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d'infirmes et un quart de malades. Les indigens validesont occupés aux travaux de la ferme ou à tisser, tricotter, filer et fabriquer des souliers. Le produit de la ferme a été, en 1826, de 3,971 dollars (environ 22,000 fr.), et celui du travail des ouvriers s'est élevé à pareille somme.

Les dépôts de mendicité de Boston, de Salem, de Harlford et de Providence, sont établis d'après le même système. Les administrations municipales règlent chaque année les subsides au moyen desquels il est pourvu à l'entretien de l'établissement.

CHAPITRE VI.

DE LA LÉGISLATION RELATIVE AUX ENFANS TROUVÉS

EN FRANCE.

Ah! que la pitié parle où se tait la nature!

(DELILLE.)

De tous les sentimens dont l'homme est susceptible, le plus naturel et le plus doux est l'amour des parens pour les enfans dans lesquels ils doivent un jour revivre. C'est une conséquence de la loi suprême qui préside à la conservation de l'univers, et qu'on retrouve même dans les créatures privées d'intelligence, car on sait que les animaux les plus féroces n'abandonnent leur progéniture que lorsqu'elle est en état de se passer de leurs soins. Mais chez les hommes, ce sentiment, comme toutes les affections morales et généreuses, s'altère par le contact des passions et des vices, et par la dégradation du cœur et de l'intelligence.

Ainsi que nous l'avons fait précédemment connaître, dans tous les temps et dans toutes les contrées du monde, on a vu des nouveaux-nés devenir victimes de mœurs féroces, de coutumes barbares et de la superstition la plus insensée. Excepté chez les Hébreux, les Egyptiens et les Thébains, la législation ancienne accordait une puissance absolue et le droit de vie et de mort au père sur les enfans,

même adultes (1). Ce droit fut long-temps exercé par la destruction de l'enfant ou par l'exposition. Les historiens, les poètes grecs et romains, et même les philosophes de l'antiquité, sont d'accord pour considérer comme permis ou tolérés les crimes d'infanticide, d'avortement ou d'exposition des nouveaux-nés. Seulement, les magistrats cherchaient à conserver les enfans exposés en les décla rant la propriété de ceux qui les auraient élevés, ou en entretenant aux frais de l'état ceux dont personne n'avait voulu se charger (2).

Il était réservé au christianisme d'introduire dans les institutions, dans les lois et dans les mœurs, les principes d'humanité et de justice qui font un devoir du sentiment de la tendresse paternelle, qui punissent l'infraction de ce devoir ou qui suppléent, par une tutelle conservatrice, l'abandon volontaire des droits et des devoirs de la paternité.

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Dès son berceau, l'église s'efforça de combattre les maximes de la politique païenne à l'égard des nouveauxnés, et de faire disparaître du code des nations chrétiennes, la législation barbare qui autorisait l'avortement, l'exposition et l'infanticide.

Ce fut l'an 374 que les empereurs Valentinien, Valens et Gratien prononcèrent des peines contre l'exposition, déclarèrent qu'on pouvait revendiquer les enfans trouvés, et statuèrent la peine de mort contre l'infanticide.

Depuis la promulgation de cette loi, l'infanticide direct et immédiat devint très rare. Il n'en fut pas de même de l'exposition qui continua à être très fréquente, parce qu'elle était en quelque sorte autorisée par l'édit rendu par

(1) Voir le chapitre XI du livre III.

(2) Montesquieu ne connaît aucune loi romaine qui permette d'exposer les enfans. Mais cet usage était général dans l'empire romain, sinon d'après les lois, du moins malgré les lois. Les Germains, au rapport de Tacite, s'abstenaient seuls de l'exposition des enfans.

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Constantin, en 379, d'après lequel les enfans exposés devenaient les esclaves de ceux qui consentiraient à en prendre soin.

C'était sans doute pour les soustraire à la mort que cet emperear les livrait à l'esclavage. Ses intentions humaines sont exprimées dans un autre édit, par lequel il ordonne aux villes d'Italie et d'Afrique de secourir les parens qui déclareraient ne pas pouvoir subvenir aux frais d'éducation de leurs enfans. Selon cet édit, les enfans devaient rester dans la maison paternelle et y être élevés. Mais cette loi ne produisit aucun effet général ou permanent. Ses promesses étaient trop magnifiques, ses moyens d'exécution trop vagues. Elle servit moins à soulager la misère publique, qu'à en faire voir toute l'étendue; mais les enfans exposés trouvaient dans la charité des chrétiens un secours plus efficace. Un grand nombre était sauvé, baptisé, élevé et entretenu aux dépens du trésor public de chaque église. C'est encore ce que font aujourd'hui, autant qu'ils le peuvent, nos missionnaires à la Chine.

Les lois des peuples qui envahirent l'empire romain, sur les enfans nouveaux-nés, furent empreintes des principes du christianisme qui se faisaient jour partout à cette époque. De tous ces peuples barbares, un seul imita les Romains en autorisant l'infanticide au moment où l'enfant venait de naître ce sont les Frisons, dont une grande partie tenait encore au culte païen et aux anciennes mœurs.

Dans l'empire d'Occident, les enfans trouvés, soustraits à la mort, ne le furent pas à l'esclavage. Charlemagne qui avait assimilé à l'homicide le meurtre des enfans, déclara les enfans exposés esclaves de ceux qui les élèveraient. Il accordait seulement à leurs familles un délai de dix jours pour les réclamer. En suivant ainsi l'exemple de Constantin, il avait comme lui, sans doute, l'intention de conserver la vie et la liberté de ces pauvres créatures; car, dans son capitulaire de 302, exhortant tous ses sujets à la

charité, il leur rappelle ces paroles de l'Evangile : Qui susceperit unum parvulum propter me, me suscepit.

Dans l'empire d'Orient, Justinien, qui défendit l'exposition, rendit aux enfans trouvés une liberté entière. Les progrès du christianisme parvinrent enfin à étendre cette liberté à toute la chrétienté.

Une loi de Justinien fournit la preuve que, de son temps, il existait déjà des hospices d'enfans trouvés, comme les capitulaires de Charlemagne annoncent qu'il en existait également dans l'empire d'Occident. L'esprit de la religion chrétienne avait porté ses fruits aux deux extrémités de l'Europe.

Pendant long-temps, la charité religieuse s'était seule occupée de la conservation des enfans trouvés. Ce ne fut qu'en 1452 qu'un édit prescrivit à tout seigneur hautjusticier de se charger de l'entretien des enfans trouvés sur le territoire de sa juridiction. Cette obligation s'étendait au roi pour les justices royales. Aussi les procureurs du roi dans le ressort de ces justices et les procureurs fiscaux dans les autres, eurent grand soin, lorsque parut l'ordonnance de Henri II, d'exiger des filles enceintes des déclarations de grossesse qui plaçaient sous la protection de la loi la vie de l'enfant à naître, à laquelle on attachait alors plus d'importance qu'à l'honneur de la mère déjà si compromis.

En 1562, une confrérie s'était formée à Paris sous l'autorité de l'évêque pour secourir les pauvres enfans. Cette association, approuvée par le dauphin régent, fonda, l'année suivante, l'hôpital du Saint-Esprit en faveur des enfans abandonnés. Dans la suite les magistrats ayant voulu y faire placer des enfans trouvés, il fut décidé par lettres-patentes de 1445 que le but de la fondation était seulement de recueillir des enfans pauvres nés en légitime mariage.

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