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CHAPITRE CXII.

1-3. L'auguste mère de Jésus devient la nôtre. —4-14. Le soleil s'obscurcit; Jésus se plaint à son Père; on l'abreuve de vinaigre; il remet son âme entre les mains de son Père et il expire. 15-22. La terre tremble, le voile du temple se déchire, consternation générale (vendredi saint, de midi à trois heures du soir).

MATH., XXVII, 45-56; MARC, XV, 33-41; Luc, XXIII, 44-49; JEAN, KIX, 25-30.

Stabant autem juxta crucem Jesu Mater ejus, et soror matris ejus Maria Cleopbæ; et Maria Magdalene.

Cùm vidisset ergò Jesus matrem, et discipulum

1. Près de la croix de Jésus étaient debout sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine.

2. Jésus, ayant vu sa mère, et debout stantem, quem dilige près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère Femme, voilà votre fils.

bat, dixit matri suæ : Mulier, eccè filius tuus.

Deindè dicit disci

pulo Eccè mater tua.

3. Puis il dit au disciple: Voilà votre Et ex illa horâ accepit mère. Et depuis cette heure-là le disciple

eam discipulus in suâ.

Erat autem ferè hora

sexta,

A sexta autem horâ

lenebræ factæ sunt in

la regarda comme sa mère.

4. Or, on était environ à la sixième heure.

5. Et depuis la sixième heure jusqu'à la universam terram usque neuvième, des ténèbres se répandirent sur toute la terre 1.

in horam nonam.

5. Eusèbe, dans sa chronique, nous a conservé un passage remarquable d'un écrit de Phlégon, affranchi de l'empereur Adrien : « Dans la quatrième année de la 202 Olympiade, il y eut une éclipse de soleil, qui fut la plus grande de celles dont la connaissance cst parvenue jusqu'à nous. A la sixième heure (à midi), il faisait tellement nuit, que les étoiles parurent au ciel; et dans la Bithynie il y eut un grand tremblement de terre, qui fit ébranler une partie considérable de la ville de Nicée. » D'après les calculs chronologiques de beaucoup de savants, l'époque de ces phénomènes serait celle de l'année de la mort de Jésus. Ce même Eusèbe cite un autre auteur grec, qu'il ne nomme pas: « Le soleil fut obscurci; la Bithynie ébranlée par un tremblement de terre; une grande partie de Nicée s'écroula. » Cet obscurcissement ne pouvait être une éclipse ordinaire, parce que celles-ci ne peuvent avoir lieu pendant la pleine lune, et que la Pâque des Juifs ne peut être fêtée que pendant la pleine lune. Ce phénomène ne peut pas provenir non plus de l'obscurcissement de l'horizon, qui accompa gne ou précède ordinairement les tremblements de terre. C'était donc un phénomène

Et obscuratus est sol. A Et circa horam nonam clamavit Jesus voce ma. gna, dicens: Eli, Eli, lamma sabacthani? hoc est Deus meus, Deus meus, ut quid dereliquisti me?

Quidam autem illic stantes, et audientes, dicebant: Eliam vocat iste.

4 Postel sciens Jesus quia omnia consummata sunt, ut consummaretur

Scriptura, dixit: Sitio.

Vas ergò erat positum aceto plenum.

Et continuò currens unus ex eis, acceptam spongiam implevit aceto, et hyssopo circumponentes, obtulerunt ori ejus.

d

• Cateri verò dicebant Sine, videamus an veniat Elias liberans eum.

Et potum dabat ei dicens : Sinite, videamus

6. Et le soleil s'obscurcit. Et vers la neuvième heure, Jésus cria d'une voix forte: Eloï, Eloï, lamma sabacthani? c'està-dire Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné1?

7. Quelques-uns de ceux qui étaient là2, entendant cette parole, disaient: Il appelle Élie 3.

8. Sachant que tout serait consommé en accomplissant encore une parole de l'Écriture, Jésus dit; J'ai soif.

9. Or, il y avait là un vase plein de vinaigre.

10. Et aussitôt l'un d'eux, courant prendre une éponge, l'emplit de vinaigre; et l'attachant avec de l'hyssope au bout d'un roseau, il la présenta à la bouche de Jésus. 11. Et les autres disaient: Laisse, que nous voyions si Élie viendra le délivrer.

12. Et le premier donnait à boire à Jésus en leur répondant: Laissez-moi, vousmêmes précisément c'est pour que nous

extraordinaire, produit en témoignage du plus grand événement qui pouvait arriver sur la terre. Jésus était né au milieu de la nuit, et avait éclairé le monde de sa lumière céleste; c'est pour cela que le monde le crucifia en plein midi; et le soleil en pâlit d'épouvante.

