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doivent faire naître de nouveau, la détresse horrible de la classe ouvrière et l'exubérance d'une population sans débouché, sont des élémens prochains de troubles et de ruine qu'on ne voit aucun moyen d'étouffer.

<< La situation des nombreuses possessions d'outre-mer de l'Angleterre, disent des publicistes étrangers réfugiés dans ce royaume, est peut-être encore plus précaire que celle de la métropole. Les colonies du Cap de BonneEspérance, de Sierra-Leone, de la Nouvelle-Galles, du Sud, de la Terre de Van-Diemen, des deux Canada, n'ont été jusqu'ici qu'onéreuses à la Grande-Bretagne : les Indes occidentales sont pauvres et languissantes, et, s'il est vrai qu'elles fassent entrer 123 millions par an dans le trésor de la mère-patrie, c'est après les avoir tirés préalablement de la poche du peuple anglais, qui, en conséquence du double droit dont sont frappés les sucres des Indes orientales et ceux des autres colonies étrangères, est obligé de s'approvisionner du sucre des Antilles, pour ainsi dire au prix fixé par les colons. Enfin l'Indostan, accablé d'une dette d'environ un milliard et demi de francs, a pu enrichir des particuliers; mais il est à charge de la grande

la surface de la société, et ne pénètre que lentement et imparfaitement dans les détails. Traitant tout de très haut, elle ne porte pas ses regards sur les misères qu'elle crée et qu'elle place dédaigneusement en dehors de ses spéculations. Si elle procure de la splendeur aux états et aux générations futures, c'est presque toujours aux dépens des individus et de la génération présente. »

« Un écueil presque inévitable existe, et cause de nombreux naufrages. C'est l'excès de la population. On ne peut limiter le nombre et le produit des machines. La production l'emporte sur la consommation et la pléthore cause de fréquentes et terribles catastrophes : avertissemens inutiles, leçons perdues pour ceux qui suivent la même route. >>

« L'industrie anglaise sera bientôt forcée de se borner à l'approvisionnement de la métropole et des colonies, consommation qui, malgré son étendue, ne saurait balancer une production sans limites, et dont la disproportion cst déjà une source de calamité que l'on doit calculer dans une proportion ascendante. » (Le baron d'Haussez, de la Grande-Bretagne en 1833.)

majorité de la nation anglaise, qui doit au monopole exercé par la compagnie des Indes de payer le thé, l'opium, etc., un tiers plus cher que les habitans des autres pays de l'Europe. >>

« L'Angleterre ne peut donc obtenir aucune assistance réelle de ses colonies; d'ailleurs, elles secoueront tôt ou tard le joug de la métropole : les deux Canada se réuniront aux Etats-Unis ; les esclaves des Indes occidentales obtiendront, par l'insurrection, la liberté que des maitres aveuglément avides leur refusent; les Hindoux euxmêmes, aguerris par leurs nombreuses défaites, civilisés par leurs vainqueurs, apprécieront leurs propres forces, et l'étendard britannique aura cessé de flotter sur cette belle partie du monde. Alors le cabinet de Saint-James n'aura plus de riches gouvernemens à donner à son aristocratie, d'innombrables sinécures à la partie oisive de sa population, ni une foule d'emplois à distribuer à cet essaim d'agens civils et militaires qui pullulent dans ses colonies. >>

« C'est plus près d'elle qu'elle doit chercher des remèdes aux maux dont elle est affligée. Qu'elle restitue l'Irlande à l'industrie agricole et commerciale par l'émancipation des catholiques; qu'elle rétablisse la confiance dans le commerce par de sages restrictions apportées à l'émission du papier-monnaie, et surtout qu'elle rende aux produits de ses manufactures leur ancienne supériorité par la réduction des droits sur les objets de première nécessité, et par l'abolition des lois prohibitives sur les grains étrangers, etc. >>

<< Malheureusement il est à craindre que l'Angleterre ne soit point disposée à ces changemens. L'émancipation des catholiques a de puissans ennemis ; la banque possède des priviléges auxquels il est peut-être difficile de toucher, et la révocation des lois sur les grains demanderait préalablement, afin de ne pas ruiner la classe nombreuse des

fermiers, l'abolition entière et immédiate de la dime levée au profit de l'église anglicane sur toutes les propriétés foncières des trois royaumes (1). »

Ces conseils sont judicieux, sans doute; mais suffiraientils pour sauver l'Angleterre des périls qui la menacent? Le mal tient à l'altération profonde des principes constitutifs de toute société, c'est-à-dire de la justice, de la charité et de la morale. Le remède ne peut se trouver que dans un retour complet à ces principes; mais pour cela il faudrait renoncer à la possession exclusive des délices que procurent le luxe et les richesses; il faudrait voir dans les destinées humaines autre chose qu'une suite de jouissances; il faudrait renouveler les mœurs publiques. Or, l'expérience nous apprend que la réformation morale des peuples qui ont ainsi corrompu toutes leurs voies, ne s'achète qu'au prix de grandes catastrophes et de longues douleurs.

