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teuse et contestée, alors, si elle a des miracles, ces miracles seront évidemment divins, et discerneront la doctrine. C'est le cas de Port-Royal.

« Moïse en a donné deux, que la prédiction n'arrive pas, et., etc. » Port-Royal met, en a donné une, et supprime, que la prédiction n'arrive pas, sans doute parce qu'alors il n'y a plus miracle.

Fragment 4.

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Ce fragment n'a point de rapport à la doctrine sur les miracles, mais Port-Royal l'y rattache en ajoutant : « Toute religion qui ne reconnaît maintenant pas JÉSUS-CHRIST est notoirement fausse, et les miracles ne peuvent lui servir de rien. »

Fragment 8. - » Nicodème... ne juge pas des miracles par la doctrine, mais de la doctrine par les miracles. » Port-Royal ajoute ce commentaire : « Ainsi quand même la doctrine serait suspecte comme celle de JÉSUS-CHRIST pouvait l'être à Nicodème, à cause qu'elle semblait détruire les traditions des Pharisiens 1, s'il y a des miracles clairs et évidents du même côté, il faut que l'évidence du miracle l'emporte sur ce qu'il pourrait y avoir de difficulté de la part de la doctrine; ce qui est fondé sur ce principe immobile, que Dieu ne peut induire en erreur. » Fragment 9. — « JÉSUS-CHRIST était suspect. » Port-Royal est donc comme JÉSUS-CHRIST! Voyez en effet le fragment 34.

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Fragment 13. « Car l'Église, autorisée par les miracles qui ont préoccupé la créance, etc. » Il y a là comme une jurisprudence qui accorde la foi, en fait de miracles, au premier occupant.

- «

Fragment 14. Élie, Énoch. » Ce n'est pas ici le lieu de développer la légende merveilleuse de ces deux saints personnages, moins fondée sur l'Écriture que sur la tradition, et sur le livre d'Énoch, livre qui paraît cité dans l'épître qui porte le nom de Jude, verset 14, mais qui n'a pas été reçu parmi les livres saints ou canoniques, quoique cette épître elle-même y soit admise.

Fragment 16.- - » Contestation entre les Juifs, comme entre les Chrétiens d'aujourd'hui.» Port-Royal retranche les mots soulignés, ainsi que la phrase sur ceux qui refusent de croire les miracles d'aujourd'hui. Les éditeurs de Port-Royal retranchent de même, au fragment 19, cette phrase: « Les miracles sont plus importants que vous ne pen

1. Traduisez : comme celle de Port-Royal pourrait l'être, à cause qu'elle semble contraire aux décisions de l'Église.

2. Comme celui de la Sainte-Épine.

sez »>,

qui s'adresse sans doute au P. Annat;

Enfin, les vingt derniers fragments de l'article manquent dans l'édition de Port-Royal.

« Ceux qui refusent de croire les miracles d'aujourd'hui, par une prétendue contradiction chimérique. » Ils disaient sans doute qu'il était contradictoire que Dieu fit des miracles pour les jansénistes, condamnés par l'Église de Dieu et par son vicaire. Et Pascal répond que la contradiction n'est qu'apparante, parce que l'hérésie condamnée n'était pas la véritable doctrine de Jansênius et des siens.

Fragment 22. — « Vos autem Christum non crucifixum. » Les Jésuites avaient cité, sans doute, pour infirmer la valeur du miracle de la Sainte-Épine, le texte de Paul; de là le commentaire de Pascal. Il eur reproche de prêcher un Christ non crucifié, d'abord parce que, en attaquant la grâce efficace, ils détruisent, suivant lui, la vertu du sang de JÉSUS-CHRIST et de la rédemption; et aussi parce qu'ils étaient accusés de dissimuler le mystère du crucifiement dans leurs missions de la Chine et des Indes, comme étant un scandale aux peuples de ces pays: voir la cinquième Provinciale.

Fragment 23. « Ce qui fait qu'on croit tant de faux effets de la Lune, c'est qu'il y en a de vrais, comme le flux de la mer. » Mais, comme dit fort bien Voltaire : « on a imputé mille fausses influences à la lune, avant qu'on imaginât le moindre rapport véritable avec le flux de la mer. » Voir Pline, II, 41.