6. Ce n'était pas assez que le Christ fût abandonné des hommes, il fallait que Dieu le livrât à toutes les angoisses d'une affreuse agonie. Tous les péchés du monde pesaient sur lui, et se présentaient à son esprit dans toute leur laideur, comme des fantômes hideux qui remplissaient son âme d'épouvante et d'horreur.

27. Et qui ne comprenaient point la langue hébraïque, ou se méprenaient sur la signification du mot Eloï.

37. Abus de cette pensée, vraie du reste, que le prophète Elie doit revenir à la fin des temps, pour être le précurseur du Messie.

10. Quelques-uns croient qu'au lieu du mot grec samos, il faut lire issòs ou cards, qui signifie trait, javelot; de sorte que le soldat romain aurait simplement piqué l'éponge à la pointe de la lance qu'il tenait à la main.

si veniat Elias ad depo- Voyions si Élie viendra le descendre de la

nendum eum.

a Cùm ergò accepisset Jesus acetum, dixit : Consummatum est.

Et clamans iterùm voce magnà Jesus ait : Pater in manus tuas commendo spiritum meum. Et hæc dicens, 4 inclinato capite, expiravit.

Et eccè velum templi scissum est in duas partes à summo usque deorsum, et terra mota est, et petræ scissæ sunt. Et monumenta aperta sunt; et multa corpora sanctorum qui dormierant, surrexerunt.

Et exeuntes de monumentis post resurrec tionem ejus, venerunt in sanctam civitatem, et apparuerunt multis.

b Videns centurio qui

croix.

43. Et Jésus ayant pris le vinaigre, dit : Tout est consommé.

14. Et criant de nouveau d'une voix forte, il dit Mon père, je remets mon esprit entre vos mains. Et disant cela, il inclina la tête, et il expira.

15. Et voilà que le voile du temple1 se déchira par le milieu depuis le haut jusqu'en bas, et la terre trembla, des rochers se fendirent, des sépulcres s'ouvrirent, et plusieurs corps de saints qui étaient morts se levèrent;

46. Et sortant de leurs tombeaux, après la résurrection 3, ils vinrent dans la ville. sainte, et apparurent à plusieurs.

17. Le centurion, qui était debout en factum fuerat et quia face de la croix, voyant ce qui venait de

ex adverso stabat, quod

sic clamans expiråsset, glorificavit Deum, dicens: Verè hic homo justus erat, et b Filius Dei.

se passer, et
que Jésus était mort en criant
avec tant de force, rendit gloire à Dieu,

et dit Assurément cet homme était juste;
assurément c'était le Fils de Dieu.

15. Rideau ou draperie d'une grande richesse, qui fermait l'entrée de la partie du temple que l'on appelait le Saint des Saints. Le voile ainsi déchiré indiquait que le temple de Jérusalem n'avait plus de mystères, et que le culte figuratif cessait pour faire place au culte véritable.

215. Tous les éléments rendent hommage à la divinité de Jésus-Christ; la nature entière reconnaît en lui son créateur et son maître; mais le Juif se montre plus dur que les rochers, plus sourd et plus froid que le sépulcre. (S. GREgoire-le-Grand.)

16. Ainsi, quoique l'évangéliste en parle en cet endroit, ce ne fut qu'après la résurrection du Sauveur que ces morts sortirent de leur tombeau. Jésus-Christ, nous dit saint Paul, est ressuscité d'entre les morts le premier de tous et comme les prémices de ceux qui dorment dans le tombeau. Comprenons ici ressuscité pour ne plus mourir.

16. La ville autrefois sainte car alors elle ne l'était plus.

Et qui cum eo erant custodientes Jesum viso

fiebant, timuerunt valdè

dicentes: Verè Filius Dei erat iste.

18. Et ceux qui étaient avec lui à garder

terræ motu, et his quæ Jésus, voyant le tremblement de terre, et tout ce qui arrivait, furent saisis d'une grande crainte, et dirent aussi : Cet homme était vraiment le Fils de Dieu 1.

Et omnis turba eo

rum, qui simul aderant ad spectaculum istud, et

19. Et toute la foule présente à ce spec

videbant quæ fiebant, tacle, voyant ce qui se passait, se retournait en se frappant la poitrine.

percutientes pectora sua revertebantur.

Stabant autem omnes noti à longè, hæc videntes.

b Erant autem et mulieres de longè, aspicientes quæ secuta

erant eum à Galilæa,

binter quas erat Maria

Magdalene, et Maria Ja

cobi et Joseph mater, et

Salome, mater filiorum

Zebedæi.

