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la pitié, elle est trop humaine; c'est la charité, charitas. Charité, c'esth-dire grâce, grâce de la part du riche qui la fait au pauvre au nom de Dieu, et grâce de la part du pauvre qui l'obtient de Dieu en faveur du riche. Charité, c'est-à-dire joie, joie dans le riche qui la fait, et joie dans le pauvre qui la reçoit; joie sur la terre dont elle fait le bonheur, et joie dans le ciel qui en est la récompense. Charité, c'est-à-dire amour de Dieu et des hommes; amour de Dieu, Père commun de tous les hommes, et amour des hommes qui sont tous les enfants d'un même Dieu; amour de Dieu pour aimer les hommes plus efficacement, et amour des hommes pour aimer Dieu plus dignement. Belle et admirable réciprocité, dont Jésus-Christ seul nous a donné l'idée, et qu'on ne trouve nulle part avant lui. L'Orateur romain avait bien dit la charité du genre humain, charitas generis humani, mais ce n'était là qu'un simulacre de charité, aussi dépourvu de sanction que de motif, et non moins vague dans son principe que dans son application. C'est la gloire exclusive du christianisme d'avoir fondé la bienfaisance sur des motifs surnaturels, d'avoir mêlé Dieu à tous les sentiments liumains pour les rendre plus nobles et plus purs, d'avoir créé cette vertu céleste de la charité, qui sacrifie tout parce qu'elle espère tout, qui sans cesse nous ramène vers nos frères par l'amour de Dieu, et vers Dieu par l'amour de nos frères, et qui, ne faisant de ces deux amours qu'un seul et même sentiment, donne à nos affections généreuses et bienfaisantes le plus haut degré d'activité dont le cœur humain soit capable. (DE BOULOGNE.)

14. Ce à quoi tous connaîtront que vous êtes mes disciples, c'est si vous pratiquez la charité les uns envers les autres.- Ainsi, que l'on arme, tant qu'on voudra, l'esprit contre la raison, ou la raison contre le sentiment, toujours il sera vrai que la science enfle, et que la charité édifie; toujours il faudra convenir qu'il y a dans notre religion un principe de bien qui ne se trouve nulle part ailleurs, et que, n'eût-elle en sa faveur que cette seule preuve, la chose vaudrait bien sans doute la peine que l'on y pensât. Ah! si c'est là une fable, qu'on nous laisse cette fable qui est bonne à tout; que l'impie garde sa vérité qui n'est bonne à rien, ou plutôt qu'il laisse sa fable, et qu'il revienne à la vérité, à cet Évangile divin dont une seule ligne nous dit mille fois plus que tout le faste des discours mondains; cet Évangile qui, par un heureux accord qui n'appartient qu'à lui, secourt les pauvres par les riches, et sanctifie les riches par les pauvres; et qui seul peut nous retirer de l'abîme ouvert sous nos pas. Voilà la bienfaisance qu'il nous faut, non cette

triste philosophie qui, sans la religion, n'est qu'un rêve trompeur, et pour le pauvre qu'elle désole, et pour le riche qu'elle corrompt; non cette pénible métaphysique qui ne sait vivre que d'abstractions, qui, dans sa dureté superbe, se vante de négliger les détails pour embrasser l'ensemble, compte pour tout l'espèce, et les individus pour rien; non cette humanité de théâtre, qui n'a jamais produit une seule vertu, comme elle n'a jamais essuyé une seule larme. (DE BOULOGNE.)

