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pas la leur de répandre le sang du juste, et de combler leur mesure par le plus grand de tous les crimes. O Dieu! que vous êtes terrible, quand vous endurcissez les cœurs ! (MASSILLON.)

25-26. Le traître... reporta les trente pièces d'argent aux Princes des prêtres et aux anciens, en leur disant: J'ai péché en livrant le sang innocent. Ainsi donc Judas a restitué au maître qu'il a trahi sa réputation; il a rendu l'argent qu'il avait acquis par un sacrilége; il a réparé le scandale; il a confessé son injustice; il en a réclamé le châtiment. Et pourtant, ô terrible mystère ! après tant de démarches qui sembleraient devoir obtenir son pardon, Judas ne l'obtient pas; après tant de démonstrations de repentir, Judas meurt dans l'impénitence; et quand il semblait devoir s'attendre à la mort précieuse des justes, lui-même met fin à ses jours et meurt de la mort épouvantable des réprouvés. Pourquoi? C'est qu'après tant de marques de pénitence, dit Euthymius, il ne s'est pas tourné, pour demander humblement pardon, vers Celui qui seul pouvait le lui donner; c'est que, même en détestant son crime, il désespéra de la bonté du Sauveur, et, selon la remarque de saint Ambroise, il se rendit coupable d'un nouveau péché contre le SaintEsprit. Il abhorra son péché, non comme une offense faite à Dieu, mais comme une horrible dégradation de sa personne; il s'affligea, non d'avoir encouru l'indignation de Dieu, mais d'être devenu un objet d'infamie et d'horreur aux yeux des hommes. De même qu'il avait péché dans l'intérêt de son avarice, il ne se repentit que dans l'intérêt de son orgueil. Pécheur et pénitent, Judas fut toujours sa propre idole. Sa pénitence offensa Dieu, observe saint Léon, plus que son péché même; elle fut un nouveau crime ajouté à ses autres crimes; et ce fut le plus grand de tous! Par conséquent cette pénitence, au lieu d'effacer son péché, ne fit que l'aggraver, et disposa cet insigne criminel à la mort la plus fatale. (LE R. P. VENTURA.)

25-27. Alors Judas se repentit et reporta les trente pièces d'argent aux Princes des prêtres et aux anciens. Il se retira, prit une corde et se pendit. Judas ne peut vaincre et dévorer son remords, comme on étouffe, comme on dévore un soupir; rongé par le souvenir de son crime, il se condamne lui-même, il se prononce un arrêt de désespoir. Il rapporte aux Pharisiens le prix qu'ils lui ont donné de son maître; il leur jette au milieu du temple cet argent dont il ne veut plus; car, dit-il, j'ai péché en livrant le sang innocent. Et il prit une corde, et alla se pendre. Il avait compris qu'il ne devait pas plus conserver la vie

que l'argent qu'il rejetait avec horreur; qu'après avoir accepté une récompense sacrilége, il n'était pas digne du salut; et il se condamna à la mort pour se punir d'avoir livré le Christ, la vie du monde entier. Judas, par la sévérité avec laquelle il se juge et se condamne lui-même, avoue bien hautement celui qu'il reniait par sa trahison. Le peuple n'avait pas condamné le traître, Pilate n'avait porté contre lui aucune sentence, mais il se juge, il se condamne lui-même, car il n'a pas besoin de juges pour savoir qu'il est coupable. Celui qui n'est condamné que par les hommes, peut n'être pas coupable; mais celui que sa conscience condamne, n'a point d'excuses de sa faute. Si le jugement des hommes est trop sévère, celui qu'il a subi peut quelquefois attendre de son juge un peu d'indulgence; mais s'il a porté lui-même son propre jugement, à qui demandera-t-il l'indulgence? (Saint Ambroise.)

ÉLÉVATION.