Et cùm esset in Gali

læa, sequebantur eum, et ministrabant ei; et

20. Or, tous ceux qui étaient de la connaissance de Jésus étaient debout à l'écart, regardant de loin toutes ces choses.

21. De loin aussi regardaient les femmes qui l'avaient suivi de Galilée, et parmi lesquelles étaient Marie-Madeleine, et Marie mère de Jacques et de Joseph, et Salomé la mère des fils de Zébédée;

22. Lesquelles, lorsqu'il était en Gaalia multa, quæ simul lilée, le suivaient et le servaient; et plusieurs autres encore, qui étaient venues à Jérusalem avec lui 2.

cum eo ascenderant Je

rosolymam.

1 18. On lui avait reproché de s'être dit faussement le Fils de Dieu, parce qu'il s'était laissé attacher à la croix, et qu'il n'en pouvait pas descendre. Il est encore attaché à la croix, et il y est mort; et voici qu'on publie hautement qu'il est véritablement Fils de Dieu. Déjà les blasphèmes de ses ennemis se tournent en confession de sa divinité.

2 y 22. A son dernier voyage.

1. Près de la croix de Jésus était debout sa mère. Les Scribes et les Pharisiens, les magistrats et le peuple, les bourreaux et les soldats, les Juifs et les Romains se plaisent, avec une joie féroce, à cette scène de douleur, et dans les emportements de leur infernale brutalité, font retentir tout le Calvaire d'horribles blasphèmes, d'insolents défis, de plaisanteries amères, d'atroces insultes contre le Sauveur du monde.

Marie entend cet affreux concert d'outrages sanglants que l'on vomit contre la majesté, l'innocence d'un Dieu qui est son fils, d'un fils qui est son Dieu, et après avoir déchiré ses oreilles maternelles, tout cela va retentir douloureusement dans son cœur. A travers la faible lumière que les astres à demi éteints répandent sur ce drame déicide, elle contemple ce corps sacré couronné d'épines, couvert, de la tête aux pieds, de plaies, transpercé par les clous, épuisé de forces, dégouttant de sang. Elle voit son front pâle, ses lèvres livides, ses yeux pleins de larmes, ses joues enfoncées, sa respiration haletante. Elle entend les derniers gémissements de cette auguste humanité prête à exhaler une âme noyée dans la douleur et enflammée d'amour pour ceux même qui veulent la lui arracher. Cependant, en présence de cette horrible scène, toute affection humaine se tait en Marie vis-à-vis des dispositions divines. Son amour pour Dieu le Père, dont elle est la fille; son amour pour Dieu le Saint-Esprit, dont elle est l'épouse, l'emportent en elle sur l'amour du Dieu-Fils, dont elle est la mère. Ainsi, tandis que la terre tremble, que le soleil s'éclipse, que le Calvaire s'écroule; au milieu du bouleversement, du deuil de la nature pleurant son auteur, Marie seule, à l'imitation de Dieu le Père, demeure spectatrice silencieuse et comme impassible des souffrances de son divin Fils.

(LE R. P. VENTURA.)

2. Jésus, ayant vu sa mère, et debout près d'elle le disciple qu'il av mait, dit à sa mère : Femme, voilà votre Fils. Ce fut comme si Jésus-Christ lui eût dit : « Femme, car dans ce moment j'oublie que vous êtes ma tendre mère, pour ne voir en vous que la femme par excellence, la femme forte, la femme sublime, la femme héroïque, la femme parfaite que j'ai fait annoncer et exalter dans mes Écritures, Mulier, Femme, voyez-vous là, Jean? Il est pur, il est saint, il est courageux, il est fidèle, il ne rougit pas de mes ignominies et de mes peines; il est, par conséquent, tout vivant de la vie de ma grâce. Or c'est le type des enfants dont vous, dans ce moment, devenez la mère: enfants vivant de la vie de la grâce, eux aussi, parce qu'eux aussi seront purs, saints, fidèles, et ne rougiront pas de mon nom, de mon Évangile, de ma religion. Votre cœur est transpercé par les clous qui déchirent mes membres; votre âme partage, et l'amour de mon père, et les peines de mon corps, et les opprobres de ma personne. Entrez en société d'amour avec mon Père par votre généreuse charité, et en société de supplice avec moi par votre profonde désolation; entrez encore avec moi et avec mon Père en société de mystère, de grandeur et de prodiges. Aimant le monde avec mon Père; souffrant

III.

23

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