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dépendant de la population qui le nourrit, d'autant plus qu'aucune part de surveillance n'est accordée au haut clergé, qui d'ailleurs encore appartient au ministre par la nomination et par le temporel. Ainsi chacun doit être satisfait (1).

Peu s'en est fallu, cependant, que la majorité des députés ne vînt ravir au clergé la petite part de contentement qui lui avait été laissée. Heureusement, la sagesse des pairs a forcé ces messieurs à accepter le projet primitif de la loi; un ecclésiastique fera de droit partie des comités de surveillance des écoles communales, et, selon M. Cousin, le ministère peut se flatter d'avoir suivi l'exemple de Napoléon : il aura le clergé !.....

Di eu merci, le clergé, ses hautes vertus, ses lumières, les immenses services qu'il a rendus à la civilisation et à l'instruction, son amour de l'humanité, sa charité ardente envers les classes pauvres et infirmes de la société, n'ont pas besoin d'être défendus contre de telles insinuations. Napoléon lui-même ne sera pas rapetissé par un rapprochement qui rappelle tout ce qu'il a fait pour la religion et l'instruction publique. Nous avons la confiance que le clergé catholique vaincu, demeurera impassible devant les méfiances injurieuses dont il est l'objet; il ne répudiera pas la mission, qui lui est donnée, de prendre part aux obligations imposées aux comités de surveillance; mais ce sera avec un faible espoir d'y exercer une influence salutaire, et plus tard, sans doute, il sera forcé de s'abstenir. C'est peut-être ce que l'on a prévu et espéré. Mais les hommes passent : les principes du vrai et du bien demeurent.

Le clergé, à l'exemple de Dieu, est patient, parce qu'il est éternel. La loi du 28 juillet subsistera, il est vrai, dans les archives législatives, mais comme un monument.

(1) La philosophie éclectique a été définie par M. V. Cousin, l'Optimisme historique.

de l'inconséquence et de la confusion d'idées de quelques hommes qui prétendent aujourd'hui dominer la civilisation européenne, qui se disent chrétiens, et qui rabaissent la France catholique jusqu'au point de lui faire envier, comme un bienfait, la législation si libérale et si religieuse d'un royaume protestant!.....

Dans tout ce qui a été fait récemment pour l'instruction primaire, il n'a été nullement question des frères de la Doctrine chrétienne et des autres instituteurs religieux reconnus par les précédens gouvernemens. Comme la loi se tait également sur les instituteurs primaires actuellement en exercice, et que d'ailleurs, il est de principe qu'elle ne dispose que pour l'avenir, nous devons penser que les écoles chrétiennes, dirigées par les vertueux et modestes frères de Saint-Yon, auxquels on n'a pu s'empêcher de rendre une complète justice, même devant les grands philosophes de la Chambre, ne seront pas dépouillés de la sainte mission qui leur a été confiée par leur fondateur et par le vœu des pères de famille; mais du moins il eût été essentiel d'expliquer que les frères de la Doctrine chrétienne seraient de droit pourvus d'un brevet d'instituteur primaire, et dispensés de comparaître à l'examen de la commission départementale. Cela était de justice et de simple convenance. On n'a eu garde d'imiter cet exemple donné par Napoléon.

Maintenant, c'est au temps à faire juger l'œuvre de la philosophie éclectique (1); c'est aux pères de famille à voir s'ils peuvent confier le cœur et l'esprit de leurs enfans à des jeunes gens de dix-huit ans, dont le caractère et les bonnes mœurs n'ont pu être encore suffisamment appréciés, ou à des hommes qui n'offrent d'autre garantie de moralité qu'un certificat que les maires et les conseillers municipaux

(1) La loi du 28 juillet 1833 n'a pas tardé à porter des fruits amers, en excitant les conseils municipaux à détruire ces écoles chrétiennes, l'hon neur de la religion et de la France catholique. Voici en quels termes le

ne pourront refuser, à la rigueur, qu'à des hommes repris de justice; à des instituteurs, enfin, encouragés à méconnaître la supériorité sociale et morale des ministres de la

conseil municipal de Beauvais a prononcé la suppression de l'institution des frères de St.-Yon, que possédait cette ville :

Séance du 12 août 1833.

« Vu la loi du 28 juillet 1833 et l'ordonnance royale du 16 juillet, sur l'instruction primaire : »

« Délibérant, en conformité des articles 1 et 29 de l'ordonnance, sur le nombre d'écoles primaires que la ville de Beauvais doit entretenir, à raison. de sa population ; »

« Le conseil municipal,

« Considérant, en ce qui concerne l'école gratuite actuellement dirigée par les frères de la Doctrine chrétienne, que les statuts de la congrégation à laquelle ces frères appartiennent paraissent inconciliables avec les dispositions de la nouvelle loi : 1o parce que leurs statuts ne leur permettent pas de se présenter à l'autorité civile, pour y justifier de leur capacité et Y obtenir le brevet prescrit par les articles 4 et 16 de la loi ; 2o parce que ces mêmes statuts s'opposent à ce qu'ils admettent dans leurs écoles des enfans non indigens et dont les parens seraient tenus de payer une rétribution mensuelle, d'après l'art. 14; 3° en ce que les frères sont tenus à une obéissance passive aux ordres et à la volonté absolue de leurs supérieurs, dont les prescriptions pourraient se trouver souvent en opposition avec celle de l'autorité civile, qui n'aurait alors d'autre moyen de répression que la révocation prévue par l'art. 23 de la loi ; »

<< Considérant que ce moyen serait d'autant plus insuffisant, qu'il dépend uniquement du supérieur général d'envoyer les frères dans les localités qu'il lui convient de désigner, et de les en retirer, quand il lui plaît, qualité essentiellement contraire à l'esprit et au texte de la loi,

etc.;.