16. Je suis prêt à aller avec vous, dans la prison et à la mort. Je donnerai ma vie pour vous. - Quand Dieu accorde ou promet des grâces, il faut s'humilier et reconnaître de qui elles viennent. Au lieu de considérer sa faiblesse, Pierre s'emporta jusqu'à dire par un excès de confiance en lui-même : Seigneur, je suis prêt à vous suivre partout et jusqu'à la mort. Mais Jésus-Christ qui l'avait élevé si haut, sait bien rabattre sa présomption: Simon, dit-il, j'ai prié pour toi, ta foi ne défaudra point, confirme tes frères. Et un moment après: Je te le déclare à toi, à qui je viens de dire de si grandes choses; mais à toi qui présumes de toimême, au lieu de t'humilier de mes dons, je te déclare, dis-je, que tu tomberas cette nuit, dans un moment, et par trois fois, dans une faute qui semblera un naufrage dans la foi : afin que tu sentes que si tu portais un grand trésor, tu le portais dans un fragile vaisseau de terre, et que ce qui se fait en toi de grand se fait, non point par toi-même, mais par la sublimité de la vertu de Dieu. Toutefois sa chute n'empêcha pas l'effet des promesses et des desseins de Jésus-Christ. Car encore qu'il ait renié, et par trois fois, et la dernière fois avec blasphême et exécration, en sorte que dans ce genre de crime il ne pouvait pas tomber plus bas, Jésus, qui fond les cœurs par ses regards, lui en réserve un des plus efficaces et des plus tendres, et cet homme, si entêté de lui-même et de son courage, se retire fondant en larmes, et celui qui était tombé parce que son Maître avait détourné sa face pour un moment, apprend qu'il n'est converti que parce qu'il a daigné jeter sur lui un regard. (Bossuet.)

18-19. Quand je vous ai envoyés sans argent, sans provisions et sans chaussure, quelque chose vous a-t-il manqué? Ils répondirent : Rien, Seigneur. Jésus ajouta : Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne. Rien ne vous a manqué. Tel a été le soin du Sauveur il n'a pas voulu que ses disciples aient manqué de rien. Mais quoi! n'ont-ils pas été dans le besoin? Qu'était-ce donc que d'être réduits à rompre des épis dans leurs mains pour se nourrir? N'était-ce

pas là une assez pressante nécessité? Jésus-Christ ne dit pas qu'ils n'aient jamais souffert, jamais été dans le besoin; mais il dit que jamais ils n'ont manqué absolument et qu'ils ont été bientôt secourus, non que Jésus-Christ ait fait des miracles pour cela, car nous ne lisons pas qu'il ait multiplié les pains plus de deux fois en faveur de tout un grand peuple; et la conduite de sa famille allait par des voies plus naturelles. Apprenons donc à nous fier à cette conduite douce et imperceptible de Jésus-Christ, par laquelle, au milieu des besoins et des souffrances, il conserve pourtant aux siens les provisions nécessaires. (Bossuet.)

ÉLÉVATION.

Pourrions-nous douter encore que nos âmes, dont nous nous occupons si peu, n'aient un prix immense à vos yeux, Seigneur? Non content d'avoir pris notre nature infirme pour nous retirer par vos souffrances et votre mort, de l'abîme où nous avait plongés la première faute de l'homme, vous voulez nous élever jusqu'à vous, nous faire participer en quelque sorte à vos perfections divines par la charité. «Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Voilà la mesure du commandement nouveau qui, pratiqué par quelques justes de l'ancienne loi, mais inconnu au plus grand nombre, nous est donné aujourd'hui. Quel modèle ! Vous avez accompli vous-même, bon Sauveur, tout ce que vous avez enseigné : humilité, douceur, bonté, indulgence, zèle ardent de notre salut, mais sans amertume; chacun de vos actes a été une manifestation de ces belles vertus qui devraient remplir le cœur du chrétien. Seigneur, ce commandement nouveau, cette parole solennelle prononcée au moment où vous donniez à l'homme la plus grande preuve d'amour, sera désormais la règle de notre vie; nous ne déguiserons plus, sous de beaux noms, nos aversions, la dureté de nos paroles, nos infractions aux préceptes de la charité; nous aimerons nos frères comme vous nous avez aimés, puisque le bonheur et l'éternel repos du ciel ne peuvent être obtenus qu'à ce prix.

CHAPITRE XCIX.

1-9. Jésus console ses disciples en leur faisant entrevoir le bonheur du ciel et en leur déclarant qu'il est lui-même la voie, la vérité, et la vie. — 10-15. Qu'il est aussi puissant que son Pere, et qu'ainsi il exaucera leurs prières. 16-20. Qu'il leur enverra l'Esprit consolateur, et qu'il reviendra lui-même

à eux (jeudi saint, après la cène).

Non turbetur cor ves trum. Creditis in Deum, et in me credite.

