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cessairement très chers. Il n'existe pas, en général, dans la région du nord, des terrains communs où les pauvres aient le droit de faire paître des bestiaux, et quoique les bureaux de bienfaisance soient abondamment dotés, relativement à ceux des autres provinces, la misère ne peut jamais en recevoir que de très insuffisans secours, et devient ainsi une charge très onéreuse pour la bienfaisance particulière. Le système d'industrie et d'agriculture suivi dans cette partie de la France tend sans cesse, d'une part, à accroître la population manufacturière ; de l'autre, à abaisser le taux des salaires, à concentrer les capitaux et les bénéfices de l'industrie et à amener ainsi tous les élémens générateurs du paupérisme. Il y a plus de richesses que dans les autres provinces, mais elles sont très inégalement réparties. Toutes ces causes expliquent le nombre et la condition déplorable des indigens dans cette partie du royaume.

Le tableau [C] des indigens existans dans chacune des régions de la France, en 1829, donne les résultats suivans:

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Dép. du nord. (6): sur une pop. de 3,288.207 348,31 19 1/3

Id. de l'est.. (14)

id.

Id. du midi. (32)

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5,333,97! 177,768 1/30

9,784,074 412,575 1/23 29/41 6,737,289 345,635| 1/19 17|34 6,737,133 301,631 1/23 1/3 31,880,674 1,586,340 1/20 1/10

Nous plaçons, après ce tableau, la nomenclature des départemens dans l'ordre de l'intensité et de l'indigence [D].

Les calculs sur lesquels ces travaux sont établis, reposent en grande partie sur des renseignemens que nous devons à l'obligeance du plus grand nombre de MM. les préfets du royaume; nous joignons ici [E] un extrait sommaire de ces documens administratifs.

Quoique ces bases, comme on l'a déjà dit, soient en général seulement approximatives, et ne puissent prendre un caractère officiel qu'à l'égard d'un petit nombre de départemens, il est difficile de méconnaître (et l'on en sera convaincu par l'exemple du département du Nord, sur lequel nous présenterons, dans le chapitre suivant, le résultat d'études spéciales) que, dans vingt départemens du royaume, et sur une population de 10,062,769 habitans, comprise dans la zône souffrante (c'est-à-dire environ le 15 et 58 de la population générale de la France), l'indigence est devenue, surtout pendant la saison rigoureuse, une charge cruelle, intolérable, qui menace de s'aggraver tous les jours et qui exige des remèdes extraordinaires. Là, on compte 1 indigent sur 15 individus, tandis qu'une grande portion de la population générale (environ 13,043,514 habitans), ne compte qu'un indigent sur 23 individus, et qu'un certain nombre de départemens favorisés, renfermant 8,774,591 habitans, ne produisent qu'un indigent sur 55 individus (1).

Il serait sans doute d'un grand intérêt de vérifier soigneusement l'exactitude de ces calculs et de rechercher plus complétement que nous avons pu le faire, les causes morales et physiques qui, agissant, dans chaque localité, sur le sort des classes inférieures, favorisent et arrêtent le développement du paupérisme. La société des établissemens charitables, fondée en 1850, mais qui paraît avoir

(1) En prenant pour base divers renseignemens statistiques, on peut diviser ainsi qu'il suit la population indigente de la France :

1o Vieillards, G0,000 (dont 40,000 mendians).

2o Infirmes, 180,000 (dont 52,000 mendians).

3° Indigens par surcharge d'enfans, 790,000 (sur ce nombre environ 574,000 enfans (les 3/5), dont 76,000 mendians).

4° Indigens par défaut ou insuffisance de travail ou par suite de malheurs, 350,000.

5° Indigens par inconduite, 306,340 (dont 30,000 mendians des deux sexes valides).

M. le baron Degérando (Visiteur du pauvre) établit ainsi le rapport des

ralenti ses travaux, semblait appelée à se livrer à cette enquête paternelle que nous indiquons à tous les gouvernemens comme digne de l'attention la plus sérieuse. Nous avions nous-même entrepris ces investigations en 1828 et 1829, c'est-à-dire dans un état de paix et de prospérité pour la France. Depuis cette époque, une grande révolution s'est accomplie, et notre éloignement des affaires publiques nous a empêché de suivre les progrès du paupérisme, au milieu du bouleversement général des fortunes, de l'industrie et du travail. Ces progrès ont dû être effrayans si l'on peut en juger par les secours demandés au gouvernement pour venir au secours des grands établissemens industriels. D'un autre côté, les événemens de Lyon, les rapports des journaux de Paris et des dépar

diverses classes d'indigens à la population indigente totale, à Paris, près les relevés dressés par ordre du conseil général des hospices.

