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avec applaudissement. Ils pressent le Sauveur de répondre s'il n'est pas vrai qu'il se soit vanté de détruire le temple de Dieu et de le rétablir trois jours après; et, quoiqu'il se fût expliqué d'une manière à faire entendre aux plus grossiers que c'était du temple de son corps qu'il s'agissait, ils lui font de cette marque qu'il avait voulu donner de son pouvoir un prétendu crime. Le grand prêtre lui commande par le Dieu vivant de déclarer s'il est en effet le Christ, Fils de Dieu; et sans autre examen, ayant tiré de lui cet aveu, il crie au blasphème, il déchire ses vêtements, et déclare que Jésus est digne de mort. Jamais la passion prononça-t-elle un jugement plus irrégulier ? Mais elle ne se contente pas de l'avoir prononcé, puisqu'au même instant, malgré toutes les lois de l'humanité, elle en vient à l'exécution. A peine Caïphe a-t-il conclu au nom de tous contre Jésus-Christ, que chacun d'eux, oubliant sa qualité de juge, ne pense plus qu'à l'outrager et à l'insulter: les uus lui crachent au visage, les autres le chargent de coups, ceux-ci lui donnent des soufflets, ceux-là lui bandent les yeux, et, en le frappant, le défient de dire celui qui le frappe. (BOURDALOUE.)

14. Il y en eut beaucoup qui rendirent contre lui de faux témoignages.-Que ne disent-ils point contre Jésus-Christ, et sous quels traits le dépeignent-ils! Cet homme dont toute la conduite fut toujours la plus droite et la plus irréprochable; cet homme qui, dans ses paroles et dans ses actions, fut toujours la douceur même, la patience, la charité, l'humilité, la sainteté même; cet Homme-Dieu, pour qui le fontils passer? Pour le plus méchant des hommes; pour un perturbateur du repos public, qui veut changer le gouvernement, et révolter toute la nation; pour un usurpateur qui prétend se faire roi; pour un impie, qui blasphème la loi de Moïse, et qui parle même de renverser le temple de Dieu. Une parole qu'il a dite dans le sens le plus juste, et avec l'intention la plus pure et la plus innocente, ils la relèvent, ils l'empoisonnent, ils l'interprètent à leur gré, et lui en font un sujet de condamnation. Ne nous en étonnons pas c'est que ce sont des gens prévenus; c'est qu'ils ont le cœur envenimé, et que, dans cet état, , on aiguise sa langue, afin de porter les coups les plus douloureux et les plus mortels. (BOURDALOUE.)

19-20. Je vous adjure, au nom du Dieu vivant, de nous dire si vous êtes le Christ, Fils de Dieu... Jésus lui dit: Oui, je le suis; et vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la vertu de Dieu, et venant sur les

nuées du ciel. — C'était leur dire: Vous ne voulez pas me reconnaître dans ma bassesse; vous me reconnaîtrez un jour, lorsque je paraîtrai sur une nuée de gloire, environné de puissance, de terreur et de majesté. Je parais ici comme un criminel; je serai alors votre juge et celui de toutes les nations assemblées. Il parle en Dieu, tout chargé qu'il est de chaînes et d'opprobres; mais il nous fait aussi entendre que dans le siècle à venir tout changera de face; que le pauvre et l'affligé seront assis sur des trônes de lumière et de gloire; que ces hommes justes, qu'on foule aux pieds, et dont on méprise tant ici-bas la faiblesse d'esprit et la prétendue médiocrité, brilleront alors au milieu des airs comme des astres purs, et jugeront l'univers avec Jésus-Christ; tandis que les grands et les puissants, ceux qui jugent la terre, qui paraissent ici-bas les arbitres de la fortune et de la destinée des peuples et des empires, ne paraîtront plus couverts que de leur orgueil et de leurs crimes. Cependant un aveu si terrible, et si capable de ralentir la fureur de ces juges, est pour le Sauveur une réponse de mort. Ce pontife indigne déchire ses vêtements sacerdotaux, et prophétise, sans le savoir, par cette action, que le voilà dépouillé pour toujours de la dignité de son sacerdoce, dont Jésus-Christ, nouveau pontife, va prendre possession à la droite de son Pére, dans le sanctuaire véritable, où il sera toujours vivant afin d'intercéder pour nous. Il a blasphémé, s'écrie-t-il; nous n'avons plus besoin de témoin. Ce juge corrompu devient l'accusateur; toutes les règles de l'équité sont ici violées : il n'attend pas les suffrages, il les inspire. Pas un seul dans cette assemblée, autrefois la plus vénérable du monde, n'ose se déclarer protecteur de l'innocence; tout entre lâchement dans la passion du chef; il ne se trouve pas même un seul Gamaliel, qui, par des conseils de modération, tâche du moins de suspendre l'iniquité de cette sentence; et sans qu'aucune délibération ait précédé, il s'élève du milieu de celle assemblée inique des voix tumultueuses qui prononcent que Jésus-Christ est digne de mort: Reus est mortis. (MASSILLON.)

21. Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, et dit: Il a blasphémé! Qu'avons-nous encore besoin de témoins? Un juge qui s'irrite, qui s'emporte au point de déchirer ses vêtements; qui impose à l'accusé un serment redoutable, et qui incrimine ses réponses: il a blasphémé. Et dès lors il ne veut plus de témoignage, quoique pourtant la loi les exige! Il ne veut plus d'une enquête dont il a reconnu l'impuissance! Il s'efforce d'y suppléer par des interrogatoires

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captieux ! Il veut, ce que la loi des Hébreux défendait encore, que l'accusé soit condamné sur sa seule déclaration, telle qu'il l'a traduite luimême et lui seul! Et c'est au milieu du plus violent transport de colère que cet accusateur, lui grand prêtre, qui croit parler au nom du Dieu vivant, opine le premier pour la mort, et qu'il entraîne subitement les autres suffrages... A ces traits hideux je ne puis reconnaître cette justice des Hébreux, dont M. Salvator trace un si brillant tableau dans sa Théorie. (M. DUPIN.)

ÉLÉVATION.

A peine quelques jours se sont écoulés, Seigneur, depuis votre entrée triomphante à Jérusalem, que ce même peuple qui allait au-devant de vous en s'écriant: « Gloire et honneur au fils de David,» vous poursuit aujourd'hui de ses outrages et demande à grands cris votre mort. L'un d'eux même, voulant plaire à un juge corrompu en outrageant l'innocent traduit à son tribunal, ose porter sur vous une main sacrilége: vous pouviez l'anéantir, Seigneur, et vous vous contentez de représenter à cet homme grossier l'injustice de l'action qu'il vient de commettre. Vous vouliez nous apprendre que la vengeance ne nous appartient pas, et que si vous, qui étiez sans péché, vous avez voulu supporter ainsi avec calme et dignité les outrages des hommes, à plus forte raison, nous qui sommes coupables, devons-nous les accepter, puisque vos humiliations n'expieront nos fautes qu'autant que nous unirons nos propres abaissements à ceux auxquels vous vous êtes soumis. Bon Sauveur, comme vous étiez venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité, vous répondez au grand prêtre, quoique vous sussiez bien qu'il espérait trouver dans votre réponse un motif de vous condamner. Vous nous apprenez par-là que s'il est des circonstances dans lesquelles la sagesse permet ou autorise le silence, il en est d'autres où nous manquons à nos devoirs de chrétiens, quand la crainte ou le respect humain retient en nous la vérité captive. En nous montrant ainsi, Seigneur, toute l'étendue de nos devoirs, vous nous engagez de la manière la plus puissante à les accomplir. Qu'il en soit ainsi, Seigneur !

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