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de minuit, un chant, un murmure mystérieux se fait entendre et une main frappe à la porte.

>> C'est sa bien-aimée qui se glisse tout doucement avec une robe d'écume de mer bruissante comme les flots. Son visage est frais et brillant comme la rose, son voile est tout parsemé de diamants; des tresses d'or se jouent autour de sa taille élancée; ses yeux ont un charme puissant et doux... ils tombent dans les bras l'un de l'autre.

» Le chevalier la tient embrassée avec transport; l'homme de bois est tout feu, l'homme pâle est tout rouge; le rêveur s'éveille; si timide ce matin, comme il s'émancipe tout à coup ! Mais elle, espiègle et taquine, lui couvre adroitement la tête de son blanc voile parsemé de diamants.

>> Dans un palais de cristal, au fond des eaux, voilà le chevalier captif par enchantement. Étonné, il regarde, et ses yeux sont presque aveuglés par l'éclat de mille facettes scintillantes. Cependant l'ondine l'enveloppe toujours de ses bras avec tendresse; le chevalier est le fiancé, l'ondine est la fiancée; autour d'eux, les vierges des eaux jouent de la guitare.

» Elles jouent, elles chantent, et une foule de petits

nains, garçons et filles, accourent en dansant. Le chevalier est ivre de joie au point d'en mourir, il embrasse toujours plus étroitement sa bien-aimée. »

PEDRILLO, accourant avec terreur.

Allah, aïe pitié de nous! Jésus, Marie, Joseph ! nous sommes perdus. Ils viennent! ils viennent!

Qui?

TOUS

PEDRILLO.

Les nôtres !

TOUS.

Comment? les nôtres ?

PEDRILLO.

Non, pas les nôtres; ces maudits païens, ces infâmes rebelles de la montagne! ils se sont glissés ici à

pas de loup. Nous sommes perdus. Ils sont là... entendez-vous?

Cliquetis d'armes. Voix confuses criant: Grenade! Allah! Mahomet!

QUELQUES CHEVALIERS.

Eh bien, qu'ils viennent!

Nos armes !

D'AUTRES CHEVALIERS.

Les dames donnent des signes d'épouvante. Zuleima s'évanouit. Grande agitation dans la salle:

ALY.

Soyez sans crainte, belles dames. Le Maure est galant, et, même dans sa colère, il n'oubliera pas envers les dames les lois de la chevalerie. Quant à nous, seigneurs, nous saurons nous battre...

TOUS LES CHEVALIERS, tirant leurs épées.

Oui, pour la vie et pour l'honneur!

Cliquetis d'armes. Voix confuses. Les Maures se précipitent; à leur tête sont Hassan et Almansor. Ce dernier se fraie un chemin jusqu'à Zuleima évanouie.

Bataille.

La lisière d'une forêt. On entend dans le voisinage le bruit des armes et les cris des combattants. Pedrillo accourt tremblant de peur et se tordant les mains.

PEDRILLO.

Malheur! la jolie noce est gâtée! oh! malheur ! les jolies robes de noce sont déchirées, lacérées, et toutes souillées de sang. Au lieu de vin, c'est. le sang qui coule. Je ne me suis pas enfui par lâcheté; oh! non. Seulement, je ne voulais gêner personne pendant la bataille. Ils s'arrangeront sans moi. Déjà les ennemis sont repoussés de la salle. (Se tournant d'un autre côté.) Ah! les voilà qui se battent devant le

château. Et là, là... oh! malheur! en voilà un qui manie son sabre d'une joyeuse façon! Je ne serais pas du tout charmé qu'une machine courbée comme celle-là se promenât lestement et gracieusement à travers mon visage. En voilà ùn qui a le nez coupé. Et notre gros chevalier Sancho, le pauvre diable! on lui a percé son gros ventre. Eh! mais, quel est ce chevalier rouge? c'est singulier! il porte le manteau espagnol et il est du parti des Maures... ô Allah! Jésus! ( pleure.) Ah! la pauvre Zuleima, notre aimable Zuleima! la voilà sur les épaules du chevalier rouge. Il la tient avec force du bras gauche, tandis que de sa main droite il brandit son cimeterre et frappe comme un furieux... Il est blessé!... il tombe!... non, non, il chancelait seulement... il est debout, il se bat... le voilà qui s'enfuit... Malheur! malheur! où me sauver? ici encore il faut laisser la place libre pour ne gêner personne... (ll se sauve à toutes jambes.)

Almansor passe en se traînant. Il porte d'un seul bras Zuleima évanouie, traîne derrière lui son cimeterre et murmure ces mots : Zuleima! Mahomet! Maures et Espagnols arrivent en combattant. Les Maures sont repoussés. Hassan et Aly sont aux prises, le sabre au poing; duel acharné. Hassan est blessé. Paraissent don Enrique, don Diégo et des chevaliers espagnols.

HASSAN, en tombant.

Ha! ha! le serpent de chrétien a mordu! et juste au cœur... oh! est-ce que tu dors, Allah? non, Allah est juste, et ce qu'il fait est bien fait... Est-ce que tu m'oublies? non; les hommes seuls sont d'une nature oublieuse... ils oublient leur Dieu, leur ami, et le meilleur serviteur de leur ami... dis-moi, Aly, reconnais-tu le vieil Aly, le serviteur d'Abdullah? Abdullah...

ALY, éclatant de colère.

Abdullah est le nom de ce traître, de ce lâche coquin, de ce scélérat altéré de sang, qui m'a assassiné mon fils, mon cher fils Almansor! le meurtrier d'Almansor s'appelle Abdullah...

HASSAN, mourant.

Abdullah n'est pas un coquin, un scélérat, Abdullah n'est pas le meurtrier d'Almansor! Almansor vit... il vit... il vit... il est ici... c'est le chevalier rouge qui emporte Zuleima... là, là......

ALY.

Mon fils Almansor est vivant? c'est le chevalier rouge qui emporte Zuleima?

HASSAN.

Oui, oui! il tient solidement ce qu'il a une fois

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