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pétuelle circoncision; tant qu'enfin vous soyez réduits à la pure simplicité du christianisme. O que le monde, direz-vous, seroit hideux, [si on le dépouilloit ainsi de toutes ses vanités et de tout l'éclat qui l'environne] c'est ce qu'objectoient les païens; « Que les temps seroient heureux, disoient-ils, et » que le Christ auroit apporté au monde une grande » félicité, si l'on pouvoit y jouir de tous ses plaisirs » dans une parfaite assurance »! Si esset securitas magna nugarum, felicia essent tempora, et magnam felicitatem rebus humanis Christus adtulisset (1).

Condamnez donc le monde sans réserve. Ainsi puissiez-vous éternellement être en Jésus-Christ : ainsi puissiez-vous célébrer avec lui une Pâque sainte. Pâque, c'est-à-dire passage: puissiez-vous donc passer, non avec le monde, mais passer avec JésusChrist, pour aller du monde à Dieu, jouir des consolations éternelles, que je vous souhaite, avec la bénédiction de Monseigneur. Amen.

(1) S. Aug. in Psalm. cxxxvi, n. 9, tom. IV, col. 1518.

1.ER SERMON

POUR

LE DIMANCHE DES RAMEAUX.

Quels sont les plus grands ornemens du triomphe du Sauveur. Comment la vaine gloire corrompt la vertu en la flattant. Danger des louanges dans quelles dispositions nous devons être à leur égard. Pourquoi ceux qui sont dominés par l'honneur, sont-ils in failliblement vicieux. Par quels moyens l'honneur met les vices en crédit. De quelle manière il nous fait tout attribuer à nous-mêmes, et nous érige enfin en de petits dieux. Remède à une si grande insolence. Mépris que nous devons faire du jugement des hommes en voyant celui qu'ils ont porté de Jésus-Christ.

Dicite filia Sion: Ecce rex tuus venit tibi mansuetus.

Dites à la fille de Sion: Voici ton roi qui fait son entrée, plein de bonté et de douceur. Paroles du prophète Zacharie, rapportées dans l'évangile de ce jour, en saint Matthieu, ch. xxi. 5.

PARMI toutes les grandeurs du monde, il n'y a rien de si éclatant qu'un jour de triomphe : et j'ai appris de Tertullien, que ces illustres triomphateurs de l'ancienne Rome marchoient au capitole avec tant de gloire, que de peur qu'étant éblouis d'une telle magnificence, ils ne s'élevassent enfin au-dessus de la condition humaine, un esclave qui les suivoit avoit charge de les avertir qu'ils étoient hommes: Respice

post te, hominem te memento. Ils ne se fâchoient pas de ce reproche: « C'étoit là, dit Tertullien (1), le » plus grand sujet de leur joie, de se voir environné » de tant de gloire, que l'on avoit sujet de craindre » pour eux qu'ils n'oubliassent qu'ils étoient mor>>tels » Hoc magis gaudet tanta se gloria coruscare, ut illi admonitio conditionis suæ sit necessaria.

Le triomphe de mon Sauveur est bien éloigné de cette pompe; et quand je vois le pauvre équipage avec lequel il entre dans Jérusalem, au lieu de l'avertir qu'il est homme, je trouverois bien plus à propos, chrétiens, de le faire souvenir qu'il est Dieu; il semble en effet qu'il l'a oublié. Le prophète et l'évangéliste concourent à nous montrer ce Roi d'Israël « monté, disent-ils, sur une ânesse»: Sedens super asinam (2). Ah! Messieurs, qui n'en rougiroit? Estce là une entrée royale ? est-ce là un appareil de triomphe? est-ce ainsi, ô Fils de David, que vous montez au trône de vos ancêtres, et prenez possession de leur royaume ?