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En faisant remarquer que la misère tombe essentiellement sur les gens mariés, sur les veuves, et sur les familles surchargées d'enfans en bas-âge, M. Degérando pense qu'il ne faut pas conclure que les indigens se marient plus facilement et que leurs mariages soient plus féconds. Il faut seulement reconnaître, dit-il, que les ménages chargés d'enfans en bas-âge et les veuves sont, par leur position elle-même plus exposés à l'indigence. Nous ne croyons pas cette conclusion tout-à-fait juste. L'expérience prouve que les ouvriers se marient en général de très bonne heure, et ont par conséquent beaucoup d'enfans. Or, c'est dans cette classe surtout que se manifeste l'indigence, et l'on ne peut nier que la précocité et l'imprévoyance dans les mariages ne soit une des causes principales de la misèrc des prolétaires. Le fait remarqué par M. Degérando confirme entièrement, d'ailleurs, les observations de MM. Malthus et de Sismondi.

temens, et les discussions orageuses élevées au sein des Chambres législatives ont pu fournir à cet égard de moyens suffisans d'appréciation, en même temps qu'ils servaient de triste démonstration pratique aux vues que nous avons émises sur les causes de l'indigence et sur les effets des révolutions politiques amenées par ces mêmes

causes.

Au sujet des événemens de Lyon, M. le comte d'Argout, ministre du commerce, disait à la Chambre des Pairs (1): « Rappelons - nous, messieurs, ce que nous avons tous prévu et annoncé, ce que nous tairons, ce que nous disions tous long-temps avant la révolution de juillet et au moment qu'éclata en Angleterre la crise commerciale de 1825. On prédisait que cette crise ferait le tour du monde. Nous entendîmes même un ministre que devait flatter cette apparence de prospérité matérielle, reprocher à la spéculation ses efforts exagérés, et, à l'exemple de lord Liwerpool, accuser l'esprit d'industrie d'un vertige qui l'exposait à de tristes mécomptes. N'oublions pas que, dès lors, il fut démontré que la production fabriquée avait excédé ses besoins d'une manière alarmante. Aussi arriva-t-il que si les ouvriers travaillaient encore, soutenus par le patriotisme des manufacturiers, ceux-ci n'eurent bientôt plus en mains d'autres valeurs que les produits mêmes qui avaient remplacé leurs valeurs en portefeuille, et que l'on fut obligé de prêter à la production ce que la vente ne remboursait plus. >>

« C'est dans cet état de choses que la révolution vint surprendre le pays, révolution dont le principe, quelque généreux, quelque légitime qu'il fût, devait amener les conséquences inévitables de toute crise politique, celle de de resserrer les capitaux, de suspendre la consommation et d'interrompre le travail. >>

(1) Séance du 17 décembre 1831.

« Il faut renoncer à trouver, dans l'hypothèse d'une augmentation d'impôts, la cause d'une détresse qui a déjoué momentanément les calculs prévoyans et réparateurs de l'administration. Demandez-en compte, avant tout, aux grandes découvertes qui se sont pressées dans l'histoire du genre humain, depuis un demi- siècle, et dont le double effet est d'augmenter la production industrielle et de simplifier les agens de la production, de multiplier les produits et d'augmenter tous les genres de concurrence. Il y a dans ces quatre points de vue plus de motifs qu'il n'en faudrait pour expliquer une crise plus grave que celle que nous venons de traverser. >>

<< Rappelons-nous tant de provocations menaçantes dirigées contre la propriété, soit à l'aide de théories folles qui ont aussi leurs missionnaires, soit au moyen de quelques actes de violence destinés en quelque sorte à servir d'essais. >>

Il est remarquable que le ministre ait dû tenir, à son tour à la Chambre des Pairs de France, le même langage que lord Wellington avait fait entendre peu de temps auparavant à la Chambre des Lords d'Angleterre, justifiant ainsi pleinement l'un et l'autre le mot célèbre de l'un des ministre de la restauration (1). « La France produit trop. >> Cri prophétique qui souleva alors si violemment l'opposition radicale, comme en Angleterre elle s'était élevée contre les paroles de lord Liwerpool, parce que dans l'un et l'autre pays, le radicalisme entrevoyait sans doute, à la suite de la crise commerciale, la crise politique objet de

tous ses vœux.

Dans la séance du 18 décembre 1831, un député (M. Pagès), répondant au président du conseil, s'exprimait en ces

termes :

« Il ne s'agit plus de savoir comment seront formulées

(1) M. le comte Corbière, ministre de l'intérieur. Cet homme d'état appliquait ces paroles à l'excès de la production industrielle.

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