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bliés pour une meilleure organisation des secours publics, particulièrement à Lille, où les premiers essais ont été couronnés de succès (1). Quant aux mesures qui font partie des attributions du gouvernement ou des corps législatifs, on ne saurait trop insister pour qu'elles deviennent l'objet immédiat de la sollicitude des ministres. >>

<«< Ces améliorations une fois obtenues, la génération future, pour laquelle seule il est permis de concevoir des espérances de bonheur plus complètes, ne demandera plus qu'un seul bienfait au gouvernement. A la vérité, il est grand, puisqu'à lui seul il peut renfermer tous les autres; mais il n'est pas hors de la portée d'un pouvoir paternel je veux parler d'une éducation religieuse solide et d'une instruction industrielle convenable. >>

« En effet, si par des réglemens sages et sévères, si par des institutions judicieusement combinées, on enlève aux indigens la faculté de se livrer à l'ivrognerie, de vivre dans le désordre, et de dissiper au cabaret ou à la loterie le fruit de leur travail; si on leur offre les moyens de placer avantageusement le produit de leurs économies ; si l'on parvient à placer dans les hospices ou dans les maisons de refuge tous les vieillards, les infirmes et les

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(1) On trouvera, dans les instructions générales adressées par le préfet, les 30 juillet et 31 août 1828, aux maires et aux administrations charitables du département du Nord (F G), l'indication des efforts tentés par cet administrateur, pour obtenir les améliorations désirables. M. le baron de Gé rando, en qualité de vice-président de la société des établissemens chariritables, fondée le 30 mars 1830, fit connaître à M. le vicomte de V..... que la première de ces instructions, à laquelle il donnait des éloges beaucoup trop flatteurs, sans doute, serait insérée, comme modèle, dans le 1 bulletin de la société. En 1829, une organisation des secours publics fut établie, à Lille, sur des bases qui ont ensuite été adoptées pour les douze arrondissemens de Paris. Nous avons appris que, depuis les événemens de Juillet, elles ont été à peu près abandonnées ou changées. Les pauvres, placés sous la protection plus directe de la charité religieuse, ont été rendus à la charité légale. Nous désirons que ce changement leur soit favorable ; mais il est difficile de l'espérer.

orphelins; si les secours de la charité publique et de la bienfaisance particulière ne sont distribués qu'avec prévoyance et sagesse aux véritables nécessiteux; si un service de santé complétement organisé donne l'assurance que des soins attentifs seront donnés à la classe ouvrière, et la préserveront désormais de ces maladies et de ces accidens, le seul et triste héritage que se transmettent les familles des pauvres ; si le régime intérieur des manufactures est surveillé de manière à garantir la salubrité et la moralité des ouvriers; si l'établissement de colonies agricoles donne un débouché à une partie de l'excédant de la population; si, enfin, toutes ces mesures peuvent s'obtenir en faveur de la génération actuelle, il ne resterait plus, pour prévenir le retour du paupérisme, devenu endémique dans cette contrée, que de rendre la génération qui s'élève intelligente, libre, industrieuse, et surtout morale et religieuse. »>

« Ici, les obstacles seront peu nombreux en ce qui concerne l'administration publique : il est non seulement possible, mais facile d'établir, par les soins des municipalités et des commissaires de charité et de bienfaisance, un nombre suffisant d'écoles gratuites et charitables où tous les enfans des deux sexes de la classe ouvrière puissent recevoir, avec une éducation religieuse complète, une instruction élémentaire suffisante et l'apprentissage d'un métier ou d'un art propre à lui assurer une existence convenable en tout pays. Il est possible de les y occuper avec fruit, à l'aide d'une surveillance attentive, jusqu'au moment où sans danger pour leurs forces physiques et pour le complément de leur instruction, ils pourront se livrer à un travail plus profitable dans les ateliers et fabriques des villes ou des campagnes. C'est dans ce but qu'il y aurait lieu d'imposer aux communes l'obligation de subvenir par des impositions extraordinaires, s'il en était besoin, à la formation d'écoles organisées à la fois pour l'éducation,

l'instruction et l'apprentissage du travail; et ce qui faciliterait surtout le succès de ces institutions, serait l'application des méthodes reconnues les plus sûres et les plus parfaites, et leur adoption par les corporations religieuses vouées à l'enseignement du peuple. »

« Mais il est à craindre que des difficultés plus graves ne naissent du côté même où l'on devrait le moins les redouter, c'est-à-dire de la part des personnes les plus intéressées à l'amélioration morale des enfans de la classe ouvrière, les parens de ces enfans et les chefs de l'industrie. >>