Quelle leçon pour nous que la faute de Pierre et le repentir si prompt qui la suit! Il ne savait pas que la présomption est presque, toujours suivie de la chute; que, plus on a de confiance en soi-même plus on tombe facilement, et que l'homme qui se soutient le mieux est celui qui, osant le moins se promettre de rester toujours ferme, est toujours sur ses gardes. Vous avez permis cette chute de Pierre, Seigneur, parce que, voulant le charger du soin de veiller à ce que ses frères demeurent fermes dans la vérité, vous saviez que personne n'est plus porté à compalir aux infirmités des autres que celui qui les a éprouvées. Mais à peine est-il tombé, qu'il se relève et nous, combien de jours n'avons-nous point passés dans votre inimitié, Seigneur! Combien de fois, par un regard plein de tendresse, ne nous avez-vous pas reproché nos infidélités! Nous avons soutenu ce regard sans être touchés de repentir, et notre vie est demeurée la même. O mon Dieu! jetez sur nous ce regard qui convertit votre disciple; qu'il soit comme un rayon de lumière qui ranime toutes les semences de vertu que vous avez répandues en nous. Nous voulons désormais vous donner sur nous-mêmes l'empire que vous prendrez, lorsque, devenu inexorable, vous ne nous regarderez que pour nous confondre. Mon Dieu! que je n'échappe pas maintenant à la puissance de votre regard: afin que je ne puisse en supporter la terrible majesté au jour de votre colère ! Amen.

CHAPITRE CVIII.

1-5. Le champ du potier. — 6-21. Jésus devant Pilate qui lui demande s'il est roi des Juifs et le ren22-29. Jésus devant Hérode qui le renvoie à Pilate (jeudi saint, vers neuf heurei

voie à Hérode.

du matin).

MATH., XXVII, 6-14; MARC, XV, 2-5; Luc, XXIII, 2-12; JEAN, XVIII, 28-38.

Principes autem sacerdotum, acceptis argenteis, dixerunt: Non licet eos mittere in corbonam, quia pretium sanguinis est.

Consilio autem inito, emerunt ex illis agrum

1. Or, les Princes des prêtres, ayant pris les pièces d'argent, dirent: Il n'est pas permis de les mettre dans le trésor, parce que c'est le prix du sang.

2. Et, s'étant consultés entre eux, ils figuli, in sepulturam pe achetèrent avec cet argent le champ d'un potier, pour la sépulture des étrangers.

regrinorum.

Propter hoc vocatus

est ager ille, Haceldama,

nis, usque in hodiernum

diem.

3. C'est pourquoi ce champ fut appelé,

hoc est, ager sangui dans leur langue, Haceldama, c'est-à-dire le champ du sang, nom qu'il a conservé jusqu'aujourd'hui.

Tunc impletum est quod dictum est per

Jeremiam prophetam,

triginta argenteos, pre

tium appretiati, quem

appretiaverunt à filiis Israel.

Et dederunt eos in agrum figuli, sicut constituit mihi Dominus.

4 Adducunt ergò Je

4. Alors fut accompli ce qu'avait dit le prophète Jérémie 1: Ils ont pris les trente pièces d'argent, prix auquel il a été mis, dans l'estimation qui en fut faite, par les fils d'Israël,

5. Et ils les ont données pour le champ d'un potier, comme le Seigneur me l'a assuré.

6. Or, Jésus comparut devant le gou

4. Cette prophétie ne se trouve point dans Jérémie; saint Jérôme dit l'avoir lue dans un volume hébreu apocryphe de Jérémie, qui lui fut montré par un Juif. On doit présumer que l'évangéliste n'a pas nommé le prophète, mais que quelque copiste aura surajouté le nom de Jérémie. Du temps de saint Augustin, il y avait des manuscrits où il était dit seulement un prophète. » En effet, on lit dans le

sum

ante præsidem; det ipsi non introierunt in prætorium, ut non contaminarentur, sed ut manducarent Pascha.

Exivit ergò Pilatus ad eos forås, et dixit : Quam accusationem affertis adversùs hominem hunc?

Responderunt et dixerunt ei: Si non esset hic malefactor, non tibi tradidissemus eum.

Dixit ergò eis Pilatus : Accipite eum vos, et secundùm legem vestram judicate eum. Dixerunt ergò ei Judæi: Nobis non

verneur 1; et les Juifs n'entrèrent point dans le prétoire, afin de ne se point souiller et de pouvoir manger la Pâque 2.

7. Pilate vint donc à eux dehors, et dit: Quelle accusation portez-vous contre cet homme?

8. Ils répondirent: Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne vous l'aurions point amené.

9. Pilate leur dit: Prenez-le vous

mêmes et le jugez selon votre loi. Les licet interficere quem- Juifs dirent: Il ne nous est pas permis d'in

quam.