<< Il en est de même des prophéties, des miracles. » On doit remarquer qu'une guérison ou un phénomène extraordinaire peut avoir des raisons naturelles; mais un miracle, c'est ce qui est surnaturel. L'homme est disposé à croire à des effets surnaturels, même sans en avoir vu, seulement parce qu'il a vu des effets naturels dont sa raison n'a pas su se rendre compte.

« Des sortiléges, etc. » Voir les Remarques sur la Vie de Pascal, page ci. Dans l'etc. Pascal comprenait-il l'astrologie?

Au surplus, ceux-là raisonnaient comme Pascal, qui, au moment où il écrivait ces phrases, faisaient encore brûler des sorciers; et ils triomphaient comme lui dans leur logique.

Fragment 25. - « On dit qu'il en faut ôter les enfants: Dicu les y guérit. » Ce trait fait tomber le miracle de la Sainte-Épine comme une réponse accablante sur les ennemis de la sainte maison. Quel rapprochement ! quelle antithèse! Quelle vivacité d'argumentation, d'imagination, de passion tout ensemble! Otez cette petite phrase, et alors celles qui l'entourent, Dieu en a fait son temple, Dieu en fait le sanc

tuaire de ses grâces, sembleront vagues et communcs; rétablissez-la, elles paraîtront pleines de force et de sens.

Ce fragment n'a pas été reproduit dans l'édition de Port-Royal. Il doit être rapproché de cette page de la seizième Provinciale, écrite au même moment et sous la même inspiration: « cruels et lâches persécuteurs, faut-il donc que les cloîtres les plus retirés ne soient pas des asiles contre vos calomnies? Pendant que ces saintes vierges adorent nuit et jour JÉSUS-CHRIST au Saint-Sacrement, selon leur institution, vous ne cessez nuit et jour de publier qu'elles ne croient pas qu'il soit ni dans l'Eucharistie, ni même à la droite de son Père; et vous les retranchez publiquement de l'Église pendant qu'elles prient dans le secret pour vous et pour toute l'Église. Vous calomniez celles qui n'ont point d'oreilles pour vous ouïr, ni de bouche pour vous répondre. Mais JÉSUS-CHRIST, en qui elles sont cachées pour ne paraître qu'un jour avec lui, vous écoute, et répond pour elles. On l'entend aujourd'hui, cette voix sainte et terrible, qui étonne la nature, et qui console l'Église. Et je crains, mes pères, que ceux qui endurcissent leurs cœurs, et qui refusent avec opiniâtreté de l'ouïr quand il parle en Dieu, ne soient forcés de l'ouïr avec effroi quand il leur parlera en Juge. »>

Fragment 26. « Pour affaiblir vos adversaires, vous désarmez toute l'Église. » Mais que faisait Pascal lui-même dans les Provinciales, quand il répandait son ironie sur les discussions théologiques, sur les censures de la Sorbonne, sur la casuistique, sur les moines? Ne désarmait-il pas l'Église? et cela d'une main bien autrement redoutable que celle du P. Annat.

Fragment 29.

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« L'Eglise est sans preuve, s'ils ont raison. >> Quoi, si l'on refuse de reconnaître que c'est Dieu qui a guéri cette enfant pour honorer Port-Royal, l'Église est sans preuve, et toute la religion tombe! Où la passion a-t-elle entraîné Pascal!

Fragment 31. « Des vérités au moins bien apparentes. »

Telles que celles que professaient les jansénistes, la grâce efficace, la prédestination absolue. Il n'ose appeler ces vérités tout à fait évidentes, puisqu'il reconnaît qu'il n'y a pas d'évidence ici-bas. Mais il ne les tient pas non plus pour obscures; ce serait excuser les adversaires qui les combattent. De là l'expression dont il se sert. Les éditions mettent et même sur les vérités les plus certaines de la moraleCe n'est pas cela.

Fragment 36.

« Ceux qui ne nient ni Dieu ni JÉSUS-CHRIst ne

font point de miracles qui ne soient sûrs. »

Pascal parle toujours comme si Port-Royal avait fait un miracle. C'était bien assez de prétendre que Port-Royal avait été l'objet d'un miracle. Il va dire lui-même tout à l'heure que ce ne sont pas les hommes qui l'ont fait.

<< Voici une épine... Voici que Dieu... » Quelle solennité, quelle grandeur sans effort dans la répétition de ce tour! Il voit Dieu des cendre. Comment exiger qu'il sorte de cet enthousiasme pour examiner péniblement si d'abord, par exemple, l'authenticité de la sainte relique est bien établie! Qui sent Dieu présent n'a rien à discuter ni à éclaircir. Le Saint des Saints était un lieu que l'œil de l'homme n'éclairait jamais; autrement, il n'cût plus été le Saint des Saints.

