l'accompagnent d'ordinaire. Les provinces du nord de la France où il existe, comme nous l'avons déjà fait connaître, une population ouvrière surabondante, sont particulièrement affligées de ce triste fléau. Là, pendant la saison rigoureuse, des bandes de mendians inondent les campagnes, parcourent les fermes isolées, menacent les propriétaires, et offrent la plus dégoûtante immoralité. A peine les efforts de l'autorité parviennent-ils à leur interdire l'entrée des villes.

Dans quelques départemens, des mesures avaient été prises pour autoriser les mendians infirmes, seulement, à recourir à la charité publique. Elles ont dû être abandonnées comme ne reposant sur aucun texte de loi.

Il a fallu dès lors rechercher des moyens qui pussent se concilier avec la législation actuelle. C'est dans ce but que les villes de Bordeaux, de Nantes, de Lyon, et ensuite Paris avaient établi les maisons de refuge et de travail pour les mendians dont nous avons déjà parlé (1). Au moment de la révolution de juillet, on en préparait de semblables dans quelques autres villes, et particulièrement dans les

(1) Voir le chapitre XX, livre II.

expresse,

chefs-lieux des divers arrondissemens du département du Nord. A Lille, on avait à peu près prévenu la mendicité par des distributions à domicile, portant, pour condition de s'abstenir de mendier. Mais ces succès isolés ont été l'ouvrage de quelques magistrats zélés, secondés par des hommes éclairés et charitables, et il paraît qu'ils ne se sont pas également soutenus depuis les changemens opérés dans l'administration publique.

Le gouvernement semble avoir compris la nécessité de mettre en rapport la législation et les institutions relatives à la répression de la mendicité. Nous exposerons, dans une autre partie de notre ouvrage, nos idées sur les moyens les plus propres à atteindre ce but important.

CHAPITRE V.

DE LA LÉGISLATION SUR LES MENDIANS EN ANGLETERRE, DANS QUELQUES ÉTATS DE L'EUROPE, ET AUX ÉTATS

UNIS.

Ici on ne reçoit pas l'aumône. (Jascription placée par le comte de Rumford sur la porte de la maison d'industrie militaire créée pour les mendians valides, à Munich.)

Les lois anglaises sur les mendians sont, en général, liées à celles concernant les pauvres, et ont été modifiées, avec ces dernières, à différentes époques.

Henri VIII, après avoir détruit les établissemens religieux et hospitaliers du royaume, autorisa les shérifs et les marguilliers à faire lever des aumônes volontaires pour secourir les pauvres qui se trouvaient dépouillés de leurs asiles et de leurs dotations; il fut effrayé bientôt de la mendicité qui surgissait de toutes parts. Pour la faire disparaître, il ordonna des mesures que la religion et l'humanité ne permettraient pas, même contre les malfaiteurs. On punissait les mendians qui persévéraient dans leur état en leur faisant couper une oreille. En cas de récidive, on les mettait à mort comme des criminels.

Le jeune Edouard VI commença son règne par un acte empreint de la même barbarie; le pauvre qui restait oisif pendant trois jours était marqué de la lettre sur la poi

trine avec un fer rouge; il était réduit à l'esclavage pendant deux ans, et son maître (qui était ordinairement son dénonciateur) avait le droit de lui faire porter un collier de fer et de le nourrir seulement au pain et à l'eau. Les mendians pouvaient même être mis à mort comme félons.

Elisabeth, après avoir tenté en vain, trois fois de suite, de faire soulager les pauvres par des aumônes volontaires, rendit l'acte obligatoire, encore en vigueur aujourd'hui (Poor' rate), et par lequel la mendicité se trouvait sévèrement proscrite. La plupart des peines portées contre les mendians par ses prédécesseurs furent conservées

D'après des statuts postérieurs, et notamment par le statut 17 de Georges II, chap. 5, les mendians sont assimilés aux mauvais sujets et vagabonds, comme tels, passibles de la fustigation et d'une détention de six mois à deux ans ; en cas d'évasion, ils peuvent être condamnés à la déportation pour sept ans. Celui qui leur donne asile encourt l'amende de quarante shellings et doit payer les dépenses qui en résultent pour la paroisse.

Cette législation est en vigueur aujourd'hui en Angleterre, mais n'est pas rigoureusement observée.

En Autriche, et, en général dans toute l'Allemagne et le nord de l'Europe, la mendicité est tolérée, sauf dans les principales villes où des mesures locales ont pourvu à procurer du travail et un asile aux mendians. Hambourg donna, la première, cet utile exemple. A Munich, en 1784, le comte de Rumford avait fait établir un dépôt de mendicité qui obtint les succès les plus prompts et les plus complets, et mérita d'être cité comme un modèle de bonne administration et de philantropie éclairée (1).

(1) MESURES QUI ONT EXTIRPÉ LA MENDICITE A HAMBOURG ET A MUNICH.

Hambourg.

Pour réprimer la mendicité à Hambourg, on a suivi le même systéme

L'état de servage des paysans et ouvriers en Russie et en Pologne, rend inutile une législation spéciale contre la mendicité.

qu'à Munich. Comme le mal était moins grand, on fut dispensé des mcsures de rigueur et des arrestations dont la seule menace fut suffisante.'

Cette ville possédait, dès 1622, une maison de travail située près de l'Elster, destinée à recevoir les pauvres, les mendians et ceux qui avaient commis des délits. Elle publia ses institutions en 1622, et les fit réimprimer en 1776. Mais ces institutions, quoique remarquables, vu l'époque de leur origine, devenaient insuffisantes pour la répression du paupérisme, et le tableau ci-après prouve combien le choix des nouveaux moyens adoptés l'emportait sur les anciens.

Relevé comparatif de l'établissement fondé en 1788, à Hambourg, pour l'extinction de la mendicité, pour les dix premières années de son

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A l'époque où Hambourg venait d'adopter de nouvelles mesures pour la répression de la mendicité, d'après l'insuffisance des anciennes, la Bavière était infestée de mendians et de vagabonds, à un point tel qu'on croit devoir, pour en donner une juste idée, transcrire ici les expressions mêmes. du mémoire en ce qui concerne la ville de Munich.

«Non seulement les mendians infestaient les rues de la ville et les passages publics, mais ils entraient encore dans les maisons, où ils ne se faisaient aucun scrupule de dérober tout ce qui leur tombait sous la main; les églises même en étaient pleines. Ils recouraient à des artifices diaboliques, aux délits les plus révoltans; pour rendre plus profitable leur infâme métier, ils volaient jusqu'aux jeunes enfans, et apres les avoir aveuglés ou estropiés de la manière la plus barbare, ils les exposaient aux regards du public pour exciter la compassion. Quelques-uns de ces hommes, dénaturés, mettaient nus, et faisaient presque périr de faim leurs propres enfans, pour qu'ils allassent apitoyer les passans, et ces pauvres et inno

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