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de 1827 à 1829, terme moyen, un suicide sur 12,081 habitans dans les cinquante-quatre de la région méridionale, il n'y en a eu qu'un sur 31,081. »

« De 1825 à 1829, les trente-deux départemens du nord ont fourni, année moyenne, un accusé de crime contre la propriété sur 4,634 habitans: les cinquantequatre du midi, 1 sur 7,255: dans les trente-deux départemens du nord, on trouve un accusé correctionnel sur 124 habitans, et, dans les cinquante-quatre du midi, un sur 339 habitans (1). »

Si, dans les départemens du nord, on a remarqué, aux mêmes époques, un peu moins de crimes contre les personnes que dans ceux du midi, il faut l'attribuer autant à une police plus vigilante dans les grandes villes et dans un rayon rapproché de la capitale, qu'au caractère ardent des habitans méridionaux et particulièrement de la Corse (2), et à la différence des croyances religieuses. Ce qui demeure incontestable, c'est que la misère, plus poignante dans le nord, y détermine un plus grand nombre de crimes contre la propriété et un plus grand nombre de suicides."

De tous ces faits, on peut hardiment conclure que les vues émises par M. le baron Dupin ne seraient pas moins désastreuses, sous le rapport de la morale et de l'ordre public, que sous celui de l'humanité et de la politique. Nous sommes donc satisfaits de trouver dans l'impossibilité matérielle de leur réalisation des motifs de sécurité; car jusqu'à ce que l'honorable député nous ait prouvé, non seulement que la transmutation magique de huit millions d'ouvriers agricoles en ouvriers manufacturiers peut s'opérer sans d'immenses capitaux encore à naître, sans ruiner notre agriculture, sans bouleverser toute l'économie de notre ordre social actuel, mais encore qu'elle

(1) De la Misère des ouvriers.

(2) En Corse on compte un accusé de crimes contre les personnes, sur 2,079 habitans.

est possible matériellement par des moyens à la portée du gouvernement, des particuliers et des ouvriers euxmêmes, nous ne nous laisserons pas alarmer trop prématurément sur les suites d'un tel système. Il lui restera l'avantage, si c'en est un, d'avoir servi un moment à illustrer la science des nombres qu'un ancien déclare régir l'univers. Nous disons un moment; car nous ne doutons pas que, lorsque son auteur, dont les talens et le patriotisme s'allient à la bonne foi, aura mieux connu les provinces méridionales de la France, il ne s'empresse de rectifier un grand nombre de ses jugemens arithmétiques.

On a dit, avec raison, que les faits et les chiffres possédaient une logique inexorable; mais cette logique s'applique à l'évaluation du bonheur et de la moralité des peuples comme à l'appréciation de la richesse générale des nations: c'est avec elle surtout que nous devions répondre aux calculs du savant académicien (1).

(1) Dans un ouvrage qui n'a pas été imprimé, mais seulement lithographié et distribué à un nombre limité de personnes, M. le baron de Morogues a opposé, avec une grande force de raison et de faits, la statistique réelle et morale à la statistique qu'il appelle spirituellement statistique romantique. Nous avons lu cet écrit avec un intérêt d'autaut plus vif qu'il nous a offert la preuve matérielle de beaucoup de résultats que nous n'avions fait que pressentir, et que l'auteur arrive à peu près aux mêmes conclusions que les nôtres, bien qu'il n'ait pas pris pour point de départ le système religieux qui fait la base de notre ouvrage. Nous ne saurions trop désirer, dans l'iintérêt de la vérité et de l'humanité, que le beau travail de ce philantrope reçoive promptement une grande publicité.

Il est assez remarquable que deux écrivains qui ne se sont nullement concertés, et qui avaient envisagé la grande question des causes de l'indigence chez les peuples civilisés, sous des aspects différens, se soient rencontrés atteignant ensemble le même but. Cela s'explique pourtant; l'un et l'autre cherchaient la vérité avec une égale ardeur; et la vérité, dans la science humaine, vient toujours se confondre et se résumer dans la vérité religieuse.

CHAPITRE III.

ÉTUDES SPÉCIALES SUR LE DÉPARTEMENT DU NORD.

Quæque ipse miserrima vidi.

L'EXERCICE de fonctions administratives d'un ordre élevé, nous ayant permis de recueillir des observations exactes et étendues sur la population indigente de l'un des départemens les plus importans du royaume, nous avons cru que c'était ici le lieu d'en présenter les principaux résultats. Ils serviront en quelque sorte de complément aux chapitres qui précèdent, et de preuve dernière aux principes que nous avons émis sur les causes morales et physiques de la misère des classes ouvrières en Europe et en France.

Le département qui a été l'objet de ces études spéciales est celui du Nord, qui comprend l'ancienne Flandre française, le Hainaut et le Cambrésis, et que bornent, géographiquement, la mer du Nord, l'Artois, la Picardie et la Belgique.

Ce département offre une superficie de 278 lieues carrées ou 581,424 hectares; sa population est de 962,848 habitans (1), c'est-à-dire 5,465 individus par lieue carrée. Dans l'arrondissement de Lille, cette proportion est de 6,220 habitans par lieue carrée.

(1) Dénombrement de 1827.

Le territoire du département du Nord est cultivé dans une admirable perfection. L'industrie manufacturière y a fait des progrès immenses, surtout depuis 1814. Sa situation topographique, ses ports de mer, ses grandes routes et ses canaux favorisent au plus haut degré les mouvemens du commerce et de l'industrie. C'est, sans contredit, une des contrées les plus riches et les plus peuplées de la France, et des plus avancées en progrès agricoles et industriels. On peut sans exagération la comparer, sous ce rapport, à la Belgique, à la Suisse, et même, en quelques points, à l'Angleterre, dont elle a adopté les théories économiques industrielles.

Mais, par une analogie nécessaire, ce département, que la France peut placer avec orgueil au rang des plus belles conquêtes de Louis XIV, est aussi la portion du royaume qui renferme le plus grand nombre d'indigens, comme l'Angleterre, les Pays-Bas et la Suisse sont aussi les états de l'Europe où le paupérisme s'est développé avec le plus d'étendue et d'intensité.

Les dénombremens officiels faits par l'ordre de l'autorité administrative en 1828, ont fourni la preuve qu'il existait, dans le département du Nord, 163,433 individus inscrits comme indigens sur les registres des bureaux de bienfaisance, c'est-à-dire un peu plus du sixième de la population générale. Ces indigens sont ainsi répartis dans les sept arrondissemens de sous-préfecture:

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