Fragment 37. - « C'est ce qui arriva au temps d'Arius. » L'imagination de Pascal se plaisait à assimiler la situation où il voyait l'Eglise à celle où elle se trouvait au temps d'Arius. Alors dominait l'hérésie des aricns, maintenant c'est celle des pélagiens, qu'il imputait aux jésuites. Saint Athanase était persécuté alors pour la foi; maintenant c'est Arnauld, et les champions du jansénisme. Voyez le fragment 25 de l'article xxiv. Le pape Libère s'était laissé intimider ou surprendre par les ariens, et avait signé une de leurs formules; et cet exemple célèbre a été mis en avant par tous ceux qui ont combattu la doctrine de l'infaillibilité des papes : Pascal regardait Innocent X et Alexandre VII comme étant dans le cas de Libère. Quant aux miracles, Pascal me paraît avoir en vue ceux qui éclatèrent à Milan, au rapport de saint Ambroise et de saint Augustin, lors de la découverte des reliques des martyrs Gervais et Protais, miracles dont le prodigieux retentissement fut la force et la défense d'Ambroise contre la cour arienne de Justine et de Valentinien (en 385).

Fragment 41. - Car cela n'excède pas la force naturelle du

diable. »

Quelle étrange alliance de mots! comme si on ne sortait pas de l'ordre de la nature du moment que l'on conçoit un être tel que le diable! Et quelle difficulté à discerner ce qui passe les forces d'une puissance si mystérieuse! Mais combien on s'étonne qu'un géomètre et un physicien comme Pascal portât si légèrement l'idée d'un miracle, c'est-à-dire de la nature dérangée !

On trouve dans les œuvres d'Arnauld, tome x, page 398, sous le ti

tre de Pensées de M. Arnauld sur les miracles, de simples notes évidemment préparées pour Pascal. Elles contiennent l'indication des divers textes que celui-ci a produits en effet dans les Pensées sur les miracles.

ARTICLE XXIV

1.

Le pyrrhonisme est le vrai; car, après tout, les hommes, avant JÉSUS-CHRIST, ne savaient où ils en étaient, ni s'ils étaient grands ou petits. Et ceux qui ont dit l'un ou l'autre n'en savaient rien, et devinaient sans raison et par hasard : et même ils erraient toujours, en excluant l'un ou l'autre. Quod ergo ignorantes quæritis, religio annuntiat vobis1.

2.

Croyez-vous qu'il soit impossible que Dieu soit infini, sans parties? Oui. Je vous veux donc faire voir une chose infinie et indivisible: c'est un point se mouvant partout d'une vitesse infinie; car il est un en tous lieux, et est tout entier en chaque endroit.

Que cet effet de nature, qui vous semblait impossible auparavant, vous fasse connaître qu'il peut y en avoir d'autres que vous ne connaissez pas encore. Ne tirez pas cette conséquence de votre apprentissage, qu'il ne vous reste rien à savoir; mais qu'il vous reste infiniment à savoir.

3.

La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur, est de mettre la religion dans l'esprit par les raisons, et dans

1. Pris du discours de Paul à l'Aréopage dans les Actes des Apôtres, XVII, 23 : Quod ergo ignorantes colitis, hoc ego annuntio vobis: . En parcourant votre ville, et considérant vos statues, j'ai trouvé un autel avec cette inscription, au Dieu inconnu. Ce que vous adorez sans le connaître, c'est ce que je viens vous annoncer.. Balzac avait dit, à la fin du premier discours du Socrate chrétien : • Comment eussent-ils pu trouver la vérité qu'ils cherchaient, puisqu'elle n'était pas encore née?... Cette vérité n'est autre que JÉSUS-CHRIST, et c'est ce Jésus-CHRIST qui a fait cesser les doutes et les irrésolutions de l'Académie, qui a même assuré le pyrrhonisme. Il est venu arrêter les pensées vagues de l'esprit humain et fixer ses raisonnements en l'air. Après plusieurs siècles d'agitation et de trouble, il est venu faire prendre terre à la philosophie, et donner des ancres et un port à une mer qui n'avait ni fond ni rive, etc.

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