Ut sermo Jesu imple

fliger la peine de mort à qui que ce soit 3. 10. Afin que s'accomplît ce que Jésus

prophète Zacharie, chap. xI: « Et ils ont compté pour moi trente pièces d'argent. Et Jéhova me dit: Jette à un potier ce prix magnifique auquel ils m'ont estimé. Et j'ai pris les trente pièces d'argent, et je les leur ai jetées dans la maison du Seigneur, pour qu'ils les donnassent à un potier. »

6. C'est ici que j'appelle surtout l'attention du lecteur, Les irrégularités, les violences que j'ai relevées jusqu'à présent ne sont rien en comparaison du déchaînement qui va se manifester devant le juge romain, pour lui arracher, contre sa propre conviction, une sentence de mort. (M. DUPIN.)

26. Singulier scrupule, et bien digne des Pharisiens: ils craignent de se souiller le jour de Pâque en entrant dans la maison d'un païen, et le même jour, quelques heures seulement avant de se présenter chez Pilate, ils avaient, au mépris de la loi, commis l'énorme infraction de siéger en Conseil, et de délibérer sur une accusation capitale. (M. DUPIN.)

3 9. Sans doute les Romains leur avaient ôté le droit d'infliger la mort, mais le grand Conseil pouvait encore prononcer cette peine dans les affaires purement religieuses; et Pilate qui, selon toute apparence, ne voit point là une question politique, leur reconnaît ce droit, quand il leur dit : Jugez-le selon votre loi. Ce n'est donc pas qu'ils n'eussent pas le droit de porter une pareille sentence. Du reste, ils l'auraient pris, s'ils ne l'avaient pas, comme nous le prouve la mort de saint Etienne qu'ils lapidèrent sans permission; mais en cette circonstance ils ne voulaient pas prendre sur eux seuls la condamnation de Jésus-Christ, soit parce qu'ils appréhendaient que le peuple, qui n'était pas encore séduit, ne leur imputât la mort du juste, et ne se portât peut-être à quelque violence contre ceux qui en auraient été les auteurs; soit qu'en réalité, d'après les termes de la loi, il ne leur fût permis que de lapider et non de crucifier. Or, c'est le supplice de la croix qu'ils demandent, et c'est du gouverneur qu'ils veulent obtenir la sentence, car le peuple n'osera se soulever contre un acte de son autorité.

retur, quem dixit: signi- avait dit pour marquer de quelle mort il

ficans quâ morte esset moriturus.

•Cœperunt antem illum accusare, dicentes : Hunc invenimus subvertentem gentem nostram, et prohibentem dare tributa Cæsari, et dicentem se Christum regem esse.

Introivit ergò iterùm in prætorium Pilatus, et vocavit Jesum, et dixit

devait mourir.

41. Et ils se mirent à l'accuser, en disant: Nous avons trouvé cet homme pervertissant la nation, défendant de payer le tribut à César, et se disant le Christ-Roi 1.

12. Et Pilate rentra dans le prétoire, ei: Tu es rex Judæorum ? appela Jésus et lui dit: Est-ce que vous

Respondit Jesus : A temetipso hoc dicis, an alii dixerunt tibi de me?

Respondit Pilatus : Numquid ego Judæus

sum?

êtes le roi des Juifs?

13. Jésus répondit: Dites-vous cela de vous-même, ou d'autres vous l'ont-ils dit de moi?

14. Pilate répondit: Est-ce que je suis Gens tua, et Juif? Votre nation et vos prêtres vous ont livré à moi. Qu'avez-vous fait?

pontifices tradiderunt te mihi quid fecisti?

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vient

15. Jésus répondit: Ma royauté ne me de ce monde 2; si elle me venait pas de ce monde, mes serviteurs combattraient pour que je ne fusse point livré aux Juifs; mais elle ne me vient pas d'ici.

16. Alors Pilate lui dit: Vous êtes donc roi? Jésus répondit : Vous le dites, je suis roi. Ce pourquoi je suis né, et pourquoi je

suis venu dans le monde, c'est que je rende

1 11. Ce n'est plus l'accusation de blasphème qu'ils portent maintenant contre Jésus-Christ: désespérant d'obtenir du juge romain une sentence de mort pour une question religieuse qui n'intéressait pas les Romains, ils changent subitement de système ils se départent de leur accusation première, l'accusation de blasphème portée par Caïphe, pour y substituer une accusation politique, un crime d'État.

215. Sur la terre, la royauté vient par droit de conquête, par élection, par usurpation; elle se transmet encore par héritage, ou comme droit de naissance; elle vient aussi comme à Saül, à David, à Salomon, etc., par la volonté de Dieu manifestée extérieurement et pour un temps donné; mais la royauté de Jésus-Christ ne lui vient d'aucune de ces manières. Voir ci-après verset 15.

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