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tendaient incessamment à multiplier la population ouvrière et à diminuer les moyens du travail. Ainsi que nous l'avons déjà fait connaître, plusieurs provinces ont vu naître le pauperisme anglais, et les moyens ordinaires de le secourir sont devenus de faibles palliatifs contre un tel fléau. La, la taxe des pauvres est considérée comme une nécessité inévitable et imminente; elle existe même déjà sous d'autres formes et sous d'autres dénominations. Il sera difficile de l'empêcher de s'y introduire officiellement lorsque tous les efforts auront été tentés en vain pour éviter la reconnaissance d'un principe funeste. Une nouvelle direction donnée à l'industrie et une diffusion plus générale de l'esprit de charité peuvent seules préserver le pays de ce malheur. Nous indiquerons, dans une partie de notre ouvrage, les mesures qui nous paraîtraient propres à éloigner un système de secours dont les vices et les déplorables conséquences pourront être jugées par l'aperçu que, dans le chapitre suivant, nous allons donner des lois établies pour les pauvres d'Angleterre.

L'Italie, le Portugal, l'Espagne avaient en quelque sorte prodigué les asiles à la misère. En Espagne, dont nous avons pu étudier le système général des secours publics, chaque ville était pourvue d'un hôpital ou d'un hospice dotés par la charité des évêques, des chapitres et des particuliers riches. L'évêque, ou à défaut le curé, présidait l'administration composée d'ecclésiastiques, de conseillers municipaux ou des notables habitans. De petits hospices, ou plutôt un local communal, destinés à recueillir les indigens étrangers qui tombaient malades en traversant le territoire, existaient dans presque tous les bourgs ou communes. Les aumônes pourvoyaient à la dépense ; le clergé procurait du travail ou des secours à domicile aux pauvres honteux.

Dans les autres états catholiques de l'Europe, le système

des secours publics est à peu près celui qui existait en France avant la révolution de 1789. Quelques contrées, et particulièrement la Belgique, momentanément placée sous la domination française, ont conservé l'organisation moderne des bureaux de charité. La Hollande a repris ses anciennes institutions, spéciales à chaque ville, comme dans le reste des états protestans.

CHAPITRE III.

DE LA LÉGISLATION SUR LES PAUVRES EN ANGLETERRE.

En Angleterre on a fait des lois pour établir en faveur des pauvres un système général de secours. Mais il est probable qu'en diminuant un peu les maux individuels on a répandu la souffrance sur une surface beaucoup plus étendue.

(MALTHUS.)

BLACKSTONE s'exprime en ces termes sur l'origine des lois relatives aux pauvres du Royaume-Uni :

«< Jusqu'au temps de Henri VIII, les pauvres, en Angleterre, ne recevaient leur subsistance que de la bienfaisance des particuliers et de la charité des chrétiens bien disposés (1). Car, quoiqu'il paraisse que, suivant la loi commune, «<les pauvres dussent être assistés par le recteur de l'église et ses paroissiens, de manière qu'aucun d'eux ne meure de faim, faute d'alimens, » et quoique les statuts de Henri VII eussent arrêté que les pauvres demeureraient dans les cités ou villes où ils avaient pris naissance, ou dans celles où ils auraient vécu pendant trois ans (ce qui paraît être le premier élément de nos établissemens paroissiaux), cependant, jusqu'au statut 27

(1) Les pauvres, en Irlande, n'ont encore, jusqu'à présent, d'autres secours que ceux de la charité des particuliers,

de Henri VIII, je ne trouve pas qu'on eût arrêté aucune mesure réglementaire et coactive à cet égard, et les pauvres semblent avoir été abandonnés à l'humanité et aux secours volontaires des habitans de leur voisinage. Les monastères surtout étaient leur principale ressource, et, entre les mauvais effets qui résultaient de ces institutions monastiques, ce n'était pas peut-être l'un des moindres (quoique souvent on en ait jugé tout autrement), que d'entretenir et de nourrir un très grand nombre de fainéans qui subsistaient des aumônes journellement distribuées aux portes des maisons religieuses (1); mais, après la dissolution totale de ces maisons, on sentit promptement dans tout le royaume l'inconvénient d'encourager ainsi les pauvres dans leurs habitudes de paresse et de mendicité. Sous les règnes de Henri VIII et de ses enfans, de nombreux statuts s'occupèrent de dispositions pour les pauvres et les impotens, dont le nombre s'était fort accru depuis quelques années, selon le préambule de plusieurs de ces statuts. Ces pauvres étaient de deux classes principales: les malades et impotens incapables de travailler, et les paresseux valides, capables d'occupations convenables, mais ne voulant pas travailler. Edouard VI pourvut, jusqu'à un certain point, à ce qui concernait ces deux classes pour la capitale et les environs, en fondant trois hôpitaux royaux, ceux du Christ et de Saint-Thomas, pour venir au secours des pauvres que la trop grande jeunesse ou les infirmités rendaient incapables de travail, et l'hôpital de Bridewel, pour y châtier et y occuper les pauvres valides et fainéans. Mais ces établissemens étaient loin de suffire pour tous les pauvres du royaume, en sorte qu'après l'épreuve infructueuse de divers autres moyens, le statut 43

(1) Il n'est pas besoin de faire remarquer que le savant publiciste anglais était un protestant zélé et plein de partialité pour sa religion et pour son pays.

d'Elisabeth établit dans chaque paroisse des inspecteurs ou économes des pauvres. >>

<«< Suivant ces status (rendus en 1602), ces inspecteurs doivent étre nommés, chaque année, dans la semaine de Pâques, ou dans le mois qui suit (une nomination postérieure serait cependant valable) par deux juges demeurant dans le voisinage. Ils doivent être choisis parmi des chefs de famille aisés, ce que doit exprimer l'acte de nomination délivré par les juges. (Une femme peut être nommée inspectrice, si elle est dans l'aisance et considérée.) Leurs fonctions, leurs devoirs principaux, conformément aux mêmes statuts, consistent, en premier lieu, à lever les sommes nécessaires pour secourir les pauvres impotens, vieux, aveugles et autres incapables de travailler; et en second lieu, à procurer de l'ouvrage à ceux qui sont en état de travailler et qui ne peuvent, par eux-mêmes, trouver de l'occupation. Mais cette dernière partie de leurs devoirs qui, conformément aux sages dispositions du statut salutaire, devrait marcher de pair avec la première, est aujourd'hui honteusement négligée. C'est néanmoins pour ce double but qu'ils ont été autorisés à établir et à lever des taxes sur tous les habitans de la paroisse, par le même acte du parlement, lequel a été expliqué et confirmé par divers statuts postérieurs. >>

<<< Les deux grands objets de ces actes paraissent avoir été : 1o de soulager les pauvres impotens, et ceux-là seulement; 2o de trouver de l'occupation pour les pauvres qui sont en état de travailler, et cela principalement en faisant des provisions de matières premières, pour qu'ils puissent les mettre en œuvre dans leurs demeures séparées, au lieu d'être tous accumulés dans une maison de travail commune, moyen qui, quant au produit du travail, rabaisse l'homme laborieux au niveau de l'homme fainéant et dérangé, affaiblit l'émulation louable de l'industrie domes

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