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dez de vives lumières! mais elles sont cachées aux sages du siècle : nul ne vous pénètre, qu'il ne vous révère; nul ne vous entend, qu'il ne vous adore: le degré pour arriver à la connoissance, c'est une vénération religieuse. Je vous la rends de tout mon cœur, ô croix de Jésus, en l'honneur de celui qui vous a consacrée par son supplice, dont le sang, les opprobres et l'ignominie vous rendent digne d'un culte et d'une adoration éternelle. Joignons-nous, ames saintes, dans cette pensée, et disons avec l'Eglise O Crux, ave.

:

Si le pontife de l'ancien Testament, lorsqu'il paroissoit devant Dieu, devoit porter sur sa poitrine, comme dit le Saint-Esprit dans l'Exode, « La doc>> trine et la vérité (1) », dans des figures mystérieuses; à plus forte raison le Sauveur, qui est la fin de la loi et le Pontife de la nouvelle alliance, ayant toujours imprimées sur sa personne sacrée la doctrine et la vérité, par l'exemple de sa sainte vie et par ses actions irrépréhensibles, les doit porter aujourd'hui d'une manière bien plus efficace dans le sacrifice de la croix, où il se présente à son Père pour commencer véritablement les fonctions de son sacerdoce. Approchons donc avec foi, chrétiens, et contemplons attentivement ce grand spectacle de la croix, pour voir la doctrine et la vérité gravées sur le corps de notre pontife, en autant de caractères qu'il a de blessures, et tirer tous les principes de notre science, de sa passion douloureuse.

Mais pour apprendre avec méthode cette science

(1) Exod. xxviii. 30.

divine, considérons en notre Sauveur ce qu'il a perdu dans sa passion, ce qu'il a acheté, ce qu'il a conquis: car il a dû y perdre quelque chose, parce que c'étoit un sacrifice; il a dû y acheter quelque chose, parce que c'étoit un mystère de rédemption; il a dû y conquérir quelque chose, parce que c'étoit un combat: et pour accomplir ces trois choses, je dis qu'il se perd lui-même, qu'il achète les ames, qu'il gagne le ciel. Pour se détruire lui-même, il se livre aux mains de ses ennemis; c'est ce qui consomme la vérité de son sacrifice en se livrant de la sorte, il reçoit les ames en échange; c'est ce qui achève le mystère de la rédemption: mais ces ames, qu'il a rachetées de l'enfer, il les veut placer dans le ciel, en surmontant les oppositions de la justice divine qui les en empêche; et c'est le sujet de son combat. Ainsi vous voyez en peu de paroles toute l'économie de notre salut dans le mystère de cette journée. Mais qu'apprendrons-nous pour régler nos mœurs dans cet admirable spectacle? Tout ce qui nous est nécessaire pour notre conduite : nous apprendrons à perdre avec joie ce que Jésus-Christ a perdu, c'est-à-dire les biens périssables; à conserver précieusement ce que Jésus-Christ a acheté; vous entendez bien que ce sont nos ames: à désirer avec ardeur ce que Jésus-Christ nous a conquis par tant de travaux; et je vous ai dit que c'étoit le ciel. Quitter tout pour sauver son ame en allant à Dieu et à son royaume, n'est-ce pas toute la science du christianisme? et ne la voyez-vous pas toute ramassée en mon Sauveur crucifié? Mais vous le verrez

bien plus clairement, quand j'aurai établi par ordre ces trois vérités proposées, qui feront le sujet de ce discours.

PREMIER POINT.

Je ne pense pas, chrétiens, qu'il y ait un homme assez insensé pour ne pas aimer les biens éternels, s'il avoit pu se résoudre à mépriser les biens périssables. Sans doute notre inclination iroit droitement à Dieu, si elle n'étoit détournée par les attaches diverses que les sens font naître pour nous arrêter en chemin : d'où il est aisé de conclure, que le premier pas dans la droite voie, et aussi le plus difficile, c'est de mépriser les biens qui nous environnent; et par une suite infaillible, que le fondement le plus nécessaire de la science dont nous parlons, c'est de savoir discerner au juste ce qui est digne de notre mépris.

