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King! les patriotes font de la politique en d'obscures tavernes, souscrivant, parlant, maudissant, bâillant, et s'enivrant pour le bien de la patrie. Le rosbif et le pudding fument, le porter mousse, et le charlatan écrit en souriant son ordonnance. Gare aux filous, partout où se presse la foule! les vagabonds vous obsèdent de leurs politesses; les mendiants vous mettent au supplice avec leur air misérable et leurs lamentations, mais un supplice bien plus cruel encore, c'est le vêtement incommode, l'étroit habit à taille de guêpe, le col cravate tout roide, et ces hautes tours babyloniennes en guise de chapeaux.

MAC-GREGOR.

J'en apprécie mieux mon plaid et ma toque. Vous avez bien fait de renoncer à ces vêtements de fous. Un Douglas doit être écossais par l'habit comme par l'âme, et mon cœur aujourd'hui bondit de joie, quand je vous vois tous dans notre cher costume national. MARIE.

Parlez-moi de votre voyage, Douglas.

DOUGLAS.

J'allai en voiture jusqu'à la frontière écossaise.

Cette façon de voyager était pour moi trop lente:

A Old-Jedburgh, je pris un cheval. Je lui donnai de l'éperon, mais j'étais aiguillonné moi-même par les élans de mon cœur. Je ne pensais qu'à vous, Marie, et rapide comme la flèche, à travers bois, à travers monts et plaines, je faisais voler mon cheval. Dans la forêt d'Inverness peu s'en fallut qu'il ne m'arrivât malheur; tandis que je chevauchais, plongé dans mes pensées, piff! paff! je fus éveillé de mes songes par les balles qui me sifflaient aux oreilles; trois brigands se précipitèrent sur moi, la lutte commença. Il pleuvait des coups. Je sus défendre ma vie, mais j'aurais succombé à la fin... Oh! malheur! Marie est toute pâle, elle chancelle, elle tombe...

Marguerite s'élance et soutient dans ses bras Marie évanouie.

MARGUERITE.

Oh! malheur! ma jolie poupée rose est pâle comme la craie et froide comme la pierre. Oh! malheur !

Moitié chantant, moitié parlant et caressant Marie.

Poupée mignonne, petite poupée à moi, ouvre tes jolis yeux.

>>Petite poupée si fine, je ne veux pas que tu sois froide comme le marbre.

» Je sèmerai des reflets roses sur tes blanches

joues. »

MAC-GRÉGOR.

Tais-toi, folle! avec ton langage insensé, tu troubles encore plus sa tête malade...

MARGUERITE, le menaçant du doigt.

Toi? toi? c'est toi qui veux gronder? lave d'abord tes mains, tes mains rouges; tu vas tacher de sang la blanche robe de noces de la petite poupée. Vat'en, je te donne un bon conseil.

MAC-GRÉGOR, d'un ton inquiet.

La vieille folle extravague!

MARGUERITE, chantant.

« Poupée mignonne, petite poupée à moi. »

MARIE, reprenant ses sens et s'appuyant sur Marguerite.
Continuez le récit de l'aventure. J'écoute.

DOUGLAS.

Je suis désolé que ce récit... Voici pourtant la fin. Un autre cavalier s'élança au milieu de nous, tomba sur le dos des brigands, et les chargea vigoureusement à grands coups d'estoc. Moi-même, animé d'un nouveau courage, je jouai plus librement de l'épée. Nous mîmes ces chiens en fuite. Je voulais

remercier le noble cavalier, mais il me cria : « Je n'ai pas le temps, » et repartit au galop.

MARIE, souriant.

Ah! Dieu soit loué! Vous m'avez causé une vive émotion; maintenant je me sens bien. Conduis-moi, Marguerite; des amies m'attendent dans la salle.

MARGUERITE, à Mac-Grégor, d'une voix craintive. Et toi, ne sois pas fâché, la pauvre Marguerite n'est pas toujours folle.

MAC-GRÉGOR.

Allez, nous vous suivons.

Marie et Marguerite sortent.

SCÈNE II

MAC-GRÉGOR, DOUGLAS.

DOUGLAS.

C'est une chose étrange; Marie est-elle sujette à ces émotions maladives? elle est aujourd'hui d'une faiblesse extrême; elle pâlit et tremble au moindre bruit...

MAC-GRÉGOR.

Douglas, je ne veux ni ne puis vous cacher ce qui trouble aujourd'hui si fort l'âme de Marie. Pardon

nez-moi de ne pas vous l'avoir confié plus tôt. Votre courage est téméraire, et le danger que j'ai détourné de vous avec prudence, vous l'eussiez vousmême cherché sans relâche. Vous auriez été impa

tient de le châtier, le scélérat qui a troublé le repos de Marie.

DOUGLAS.

Qui donc peut menacer le repos de Marie?

par

lez!

MAC-GRÉGOR.

Écoutez avec calme cette douloureuse histoire. Il y a six ans, arriva dans ce château un étudiant voyageur, William Ratcliff d'Edimbourg. J'avais connu son père autrefois, et très-bien même, parfaitement bien; il s'appelait sir Édouard Ratcliff. J'accueillis donc le fils amicalement, je le reçus sous mon toit et à ma table pendant quinze jours. Il vit Marie, la regarda dans les yeux, l'y regarda beaucoup trop, puis se mit à soupirer, à languir, à gémir... jusqu'à ce que Marie lui déclarât nettement qu'il l'importunait. Il empocha le compliment et partit... Deux années après vint Philippe Macdonald, comte d'Ais, qui brigua la main de Marie et réussit dans sa demande. Au bout de six mois,

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