Toutefois arrêtons, mes Frères, et ne précipitons pas notre jugement. Ce Roi, que tout le peuple honore aujourd'hui par ses cris de réjouissance, ne vient pas pour s'élever au-dessus des hommes par l'éclat d'une vaine pompe, mais plutôt pour fouler aux pieds les grandeurs humaines : les sceptres rejetés, l'honneur méprisé, toute la gloire du monde anéantie, font le plus grand ornement de son triomphe. Donc pour admirer cette entrée, accoutumons-nous avant toutes choses à la modestie et aux abaissemens glorieux de l'humilité chrétienne, et (1) Apolog. n. 33. —(2) Zach. 1x. 9. Matth. xx1. 5.

tâchons de prendre ces sentimens aux pieds de la plus humble des créatures, en disant: Ave.

AUJOURD'HUI que notre Monarque fait son entrée dans Jérusalem, au milieu des applaudissemens de tout le peuple, et que, parmi cette pompe de peu de durée, l'Eglise commence à s'occuper dans la pensée de sa passion ignominieuse, je me sens fortement pressé, chrétiens, de mettre aux pieds de notre Sauveur quelqu'un de ses ennemis capitaux, pour honorer tout ensemble et son triomphe et sa croix. Je n'ai pas de peine à choisir celui qui doit servir à ce spectacle : et le mystère d'ignominie que nous commençons de célébrer, et cette magnificence d'un jour que nous verrons bientôt changée tout d'un coup en un mépris si outrageux, me persuadent facilement que ce doit être l'honneur du monde.

L'honneur du monde, mes Frères, c'est cette grande statue que Nabuchodonosor veut que l'on adore. Elle est d'une hauteur prodigieuse, altitudine cubitorum sexaginta; parce que rien ne paroît plus élevé que l'honneur du monde. « Elle est toute » d'or», dit l'Ecriture (1), Fecit statuam auream; parce que rien ne semble ni plus riche, ni plus précieux. « Toutes les langues et tous les peuples ado>> rent cette statue » : Omnes tribus et linguæ adoraverunt statuam auream (2); tout le monde sacrifie à l'honneur et ces fifres, et ces trompettes, et ces hautbois, et ces tambours qui résonnent autour de la statue, n'est-ce pas le bruit de la renommée ? ne sont-ce pas les applaudissemens et les cris de joie qui (1) Daniel. 111. I. - (2) Ibid. 7.

composent ce que les hommes appellent la gloire ? C'est donc, Messieurs, cette grande et superbe idole que je veux abattre aujourd'hui aux pieds du Sauveur. Je ne me contente pas, chrétiens, de lui refuser de l'encens avec les trois enfans de Babylone, ni de lui dénier l'adoration qué tous les peuples lui rendent; je veux faire tomber sur cette idole le foudre de la vérité évangélique; je veux l'abattre tout de son long devant la croix de mon Sauveur; je veux la briser et la mettre en pièces, et en faire un sacrifice à Jésus-Christ crucifié, avec le secours de sa grâce.

Parois donc ici, ô honneur du monde, vain fantôme des ambitieux et chimère des esprits superbes; je t'appelle à un tribunal où ta condamnation est inévitable. Ce n'est pas devant les Césars et les princes, ce n'est pas devant les héros et les capitaines que je t'oblige de comparoître; comme ils ont été tes adorateurs, ils prononceroient à ton avantage. Je t'appelle à un jugement où préside un Roi couronné d'épines, que l'on a revêtu de pourpre pour le tourner en ridicule, que l'on a attaché à une croix pour en faire un spectacle d'ignominie: c'est à ce tribunal que je te défère; c'est devant ce Roi que je t'accuse. De quels crimes l'accuserai-je, chrétiens? je vais vous le dire. Voici trois crimes capitaux dont j'accuse l'honneur du monde; je vous prie de les bien entendre.

Je l'accuse premièrement de flatter la vertu et de la corrompre; secondement de déguiser le vice, et de lui donner du crédit; enfin pour comble de ses attentats, d'attribuer aux hommes ce qui appartient

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