In domo Patris mei mansiones multæ sunt. Si quò minùs dixissem vobis: Quia vado parare vobis locum.

Et si abiero, præparavero vobis locum, iterùm venio, et accipiam vos ad meipsum, ut ubi sum ego, et vos sitis.

Et quo ego vado scitis, et viam scitis.

Dicit ei Thomas: Domine, nescimus quò va dis; et quomodò po sumus viam scire?

Dicit ei Jesus: Ego sum via, et veritas, et vita. Nemo venit ad Patrem, nisi per me.

JEAN, XIV, 1-20.

1. Que votre cœur ne se trouble point; vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi 1.

2. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. S'il n'en était pas ainsi, je vous aurais dit: Je vais vous préparer une place.

3. Et si je m'en vais et que je vous prépare une place, je reviendrai à vous, et je vous prendrai avec moi, afin que, là où je suis, vous y soyez aussi.

4. Or, où je vais, vous le savez, et vous en savez le chemin.

5. Thomas, lui dit : Seigneur, nous ne savons où vous allez; comment pouvonsnous en savoir le chemin?

6. Jésus lui dit: Je suis la voie, et la vérité, et la vie 2. Nul ne vient au Père par moi.

que

1 7 1. Gr. πιςεύετε εἰς τὸν Θεὸν, καὶ εἰς ἐμὲ πιςεύετε, credite in Deum, et in me credite, croyez en Dieu et croyez en moi.

26. Jésus-Christ est la voie du ciel exposée à nos sens par ses exemples et par ses mystères; la vérité, parce qu'il a les paroles de la vie éternelle pour éclairer notre esprit; la vie, parce qu'étant mort par le péché, il nous a ressuscités à la grâce.

Si cognovissetis me, et Patrem meum utique cognovissetis; et amodò cognoscetis eum, et vidistis eum.

Dicit ei Philippus : Domine, ostende nobis Patrem, et sufficit nobis.

Dicit ei Jesus: Tanto tempore vobiscum sum, et non cognovistis me? Philippe, qui videt me, videt et Patrem. Quomodò tu dicis : Ostende nobis Patrem ?

Non creditis quia ego in Patre, et Pater in me est? Verba quæ ego loquor vobis, à meipso non loquor. Pater autem in me manens, ipse facit opera.

Non creditis quia ego in Patre, et Pater in me est?

Alioquin propter opera ipsa credite. Amen, amen dico vobis, qui credit in me, opera quæ ego facio, et ipse faciet, et majora horum faciet, quia ego ad Patrem vado.

7. Si vous m'aviez connu, vous auriez aussi connu mon Père; mais bientôt vous le connaîtrez, et déjà vous l'avez vu.

8. Philippe lui dit: Seigneur, faitesnous voir le Père 1, et cela nous suffit.

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9. Jésus lui dit : Depuis si longtemps que je suis avec vous, vous ne m'avez point encore connu? Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père 2. Comment donc ditesvous, Faites-nous voir le Père?

10. Vous ne croyez point que je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Cependant les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même. Mais le Père qui demeure en moi, c'est lui-même qui agit.

11. Vous ne croyez point que je suis dans le Père, et que le Père est en moi?

12. Croyez-le, ne fût-ce qu'à cause de mes œuvres. En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui-même

les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes encore 3, parce que je m'en vais à mon Père 4.

18. Il voulait que Jésus-Christ leur fit connaître, voir la nature et l'essence du Père, soit par les yeux de l'esprit, soit par les yeux du corps.

29. Gr. ó éwpanòs èμè, éúpaxe tòv natépa, qui vidit me, vidit Patrem, le ayant vu moi, a vu le Père.

12. Si la source des miracles eût été tarie en Jésus-Christ, on aurait pu croire qu'elle était passagère en Jésus-Christ même; mais comme elle continue dans les apôtres, dont les paroles ne sont pas moins puissantes que celles de leur divin Maître, et dont l'ombre même guérit des multitudes de malades, la conviction touchant la divinite de Jésus-Christ est portée bien au-delà de la suffisance. (BOSSUET.)

12. Le Fils de Dieu ne devait faire éclater sa puissance par les grands miracles de ses disciples qu'après être retourné dans le sein de son Père.

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