« L'expérience a prouvé que la plupart des ouvriers pères de familles ne consentent à envoyer leurs enfans dans les écoles que pendant les années où ils ne peuvent absolument rien produire encore par leur travail; qu'ils les en retirent dès que leurs faibles bras sont en état de leur faire gagner quelques centimes, et que c'est à ce déplorable abus de la puissance paternelle, dominée par la misère, que l'on doit attribuer cet affaissement moral et physique que présentent ici tous les âges de la vie. Les enfans, épuisés par un travail précoce, ne recevant qu'une chétive nourriture, habitant la nuit des caves humides et le jour des ateliers malsains, n'ayant sous les yeux, lorsqu'ils arrivent à l'adolescence, que des exemples d'ivro-gnerie, de débauche et de honteux désordres, s'imprègnent bientôt de la contagion générale, et se modèlent complétement sur la génération dégradée qu'ils sont appelés à remplacer dans l'ordre social. »

<< Exposer un aussi pénible tableau, c'est démontrer en quelque sorte la nécessité de limiter, dans cette portion de la société qui réclame les secours de la charité publique, l'exercice de la puissance paternelle. »

« Je prévois toutes les objections que doit faire naître la pensée de porter une atteinte quelconque à un principe aussi sacré que l'autorité des pères sur les enfans; elles

sont graves sans doute, mais elles ne sont pas sans réplique. »

« L'homme qui invoque la protection et les secours de la charité publique se place de lui-même dans une catégorie exceptionnelle. En se faisant inscrire sur les listes des indigens (inscription qui devrait, à mon avis, être précédée d'une enquête et accompagnée de formalités authentiques et légales), il peut être considéré, de fait et en droit, comme mineur, et, à ce titre, la loi pourrait l'assujettir à une sorte de tutelle qu'exerceraient les administrations charitables sous la surveillance de l'autorité judiciaire. >>

« Cette tutelle aurait pour effet, 1° d'obliger l'ouvrier, inscrit légalement sur les registres de l'indigence, à verser, dans une caisse d'épargnes, une portion du salaire de son travail, si ce salaire venait à excéder ses besoins; 2o de se soumettre aux réglemens relatifs à l'enseignement et à l'hygiène domestique, qui lui seraient applicables ainsi qu'à sa famille; 30 enfin, et surtout, de lui enlever la surveillance et l'autorité, à l'égard de ses enfans, jusqu'à un âge déterminé en ce qui concerne l'éducation et l'instruction, sauf à lui accorder un supplément de secours équivalent au produit qu'il aurait pu retirer du travail de ces enfans. >>

« Il serait facile de justifier par des considérations d'intérêt général, comme sous le rapport de l'avantage de l'ouvrier indigent et de sa famille, la nécessité de mesures législatives destinées à consacrer et à appliquer ces principes, d'autant mieux que les obligations imposées à l'ouvrier indigent seraient toujours facultatives de sa part. En renonçant à devenir une charge pour la société, il reprendrait la plénitude de ses droits de citoyen et de père. >>

«< D'un autre côté, il semble que des motifs de salubrité publique et d'ordre social donneraient le droit au gouver

nement d'astreindre les propriétaires et directeurs de manufactures et d'ateliers: 1o à ne recevoir aucun ouvrier au-dessous de douze ans, à n'en recevoir aucun de cet âge qui ne sût lire, écrire et calculer, et n'eût été reconnu par un homme de l'art capable de se livrer sans danger au travail des fabriques; 20 à rendre leurs ateliers parfaitement salubres; 5o à établir dans leurs manufactures des écoles pour les ouvriers adultes; 40 à séparer les sexes et à donner de suffisantes garanties du respect dû aux bonnes mœurs et à la religion; 5o à former, pour leurs ouvriers, des caisses d'épargnes et de prévoyance; Go enfin, à se soumettre, sous ces divers rapports, à la surveillance des agens délégués par l'autorité, etc. (1). »

Ces vues, et quelques autres analogues présentées par M. Simonde de Sismondi et plusieurs écrivains philantropes, seront traitées avec plus d'étendue dans la partie de cet ouvrage consacré à l'examen de la législation relative aux indigens et aux ouvriers. Elles ont été inspirées par l'étude approfondie de la nature de l'indigence dans le département du Nord, et notre ouvrage lui-même n'est, à proprement parler, que le développement des observations faites dans cette province sur une branche d'économie sociale trop peu connue et trop généralement négligée.

Au reste, depuis l'époque où nous recueillions des notions propres à nous guider dans la tentative de soulager

(1) Ce qui précède est extrait d'un rapport du préfet du Nord sur la șituation des indigens de ce département, et d'un mémoire sur les colonies d'indigens, établies dans le royaume des Pays-Bas, adressé au ministre de l'intérieur, le 19 mai 1829. Les vues de M. le vicomte de V..... avaient été l'objet de l'examen du conseil supérieur d'agriculture du royaume, et d'un rapport fait à ce conseil, en juillet 1830 (H), par M. le comte de Tournon, pair de France. Les conclusions favorables de ce rapport furent adoptées par le conseil supérieur, et devaient être insérées, le 25 juillet 1830, an Moniteur, lorsque la publication des ordonnances de ce même jour vint ébranler la France et l'Europe.

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