Mais comme pour acquérir cette connoissance par la force du raisonnement, il faudroit un travail immense, Dieu nous ouvre un livre aujourd'hui où toutes les questions sont déterminées. En ce livre, les décisions sont indubitables, parce que c'est la sagesse de Dieu qui les a écrites: elles y sont claires et intelligibles, parce qu'il ne faut qu'ouvrir les yeux pour les voir: enfin elles sont ramassées en abrégé, parce que, sans partager son esprit en des études infinies, il suffit de considérer Jésus-Christ en croix.

Et il n'est pas nécessaire de faire de grandes présuppositions, comme dans les écoles des philosophes, ni de conduire les esprits à la vérité par un long cir

cuit de conclusions et de principes; il n'y a qu'une chose à présupposer, qui n'est ignorée d'aucun des fidèles : c'est que celui qui est attaché à ce bois infâme, est la sagesse éternelle, laquelle par conséquent a pesé les choses dans une juste balance.

Et certainement, chrétiens, si nous voulons en juger par les effets, le Fils de Dieu a toujours estimé ce qui méritoit de l'estime : la foi de la Cananée et [celle] du Centenier ont trouvé en sa bouche leur juste louange (1). Non-seulement il a distingué le mal et le bien, mais il a fait à point nommé le discernement entre le plus et le moins: par-là il a su connoître la juste valeur du denier de la pauvre veuve (2); et de peur de rien oublier, il a mis le prix jusqu'au verre d'eau qui se donne pour son service (3): enfin tout ce qui a quelque dignité, est pesé dans sa balance jusqu'au dernier grain. Qui ensuite ne conclura pas, que ce qu'il a rejeté avec mépris, n'étoit digne par conséquent d'aucune estime?

Que si vous voulez savoir maintenant quelles sont les choses qu'il a méprisées, il n'est pas besoin que je parle : ouvrez vous-mêmes le livre, lisez de vos propres yeux; les caractères en sont assez grands et assez visibles; les lettres en sont de sang, pour frapper la vue avec plus de force on a employé le fer et la violence, pour les graver profondément sur le corps de Jésus-Christ crucifié.

Toute la peine, Messieurs, c'est que dans ce déluge de maux infinis qui viennent fondre sur notre Sauveur, on ne sait sur quoi arrêter la vue mais

Matth. xv. 28. vIII. 10. —(2) Marc. x11. 43. — (3) Matth. x. 42.

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pour fixer nos regards, deux choses principalement sont capables de nous faire entendre l'état où il est réduit. C'est que dans cette heure destinée à ses souffrances, pour les faire monter jusqu'au comble; Dieu, par l'effet du même conseil, lâche la bride sans mesure à la fureur de ses envieux, et resserre dans le même temps toute la puissance de son Fils: il déchaîne contre sa personne toute la fureur des enfers, et il retire de dessus lui toute la protection du ciel. Il veut être traité de la sorte, pour rompre avec violence les [liens ] qui nous empêchent d'aller au bien véritable; « et afin que nous pussions acquérir le bien que nous désirons, il nous a ap» pris en souffrant, à mépriser ce que nous crai>> gnons » Et ut possemus bonum assequi quod optamus, perpetiendo docuit contemnere quod timemus. Ses ennemis sont en état de tout oser, et lui réduit dans le même temps à la nécessité de tout souffrir.

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Le souvenir de ses bienfaits miraculeux, qu'il avoit répandus à pleines mains sur ce peuple ingrat, devoit apparemment, chrétiens, sinon calmer toutà-fait, du moins tempérer un peu l'excès de leur haine; mais c'est la haine au contraire qui efface la mémoire de tous les bienfaits; et je ne m'en étonne pas. L'un des plus grands supplices du Fils de Dieu devoit être l'ingratitude des siens : c'est pourquoi les douleurs de sa passion commencent par la trahison d'un de ses apôtres. Après ce premier effet de la perfidie, tous ses miracles et tous ses bienfaits vont être couverts d'un épais nuage : toute la mémoire en est abolie; l'air ne retentira que de ces cris furieux :

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