Aujourd'hui, quelques économistes proposent à l'Angleterre, comme moyens efficaces de guérison, l'émigration forcée (2), la contrainte morale et même l'interdiction du mariage aux pauvres ; d'autres fondent les plus grandes espérances sur les écoles établies pour l'instruction des ouvriers, et voient déjà naître, pour l'Angleterre, ces temps ineffables de prospérité prédits par Condorcet ; quelquesuns, plus judicieux, lui conseillent d'employer ses pauvres à défricher et à coloniser 15,000,000 arpens de terre encore incultes en Irlande et en Ecosse; d'autres, enfin (et il est probable qu'ils seront plus favorablement écoutés par les masses populaires), établissent que le propriétaire ne possède que dans l'intérêt de la société et non dans

(1) Ocios de emigrados Españoles (loisirs d'Espagnols réfugiés), journal publié en Angleterre, par MM. Canga, Arguelles, Villanova et Mendibil.

(2) L'émigration volontaire annuelle de 40,000 individus ne suffit plus à débarrasser l'Angleterre de l'excédant de la population ouvrière et pauvre.

le sien, et qu'ainsi le pays a le droit d'ôter au propriétaire et au capitaliste la gestion d'un bien qu'ils ne font pas fructifier suffisamment au profit de tous. Le gouvernement, effrayé de ces symptômes révolutionnaires, cherche à les paralyser par des concessions et des promesses; mais voudra-t-il, pourra-t-il les réaliser efficacement? Il peut être permis d'en douter. La réforme commencée en Angleterre ne paraît, aux yeux des esprits clairvoyans, qu'un piége tendu aux ouvriers, un moyen d'apaiser leurs mécontentemens et de gagner du temps. Un nouvel âge d'or serait montré aux prolétaires, et pendant qu'ils en attendraient l'aurore, on prendrait les précautions les plus énergiques contre leur réveil...... S'il en était ainsi, l'heure du fatal dénoûment ne serait que retardée...

Mais à l'aspect d'une situation aussi grave, que les autres peuples de l'Europe sachent du moins profiter de la haute leçon qui leur est offerte. Qu'ils se méfient surtout des derniers efforts que pourrait tenter l'Angleterre pour échapper, à l'aide des troubles extérieurs, au danger qui la menace dans son propre sein. Loin de nous le désir de voir briser soudainement ce colosse dont la chute pourrait ébranler peut-être l'univers tout entier. L'humanité frémit à la pensée des malheurs qu'entraînerait en Angleterre une révolution opérée par la force brutale; mais l'humanité peut s'unir sans doute à l'intérêt de tous les peuples, dans le vœu que la politique anglaise, s'occupant exclusivement désormais d'améliorer le sort de sa population souffrante, soit forcée de respecter le bonheur et la paix des autres nations.

<< Partout, dit un profond publiciste, on reconnaît que l'Angleterre a été la première cause de la destruction des gouvernemens, de la révolte des peuples et des guerres des nations on a vu l'Asie recevoir ses lois oppressives, ses armées dévastatrices, et lui payer tribut; l'Africain, longtemps vendu par l'Angleterre, tomber en son pouvoir

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sous un spécieux prétexte d'humanité; en Amérique, lorsque le Canada, la Jamaïque et les autres colonies réclament une juste indépendance, on rive leurs fers; au Mexique, à Buenos-Ayres, au Brésil, au Pérou, comme à la Colombie, les menées de l'Angleterre poussent à l'indépendance pour ravir ces colonies à leurs métropoles. »

<< En Europe, l'Angleterre n'a laissé de paisible que le Danemarck, après toutefois l'avoir mis hors de lui nuire en incendiant Copenhague, en anéantissant sa marine et lui enlevant Héligoland; que la Suède, qui peut un jour l'aider dans ses plans; que la Prusse, qu'elle redoute à cause du Hanovre et qu'elle cajole dans l'espérance de l'influencer; que la Russie, hors de sa portée, mais que sa politique mine sourdement sur tous les points où elle peut l'atteindre; que l'Autriche, dont elle peut beaucoup recevoir et a peu à redouter. Le reste de l'Europe est ravagé par tous les maux qu'il est au pouvoir du génie anglais de produire. »

« La Turquie, naguère abandonnée dans son malheur par cette Angleterre à laquelle elle a tant profité, est maintenant tour à tour flattée et trahie par cette puissance. L'Angleterre veut l'anéantissement du cabotage des Grecs, arriver à fermer les Bosphores à la Russie, exclure la France des Echelles du Levant, s'établir à Suez, afin de frayer à son commerce de l'Inde et de la Chine une voie courte et économique qui puisse dégoûter la Russie de chercher à en détourner quelques branches à son profit. »

« La révolte de la Pologne est son ouvrage et se rattache au même plan. >>

« L'Allemagne (particulièrement la Bavière, le Wurtemberg et la Saxe) donne de l'ombrage à l'Angleterre par ses progrès en industrie : l'Angleterre a résolu sa dévas¬ tation, et prend à sa solde des professeurs pour la révolter. >>

<< L'Espagne et le Portugal ont dans l'Inde des posses

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