« Corsidérant, en outre, que dans le cas même où les frères des écoles chrétiennes présenteraient toutes les garanties dont l'omission vient d'être signalée, ils ne devraient pas moins étre éloignés des fonctions d'instituteurs primaires, en ce que les pratiques religieuses qu'ils multiplient à l'infini, le célibat qu'ils sont forcés de garder, à l'instar des prêtres, et méme le costume ridicule qui leur est imposé par leurs statuts sont autant de motifs qui ne permettraient pas d'inculquer aux enfans confiés à leurs soins des principes en harmonie avec ceux du siècle et de la société actuelle, au-dehors de laquelle ils se trouvent nécessairement placés. »

« Le conseil, sans vouloir repousser aucun mode d'instruction, arrête, à la majorité de 13 voix contre 8 : Les frères des écoles chrétiennes

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gion. Il serait facile de prédire quel serait l'avenir des générations futures, si un tel système pouvait être durable, et l'on ne peut l'envisager sans épouvante.

De toutes les nations de l'Europe, sauf la Turquie, il n'en est aucune, aujourd'hui, qui ne puisse se vanter d'avoir une organisation d'instruction élémentaire plus morale et plus chrétienne que la France catholique. Nous ne parlerons pas des états du midi, où l'enseignement est demeuré placé exclusivement sous l'autorité ecclésiastique, comme il l'était jadis en France, ni des états catholiques de l'Allemagne, où linfluence religieuse n'a jamais été séparée des progrès de l'enseignement; mais la Prusse, la Suède, le Danemarck, la Russie, l'Angleterre, la Hollande, les cantons protestans suisses, ont admis en principe, et sur

sont supprimés du nombre des instituteurs communaux de la ville de Beauvais. »

Nous ignorons si cet arrêt a reçu l'approbation de l'autorité supérieure ; mais nous savons que l'institution des frères de St.-Yon, soutenue par la charité religieuse et la confiance des pères de famille, a dû subir, dans cette ville, de nouvelles persécutions. L'autorité locale a décidé même que les secours publics seraient refusés aux parens pauvres dont les enfans fréquenteraient l'école proscrite! Beaucoup d'autres villes ont demandé, comme Beauvais, la suppression des écoles chrétiennes. Des conseils généraux et municipaux on retiré les secours qu'ils leur accordaient. A Nanci, on a enlevé aux frères de St.-Yon les locaux que la ville leur avait cédés, et ils ont eu beaucoup de peine à ravoir leurs meubles personnels. Mais, en général, partout la charité religieuse s'est chargée de l'entretien de ces écoles.

ont

En Bretagne, le conseil municipal de Vitré a demandé la fermeture des écoles établies par M. de La Mennais, qu'un député appelait du poison dans l'ouest. Il a été reconnu que ces institutions offraient l'enseignement le plus avancé et les principes les plus purs de religion et de morale. 20,000 enfans les fréquentent, et depuis 1818, 180,000 Bretons y ont reçu les bienfaits de l'instruction. A la Chambre des Députés, M. Dubois (de la Loire-Inférieure) et M. de Lamartine ont trouvé des paroles chaleureuses pour réclamer, en faveur des écoles chrétiennes, le principe sacré de la liberté d'enseignement : « Messieurs, s'est écrié l'illustre auteur des Méditations, si les pétitionnaires de Vitré eussent visité ces contrées que nous appelons barbares, s'ils étaient allés en Turquie, ils y auraient vu que la tyrannie ne va pas ́jusque-là : la charité y est libre et ne relève que de Dieu. »

tout en pratique, la nécessité de subordonner tout système d'instruction élémentaire à l'empire des idées religieuses. Les ministres de la religion ont donc conservé sur le choix des maîtres et sur la surveillance des écoles la juste part qui leur revient dans cette haute mission de confiance. La raison et la politique ont été d'accord pour conseiller le maintien de ce principe conservateur de toute société chrétienne. La France seule vient en quelque sorte de l'abandonner (1).

Dans un état de choses si alarmant, c'est à la charité religieuse à combattre la funeste tendance des nouvelles institutions. C'est à elle à opposer des écoles privées, fondées par des associations chrétiennes, et dont la surveillance et la direction appartiendraient aux curés et à des hommes éminemment recommandables, à ces écoles que préparent la politique et l'indifférence religieuse pour le renversement des dernières barrières qui garantissent encore l'ordre social (2). Cette lutte pourra peut-être susciter au clergé des persécutions nouvelles; mais le sentiment d'un grand devoir à remplir saura inspirer le courage de les braver. Pourra-t-il en effet demeurer inactif, lorsqu'il voit la génération qui s'élève placée sur le bord d'un abîme dont les novateurs modernes, nous aimons à le croire, n'ont pas sans doute eux-mêmes calculé toute l'effrayante profondeur.

(1) Voir, sur les progrès de l'instruction élémentaire en Europe, le chapitre XIX, page 479 du livre I.

(2) Rien ne saurait empêcher MM. les curés d'ouvrir des écoles particulières, en se présentant aux comités d'examen pour obtenir un diplôme d'instituteur, qu'on ne peut légalement leur refuser. Cet exemple a été déjà donné par plusieurs de MM. les ecclésiastiques de la Bretagne, et notamment du diocèse de Rennes.

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